Les Synagogues de Haguenau
Grand Rabbin Joseph BLOCH
Extrait de la brochure publiée par le G.R. Bloch :
Historique de la Communauté Juive de Haguenau des Origines à nos Jours (huit siècles), 1968, pp.41-44


Au cours des siècles, Haguenau a possédé trois synagogues. La première, probablement construite au 13ème siècle, se trouvait sur l'ancienne Place de l'Hôtel-de-Ville (aujourd'hui Place de la République). On l'appelait "Judenhus" (maison des Juifs). En 1349, lors de l'expulsion des Juifs, cette synagogue devint la propriété privée d'un non-juif. Lorsque les Juifs revinrent après quelques années d'absence, ils achetèrent une maison à l'emplacement où se trouve actuellement le n° 8 de la rue du Sel, pour y installer leur nouvelle synagogue. (Après la désaffectation, cette maison devint le restaurant Klein.)

Pierre datant de 1492
apposée dans le parvis de la synagogue
(dessin de P. Nuss)
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Dans un article Le langage des Pierres nous avons analysé le texte des inscriptions de trois pierres - dont deux, vestiges d'anciennes synagogues, se trouvent dans le parvis de notre temple - et dégagé la signification historique de ces inscriptions. (Voir Etudes Haguenoviennes 1956/57).

La première de ces pierres avait été apposée au mur du parvis de la synagogue actuelle dès sa construction en 1821 ; mais elle date d'une autre synagogue beaucoup plus ancienne dont elle devait perpétuer le souvenir d'une restauration. Pendant les troubles de la dernière guerre où toutes les synagogues de nos provinces avaient été dévalisées, sinon détruites complètement, elle avait trouvé asile dans le musée de la ville. Son conservateur, l'abbé CROMER, l'a rendue à son ancien propriétaire dès notre retour de l'exil. Elle a retrouvé aussitôt son emplacement d'antan.

Voici la traduction littérale de cette inscription :

"C'est cette pierre que nous avons élevée comme principale de l'angle pour ce petit sanctuaire. Que soit consi­déré comme holocauste l'argent offert avec joie pour la réparation du temple. Que Dieu envoie son serviteur Elie, pour le construire et fonder avec bonheur et allégresse. Entonnez bien fort «Amen» en tout temps et à chaque moment."
Elle date de 1492.

L'autre pierre, que Scheid connaît également et dont il analyse l'inscription, a été retrouvée en 1953 dans la maison de l'ancienne synagogue, 8, rue du Sel, où elle avait complètement disparu sous une épaisse couche de peinture. Sur nos conseils, la Commission Administrative de la Communauté Israélite l'a acquise et fait apposer au mur du parvis vis-à-vis de l'ancienne pierre décrite plus haut. L'inscription en est très bien conservée et se lit facilement:En réunissant les deux inscriptions (hébraïque et allemande), nous y lisons :

Que soit inscrit en souvenir ceci: la maison de prière (littéralement: de choix) a été incendiée en 1676 (date juive: (5)437), et dans l'année "en venant dans mon sanctuaire tu te réjouiras" (5)443 = 1683) elle a été reconstruite. Les légendes des années juives sont désignées par des lettres ponctuées.
Pierre datant de 1683
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Scheid lit par erreur dans le texte hébreu :
Balaïl (dans la nuit) au lieu de Kâlil (a été brûlée) ; il a confondu la lettre Kâf avec Bèth pour arriver ainsi à un contre-sens.

Il ressort de ce texte que la Synagogue de la rue du Sel n'a pas échappé à l'incendie de la ville de 1676 (1) et qu'elle a été reconstruite en 1683.

Existant depuis environ 1360 elle a, après la reconstruction, encore servi à nos ancêtres comme maison de prière pendant 140 ans. En 1821, elle a été remplacée par le temple actuel de la rue des Juifs.

Concernant l'inauguration de la nouvelle "Schoul" la synagogue actuelle, nous avons trouvé dans les archives de la ville le document que voici, adressé par la Municipalité au lieutenant du Roi :

"9 août 1821. Demain vendredi 10 août 1821, MM. du Culte Israélite doivent faire la translation de leur Evangile dans le nouveau temple. Je crois qu'il paraît nécessaire de faire fournir des patrouilles qui parcoureraien (sic!) la ville dans les divers quartiers, partieulièrement dans celui où doit passer le cortège, afin de faire respecter et prévenir tout désordre, s'il devait s'en présenter."

