Fabrication de la matza shemoura
à Jérusalem
© M.Rothé

Polémique sur la fabrication des matzoth
Grand Rabbin Max Warschawski

Savez-vous que ?

Il y a cent quarante ans environ, on inventa un procédé pour fabriquer mécaniquement les matzoth. Jusqu’alors les pains azymes étaient faits à la main, depuis le pétrissage de la pâte jusqu’à la fin de la cuisson. Il fallait une main d’oeuvre abondante et une surveillance permanente pour que la durée de fabrication ne permette pas à la pâte de lever donc de devenir ’hametz. Le système mécanique remédiait en grande partie à ces inconvénients.

Mais cette nouvelle invention provoqua une polémique très grave dans le monde rabbinique, polémique qui n’est pas réglée encore totalement aujourd’hui. Les uns invoquaient la tradition ; ils rejetaient toute nouveauté et, parfois sans connaître le procédé de fabrication, déclaraient hametz’ les azymes ainsi confectionnés.

La polémique débuta dès l’apparition des matzoth faites à la machine. Le rabbin de Brody, Chlomo Kluger, publia une "déclaration à la maison d’Israël", dans laquelle il attaqua avec violence Yosef Chaoul Nathanson, le rabbin de Lemberg, qui avait permis l’usage de cette machine dans sa communauté. Les deux rabbins étaient des autorités de premier plan, mais le rabbin de Lemberg était beaucoup plus impliqué dans les problèmes quotidiens de la vie de la Qehilla (communauté). Or les matzoth industrielles étaient beaucoup moins chères, donc plus accessible aux classes pauvres.

Deux clans se formèrent :
- les uns se rangèrent aux cotés de Rav Kluger, interdisant les matzoth fabriquées mécaniquement,
- les autres, suivant la décision du rabbin de Lemberg, firent installer des boulangeries de pains azymes fonctionnant mécaniquement.

La déclaration des "interdisants" fut signée par certains décisionnaires éminents et demeura en vigueur en Europe Orientale et Centrale, surtout parmi les ‘Hassidim. Mais si de nombreux fidèles continuaient à ne manger que des matzoth manuelles, on ne put interdire, même dans ces régions les matzoth industrielles.

La "contre déclaration" du rabbin Nathanson reçut l’approbation de la plupart des maîtres ashkénazes, parmi lequels Rabbi Jacob Ettlinger, rabbin des Trois communautés (Altona, Hamburg, Wansbek), de Rabbi Isaac Dov Bamberger, le Würzburger Rav. A côté de ces autorités universellement reconnues figurent les approbations du rabbinat français :
- Mendel Dayan (Emmanuel Deutz, grand rabbin du Consistoire central)
- Kauffmann Emerich ( Marchand Ennery, grand rabbin de Paris)
- Isaac Beer (le célèbre Reb Itzik de Bischheim)
- Lipmann Bloch de Ribeauvillé
- Michel Cerf de Bergheim

Et pourquoi ce long exposé sur les matzoth industrielles ?
C’est que l’inventeur de la machine (en 1838) était un juif alsacien Isaac (Itzik) Singer de Ribeauvillé, né en 1802 !

La fabrication des matzoth

Pour répondre à des demandes qui m'ont été faites, voici les procédés de la fabrication des matzoth :

  1. Quelles céréales peut-ont utiliser pour en faire des matzoth nécessaires pour le Séder ?
    Blé, orge, avoine, seigle et épeautre (nous utilisons que des azymes à base de blé). Ces céréales sont les seules, selon la halakha, susceptibles de fermenter. La fermentation des autres céréales (riz par exemple) est considérée comme un pourrissement.
    Il faut donc utiliser un blé qui n'a pas germé et dont l'humidité naturelle au moment de la moisson est suffisante pour permettre d'avoir une farine correcte sans mouiller le grain avant la mouture. De là, première nécessité d'une surveillance : celle de la mouture.

  2. Du blé à la farine :
    Il faut soigneusement nettoyer toutes les parties du moulin et veiller à ce que tout soit parfaitement sec. Contrôler aussi que le grain ne soit pas humidifié.
    Les premiers sacs de la farine destinés aux matzoth ne seront pas utilisés comme farine de Pessah.

  3. De la farine aux matzoth :
    Tous les éléments de la machine seront soigneusement nettoyés et, durant la fabrication - c'est-à-dire du pétrissage à la fin de la cuisson -, constamment surveillés. Il faut éviter que la pâte ne lève, et ne devienne 'hametz.
    Or, on ne peut faire des matzoth utilisables au Séder qu'avec une pâte susceptible de lever, mais dont on n'empêche qu'elle ne lève.
    Pour cela, il faut une manipulation continue, sans le moindre arrêt quelconque. On pétrit des quantités limitées de pâte, qui, ensuite, passent dans un four (électrique aujourd'hui) après avoir été étalées par des cylindres en acier. La pâte avance sur un tapis roulant et, durant le trajet, est perforée et coupée en matzoth carrées. Le tout, depuis le pétrin jusqu'à la sortie du four, ne dure que quelques minutes.
    Au bout de plusieurs fournées, on arrête la machine, qui est soigneusement nettoyée de toutes traces de pâte qui se seraient accrochées au cours de l'opération.
    Les matzoth shemouroth, dont on a surveillé le blé depuis la moisson, pour éviter toute humidité, sont fabriquées en général immédiatement après le nettoyage du réseau pétrin-four. On les appellera "matzoth 18 minutes" car c'est le temps maximum pour empêcher la fermentation de la pâte. Toutefois, les matzoth ordinaires sont fabriquées aussi rapidement.
    Après quoi, l'emballage se fait immédiatement. Il faut contrôler si une matza ou plusieurs ne sont pas pliées (en général dans les coins). Celles-ci sont considérées comme 'hametz. De même si une matza sort ramollie du four, elle est éliminée.
Voilà, grosso-modo, l'histoire des matzoth que vous consommez à Pessah.
Bon appétit !


Traditions Judaisme alsacien Pessah
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