FOUSSEMAGNE

La synagogue de Foussemagne sélectionnée par la Fondation du Patrimoine
Lundi 29 août 2022
La Mission Bern vient de révéler la liste des cent projets de rénovation pour l'édition 2022 du Loto du Patrimoine. Parmi elles, la synagogue de Foussemagne, près de Belfort. La Fondation du Patrimoine a fixé un objectif
de 100 000 euros de dons à atteindre sur son site internet, en un peu plus de deux ans. Au bout de quelques heures, plus de la moitié de la somme avait déjà été récoltée. C'est le Grand Belfort qui a présenté la candidature
de l'ancienne synagogue de Foussemagne pour qu'elle soit rénovée. Un coût total de rénovation estimé à 1,4 million d'euros. Après l'annonce de sa sélection par la Fondation du Patrimoine, le maire belfortain Damien Meslot
s'est réjoui dans un communiqué de presse : "Je suis ravi par cette décision et proposerait que les travaux de la synagogue de Foussemagne soient inscrits dès le budget 2023". Cliquez ici pour contribuer.

Histoire de la Communauté
Extrait de la brochure les 150 ans de la synagogue de Belfort
Directeur de la publication : Laurent Hofnung - Rédactrice en chef : Nadia Hofnung


Simone Dreyfus-Schmidt nous parle de la restauration de la synagogue de Foussemagne
Maintenant qui ne sait que Foussemagne ne possède qu'une synagogue et point d'église ? Un site web de la commune en fait sa singularité. Sont issus notamment de cette communauté André Frossard et Tristan Bernard, ainsi que l'historienne Béatrice Philippe. En 1749, Marie-Claire de Reinach (1) (1683-1732), installe à Foussemagne une dizaine de familles juives.

A l'origine, la synagogue était en bois et torchis, lorsqu'elle fut considérée dans un tel état de dégradation, dans les années 1860 que les Juifs de Foussemagne entreprirent de la rebâtir. Ce qui fit surgir l'édifice existant aujourd'hui. Au 17ème siècle, 15 familles juives sont mentionnées, avec 17 familles chrétiennes, sur le registre des Mays de la seigneurie des Reinach de Foussemagne. Parmi ces familles le nom de Picard prévaut sur les autres. Ils sont marchands de chevaux réputés et font commerce sur la route de Bâle. En 1784, on dénombre 22 familles, 139 individus : dont un prévôt, Cerf Picquer dit Meyerlé, 2 maîtres d'école (Abraham Hirsch et Nathan Schwob), 2 pauvres (le veuf Vorach et la femme Guttel) (2).

Extrait des noms du recensement de 1784 des
Juifs de Foussemagne
En 1793, le rabbin de Foussemagne, Salomon Roth (3), assiste comme témoin au premier mariage ayant lieu à Belfort.

Au 19ème siècle, la commune de Foussemagne refuse de payer sa quote-part d'indemnité de logement due au rabbin de Belfort, au prorata de sa population juive.
La "Communauté israélite de Foussemagne et Montreux-Château", ainsi dénommée, mériterait une étude spécifique, étroitement liée à l'histoire de la seigneurie de Reinach qui semble les avoir protégés et dont ils tiraient un revenu.

Le 19 avril 1947, les membres survivants de la Shoah, ont décidé à l'unanimité leur rattachement à la Communauté israélite de Belfort, avec toutes conséquences juridiques de transfert d'actif et passif social. Lucien Ducas, a été chargé comme mandataire, de vendre aux enchères publiques deux bâtiments sinistrés par faits de guerre. Il s'agissait de la synagogue et du logement pour le Rabbin.

Un cimetière est mentionné, ayant subi des dégâts de guerre (4).

En mars 2014, à la la faveur des travaux de rénovation et de reconfiguration de la maison dite "du rabbin", l'entreprise chargée de ce chantier a mis à jour l'ancien mikwé (bain rituel) de la communauté israélite de Foussemagne.

La Municipalité a entrepris de transformer la synagogue en un " Musée de Foussemagne, Centre d'histoire et lieu de mémoire". Il s'agit de restaurer le bâtiment de l'ancienne synagogue (inscrit à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques) ; et de créer un musée sur l'histoire du Sundgau, de Foussemagne et de sa communauté juive.

