Belfort - figures de la communauté


Présidents de la Communauté

Rabbins à Belfort

Sources : Bulletin de la Société Belfortaine d'Emulation n°97/2006 p. 76 - Reconstitution à partir du registre des délibérations de la commission administrative de l'ACI.

Rabbin Léopold Lehmann (1800-1876)

Stèle du rabbin Léopold Lehmann
Né à Strasbourg, il étudié en Allemagne. Premier rabbin de cette synagogue de Belfort, il officie à partir de 1829, durant 47 ans à Belfort. C'est à lui que revint l'honneur de l'inauguration de la synagogue. La presse de l'époque le décrit comme une figure pittoresque et estimée du paysage local. D'une grande piété, il s'adonnait à l'étude, patriote il encourageait les défenseurs et bénissait les combattants. Ses noces d'or en 1874 auront un éclat particulier dans toute la ville, relatées par la presse et honorées par la Musique Municipale. Le rabbin de Belfort recevait une indemnité de logement versée par les communes de Delle, Grandvillars, Rougemont-le-Chateau, Giromagny, Foussemagne et Belfort, au prorata de leur population juive respective.

Un document d'archive indique que Léopold Lehmann semblait dépenser beaucoup d'énergie en diverses correspondances, pour faire honorer le versement de cette indemnité, par exemple Foussemagne qui refusa de payer, pour une raison inconnue de nous. Léopold Lehmann était chargé des relances administratives, et relança plusieurs fois ainsi l'Etat qui s'était engagé financièrement dans la construction de la synagogue, et qui ne s'en acquitta qu'en versant à tempéramment les 10000 francs prévus. André Larger rappelle que l'un de ses fils sera le premier conseiller municipal israélite de Belfort vers 1865 et sera réélu.

Ses obsèques attirent "un innombrable concours de personnes de tous les cultes et toutes les classes de la société" selon le Grand Rabbin de Paris (1). Sa tombe est aujourd'hui, l'une des plus belles du cimetière israélite.

Rabbin René Kapel

Le rabbin Kapelovitz connu sous le nom de Kapel a laissé dans les souvenirs, celui d'un rabbin rassembleur des jeunes et de leurs parents, des Juifs belfortains et des Juifs qui fuyaient l'Allemagne et la Pologne. Il acceptait les invitations à dîner, et choisissait alors son menu et son contenant. Il pratiquait le ski et descendait volontiers la piste Tassian du Ballon d'Alsace avec les jeunes. Il chantait a cappella les prières juives qu'Alice Blum avait mises en musique.

Cultivé, ouvert au monde, sioniste, excellent pédagogue, fédérateur et ami de tous. Le rabbin Kappel est devenu après la guerre, ambassadeur d'Israël en Amérique du sud pour revenir ensuite à Jérusalem où il prenait plaisir à rendre visite aux belfortains ou à les recevoir.
Voir sa biographie détaillée : http://judaisme.sdv.fr/histoire/rabbins/kapel.htm .

Alice Blum, chef de Choeur
par Georges Blum, son fils

Alice Blum (1904-1998) a créé et dirigé la chorale de la synagogue, à partir de 1936.
Née Haas, de mère allemande, sa grand-mère vivait à Fribourg-en-Brisgau jusqu'à la déclaration de la guerre en 1940.
Premier prix de piano du conservatoire de Marseille, Alice a épousé en 1925 Marcel Blum, fils d' Emile Blum, président de la communauté.

Elle créa en 1936 la chorale mixte de la synagogue. En 1938, elle crée une troupe de théâtre composée de jeunes et monte La Fée des poupées pour la fête de Pourim qui se produira dans la salle des fêtes de Belfort, une opérette enfantine d'un excellent niveau. La première partie donnait à voir des sketches, les mamans avaient confectionné les costumes. La pièce devait être jouée à Mulhouse, mais la déclaration de guerre ne l'a pas permis.
Alice Blum mit aussi en musique les prières juives chantées par le rabbin Kapel.

Après guerre, avec un sens pédagogique affirmé, elle rassembla dans son salon toute la jeunesse de Belfort, toutes origines confondues, pour lui apprendre à chanter juste, et relança la chorale.
Son chapeau à plume et ses mains qui battaient la mesure sont restés gravés dans nos mémoires.
Elle travaillait avec Gilbert Sigrist chez qui elle voyait un brillant avenir de musicien.
Elle anima également avec Marguerite Guguenheim les marchés Wizo.
Elle milita activement pour l'accueil à Belfort dans les meilleures conditions, des coreligionnaires d'Afrique du nord. Bien des réfugiés trouvèrent chez elle réconfort et conseils.
Alice Blum a laissé la forte empreinte d'une maîtresse femme dans le souvenir des belfortains.