Intérieur de la synagogue - cliché pris vers 1880
Intérieur de la synagogue - cliché pris en 1926 par M. Simon Lemmel
à l'approche des fêtes de Tischri
Les temps avaient changé depuis la publication du règlement de l'empereur Ferdinand (en 1558-65), concernant les Juifs de Haguenau et des environs dont l'article 2 dit :
"Dans aucun de ces villages, il ne sera permis aux  Juifs d'avoir une synagogue. Dans le cas où ils s'assembleraient ouvertement ou en secret pour tenir une espèce de temple, ils nous payeront chaque fois un markd'argent (environ 50 francs-or)".

Depuis sa construction, cette dernière synagogue a subi  maints changements. Au début les places pour les dames se trouvaient dans la galerie du premier étage et l'Almémor était placé au milieu de la nef, respectant ainsi la disposition des synagogues de l'époque.
Les stalles des dames ont été disposées ultérieurement sur les deux côtés de la nef, et l'Almémor a été avancé vers l'Arche sainte.

En1897 l'orgue de la synagogue de la rue Ste-Hélène à Strasbourg a été acquis par Haguenau et introduit dans son temple malgré l'opposition des "conservateurs" de la communauté. Il devint un objet de la spoliation allemande en 1940.

Pendant la dernière guerre, le temple fut entièrement saccagé, sa façade détruite par les bombardements. A la libération, seul le grand lustre du milieu, épargné parce qu'inutilisable pour la fabrication de matériel de guerre, attestait l'ancienne splendeur de la synagogue.

La maison communautaire qui est située à côté du temple, dans la rue des Juifs, et qui comporte un bel oratoire pour les offices des jours non fériés, des locaux pour le Talmud-Thôrah et un logement pour le ministre-officiant fut également endommagée (2).

Premier mariage au retour, en 1947 : Bernheim-Berg

Depuis notre retour de l'exil, ces dommages ont été peu à peu réparés. La Municipalité a fait don à la synagogue de deux magnifiques vitraux d'art; placés des deux côtés de l'Arche sainte, ils sont l'œuvre du peintre-vitrier Tristan Ruhlman, de notre ville. Dix autres sont des dons individuels de généreux membres de la communauté. Dans les premiers figurent les emblèmes des douze tribus; les autres sont des représentations symboliques des fêtes de l'année juive. Grâce à la libéralité d'autres membres de notre communauté et de la Société des Dames, nous possédons deux menôrôth, un beau pupitre de lecture et d'autres ornements synagogaux.

Réinauguration de la synagogue - 22 mars 1959
Les rouleaux de la Torah sont ramenés en procession.
On reconnaît les rabbins : Max Warschawski (2ème),
André Neher (3ème), Charles Friedemann (4ème)
Derrière le bedau : Oscar Kugler, les rabbins Joseph Bloch,
Abraham Deutsch et Robert Dreyfus

La réinauguration de la synagogue, après les travaux de restauration, a eu lieu le 22 mars 1959. De nombreux rabbins et tous les membres du Consistoire du Bas-Rhin y assistèrent. La Municipalité était représentée par le Maire Brumbt et ses adjoints, les autres confessions par MM. les curés et le pasteur. Après la cérémonie dans la synagogue, un vin d'honneur, offert par la Municipalité, réunit les participants dans la Salle de la Douane. Ce fut un grand jour de fête pour la communauté israélite.

La synagogue actuelle

Notes :
  1. D'après A.M. Burg, Haguenau, Histoire d'une ville d'Alsace (1950), pp. 79 et 108, l'incendie de la ville eut lieu en février 1677. La légende de l'année juive (437) permet d'admettre 1676 jusqu'en décembre, ou 1677, si c'est plus tard.    Retour au texte.
  2. Cette maison fut acquise par la communauté par un acte de vente du 4 juillet 1905. Y figurent comme vendeurs : Moch Caroline et Hemmerdinger Arthur, comme acheteurs au nom de la communauté : Lévy Joseph, Roos Salomon et Bloch Joseph.    Retour au texte.


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