Marguerite Guguenheim

Nous devons à Marguerite Guguenheim épouse du président Jacob Guguenheim, la création de notre journal communautaire, "Shalom - notre communauté" dans les années 1950.

Gaston Mayer, schamess à Belfort
La vie juive à travers la carrière de Gaston Mayer de 1949 à 1977
par sa fille, Yolande Berda

La famille Mayer au complet
Mon père, Gaston Mayer ( 1908-1987) est arrivé de sa Lorraine natale (2), à Belfort en juillet 1949. Il est employé comme schamess ( bedeau) de la communauté par le Président Mr Jacob Guguenheim.
Etaient en place à ce moment, un ministre du culte ('hazen) Sigmund Friedmann et le rabbin Kalenberg.

Une dynastie de Schamess !
Mon père était issu d'une dynastie de schamess : mon grand père, Salomon Hirsch a occupé cette fonction durant trente années à la communauté de Strasbourg. Son fils aîné Joseph fut bedeau en chef par la suite. Deux autres de ses fils Alfred occupèrent cette même fonction, Alfred à Saverne avant et après la guerre et enfin, Sylvain fut schamess à la communauté de Colmar.

Mon père a été mobilisé le 2 septembre 1939 ; il a été fait prisonnier le 23 juin 1940 et il est parti en captivité jusqu'au 13 avril 1945. Il était au stalag XI A prisonnier numéro 4148.
Marié à Strasbourg avec Marguerite Hirsch le 6 décembre 1945, ils eurent trois filles.
Ensuite il a repris un commerce ambulant de vaisselle "Faïences de Sarreguemines" et tissus. Il parcourait les marchés en Moselle, avant d'être engagé comme schamess à Belfort.

Les fonctionnaires logeaient dans l'ancienne maison
Le ministre du culte et le bedeau habitaient dans l'ancienne maison (à la place du centre communautaire). L'habitation était composée d'un rez-de-chaussée où logeait la famille Mayer et d'un premier étage où logeait Mr Friedmann et son épouse Frida, et leurs trois fils. La communauté de Belfort, à son arrivée, était florissante, elle se composait principalement de juifs originaires d'Alsace, et d'immigrés venus de Pologne. Ces derniers habitaient pour la plupart dans le quartier de la vieille ville de Belfort.

Les fêtes en habit d'apparat
Lors des fêtes et même le Shabath, le schamess, le hazen et le rebbe se paraient de leurs "habits". Le bedeau avait un manteau queue de pie, un pantalon en flanelle noire, un chapeau à bicorne style Napoléon mais en largeur, et un grand collier avec un médaillon, en métal argenté. Il était en quelque sorte le maître de cérémonie lors de commémorations, mariages etc....

Une chorale et l'harmonium pour les mariages
Pour les mariages notamment, l'harmonium de la synagogue retentissait ; Alice Blum jouait merveilleusement accompagnée par un choeur d'enfants, et les voix de M et Mme Feigenbaum.
Les fêtes de Pourim se déroulaient souvent au Tonneau d'Or ou à la salle des fêtes de Belfort ; il était de coutume d'offrir des gâteaux à des gens, on appelle cela schlahmonès qui étaient confectionnés chez elles par les dames de la communauté.

Le travail du schamess consistait aussi à faire le ménage dans la synagogue, (dans la grande salle et l'oratoire). Après quelques années une femme de ménage l'a remplacé dans cette tâche.
Une schabbess goy, dame qui habitait dans la rue de l'As de Carreau, venait lors des fêtes et Shabat hpour allumer et éteindre les lumières de la schule. Parfois elle avait un peu bu, et elle oubliait de venir. Mon père allait la chercher à son domicile. Elle se nommait Mme Zimmermann ; avant elle c'était Monsieur Fusch, je crois, qui remplissait cette fonction du schabbess goy. Mon père Gaston Mayer termina sa carrière au cours du rabbinat de Meyer Tordjmann.

Le schamess rendait de nombreux services
Le schamess Gaston Mayer en habit
Le schamess se chargeait de convoquer les hommes pour le mynian lors des offices et plus particulièrement pour les anniversaires de deuil. Car il faut dix hommes pour les offices.
Il allait chez tous les membres de la communauté (sauf les extérieurs), pour encaisser les cotisations et les divers dons à la Torah. Il lui fallait, parfois, aller plusieurs fois chez les gens (absences, pas de monnaie etc..)
Il commandait aussi les pains azymes (matsoth) pour Pessa'h (Pâque). Il livrait à domicile pour la plupart des commandes. On pouvait d'ailleurs acheter des matzes tout au long de l'année. Au début il livrait avec une charrette, et plus tard avec sa 203 commerciale.

Lors des grandes fêtes de Rosh Hashana, Kipour, Soukoth...c'est lui qui enregistrait les dons à la synagogue.
ère achetait les pains au pavot (berchés) pour le Kidoush (3) à la Soukka (4), c'était une tradition ashkénaze. Le Kidouch se faisait avec du schnaps. C'est lui qui décorait alors la cabane avec des fruits et légumes de saison. Il allait au bord de la rivière La Savoureuse, cueillir les branches de chaneli (saule pleureur) pour les loulavim (5). Il commandait aussi tout ce qu'il fallait pour composer ces loulavim, la myrte, les cédrats.
calendriers Bloch pour Rosh Hashana.

Les volailles de Rosh Hashana couraient dans la cour, la tête tranchée !

Mr Friedmann et Mr Elie Meyer tuaient les volailles que les concitoyens leur apportaient pour les fêtes. Ils étaient shokheth. Les fidèles venaient faire "checheté" les volailles. Il y avait une famille d'origine d'Algérie qui apportait un poulet par membre de leur famille (ils avaient neuf enfants !). Imaginez le travail pour déplumer les bêtes ensuite. C'était une tradition chez eux. Tout se passait dans la cour arrière du centre communautaire, les volatiles couraient encore avec la tête tranchée selon le rituel, les plumes volaient partout dans la cour.
shokhethallait aussi tuer les bovins à l'abattoir de Belfort. La boucherie cachère se situait alors rue Thiers, tenue par les frères Edmond et Gaston Lévy. Dans les années 1962-63, Mr Ayache venant d'Algérie, s'installa comme boucher rue Stracman, succédant aux Lévy partis à la retraite.

C'est mon père, Gaston Mayer, qui demandait aux bénévoles de venir lors de la toilette (tahara) des défunts. A cette époque, on faisait mynian (6) au domicile du défunt. Il faisait des visites aux malades, aux personnes dans la peine, et à tous d'ailleurs.

A Simhath Tora, il y avait distribution des prix de l'école religieuse, et aussi de cornets de friandises. Les cours avaient lieu le jeudi et le dimanche matin. Le jeudi étant sans école, remplacé ensuite par le mercredi.

Ma mère se dévouait aussi pour la communauté. Elle participait à la confection des sargeness (vêtements mortuaires), avec les demoiselles Gradwohl. Elle confectionnait les repas de Pessa'h, pour les bar mitsvoth, les mariages, et des gâteaux pour les ventes Wizo.

Le temps des schnorrers à Belfort !
Souvent, des schnorrers (mendiant) venaient, qui sortaient de prison (Belfort), ou tout simplement des colporteurs. Ma mère leur donnait à manger, et un responsable de la communauté leur donnait une aide financière pour continuer leur route.

Héberger les Juifs de Lure pendant les fêtes !

A Kol Nidrei, des personnes telles que Mr Fuchs de Lure ou Mr et Mme Myrtil Meyer de Lyon venaient manger, ainsi ils pouvaient passer Kipour à Belfort. Il arrivait que nous ayions des pensionnaires pour une ou moins longue période ; un ingénieur venant de Bombay en stage à l'usine Alsthom, a pris ses repas pendant son séjour à Belfort, il voulait manger Kasher. Il y avait aussi des enseignants de la Yechiva d'Aix-les-Bains et bien d'autres personnes.
J'emploie des mots en judéo-alsacien, car c'est ainsi que nous parlions pour la plupart, les familles polonaises discutaient plutôt en Yiddish.
Avec la venue des familles d'Algérie, Tunisie, Maroc, dans les années 1960, un rite sépharade a évolué à la communauté. On a oublié peu à peu tous ces termes !

Mon père, Gaston Mayer a fait valoir ses droits à la retraite en décembre 1977. Il quitta son logement de fonction pour un appartement rue Jean Rostang. Son épouse est décédée le 28 juin 2005.
Il n'y a plus de schamess à Belfort depuis lors. Une page de l'histoire est tournée.

Notes :

  1. Voir La vie juive au XIX° siècle à Belfort par Marie Pey, Bulletin de la Société belfortaine d'émulation n°97/2006, p 77-78.    Retour au texte.
  2. Du village de Puttelange-les-Parchwiller appelé aujourd'hui Puttelange-aux-lacs en Moselle.    Retour au texte.
  3. Sanctification du vin.    Retour au texte.
  4. Cabane construite à ciel ouvert, recouvert de branchage, à l'occasion de la fête des Tentes, Soukoth.    Retour au texte.
  5. Loulav au singulier. Désigne la composition de quatre espèces végétales qui étaient réunis pour la bénédiction de la fête de Soukoth.    Retour au texte.
  6. Réunion du nombre requis de 10 hommes.    Retour au texte.

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