Notes :

  1. Epouse de François Joseph Ignace de Granvelle-Foussemagne (1664-1730). Le roi a érigé en comté les terres et seisgneuries de Foussemagne, Grandvelle, Fontaine avec une partie de celles de Montreux et de Roppe (lettres patentes de 1718).
  2. ADTB 2J 1-2 (4-7) et Assous Laurent et Heymann Joss, La communauté juive de Belfort, histoire d'une intégration, Université de Technologie de Sévenans (ADTB 8J 73).
  3. op. cit., p 50.Retour au texte.
  4. S'il s'agit du cimetière de Foussemagne, où est-il situé ? Qu'est-il devenu ? Il semble plus probable qu'il s'agisse du cimetière de Belfort. Réf. Registre des délibérateurs (1945-63).


Note sur la communauté juive de Foussemagne
Gilles Banderier
Extrait du Bulletin de la Société Belfortaine d’Émulation, 111, 2020, p. 15-16.


Synagogue de Foussemagne (au second plan)

"Le village de mon père était le seul village de France où il y eût une synagogue, et pas d’église.
C’est, après Belfort, un pays d’herbe rase et de brouillard, une de ces terres de l’Est lentes à s’ouvrir au soleil, où de blêmes souvenirs d’invasions défilent derrière les boqueteaux. Les maisons enfoncent jusqu’aux yeux leurs bonnets de tuiles à l’alsacienne et s’accotent au talus pour résister au vent.
[…] Attirée par l’esprit libéral des seigneurs du lieu, les comtes de Reinach-Foussemagne, une colonie juive assez nombreuse s’était établie au cœur du village à la fin du Moyen Âge.
D’où, non loin de la mairie, la synagogue de grès rose, à vrai dire assez peu fréquentée entre les grandes fêtes, vaste bâtiment de style anonyme, percé de fenêtres en plein cintre aux vitrages d’escalier bourgeois, hanté par la silhouette chiffonnée du rabbin, personnage discret, et pauvre, marié sur le tard avec une demoiselle plus attardée encore, humbles moineaux de chandelier à la voix plaintive, dont la pénurie faisait dire à leurs coreligionnaires avec un sourire d’affectueuse commisération : “Rabbin, ce n’est pas un métier pour un juif !” ".

Cette page extraite de l’autobiographie spirituelle d’André Frossard (1) constitue la meilleure introduction à ce qui fait l’originalité - l’unicité, même - de ce village belfortain. En 1784, Foussemagne comptait 22 familles juives, soit 139 personnes (6) ; en 1849, 166 habitants (sur 408) étaient de confession israélite (3).

Comme c’est le cas ailleurs (4), il subsiste peu de documents relatifs à la communauté juive de Foussemagne qui soient antérieurs au 19ème siècle (5) ; ce qui constitue une évidente raison pour suivre le conseil de dom Mabillon ("Ne rejetez rien, quand ce ne serait qu’une épigramme ou qu’un distique") et ne rien négliger. Ainsi ce billet (6) : Le prévost de la communauté des Juifs à Foussemagne, avertira tous les Juifs et Juives, que Monsieur l’Intendant estant chargé de veiller à l’exécution de l’article 6 des lettres pattentes du 10 juillet dernier, qui leur déffend de contracter aucun mariage, mesme hors les Etats du Roy sans une permission expresse de Sa Majesté, que ceux d’entre eux qui se trouveront dans le cas de demander cette permission, peuvent s’adresser à Monsieur l’Intendant qui mettra leur demande sous les yeux du Roy ; fait à Belfort par nous subdélégué à Belfort le 4 decembre 1784. Signé Belonde.

Je soussigné prevost de la communauté des Juifs, reconnois avoir reçu l’avertissement dont copie est cy joint. Fait à Foussemagne le [blanc] decembre 1784.

Chaque communauté juive de quelque importance (et celle de Foussemagne était importante) élisait un préposé particulier (parnass), chargé de la représenter auprès des préposés généraux de la nation juive et des autorités locales (7). Dans ce document, Henry de Belonde, subdélégué à Belfort (1776) et bailli du comté de Belfort (1777) (8), s’adresse au préposé de Foussemagne pour lui intimer l’ordre d’observer un article de l’ordonnance du 10 juillet 1784, stipulant « qu’il est défendu à tout Juif ou Juive actuellement résidant en Alsace, de contracter aucun mariage sans la permission formelle du roy, même hors des états de sa domination, sous peine d’être incontinent expulsé de la province » (9) .Ces lettres patentes avaient pour objectif avoué de limiter la population juive de la province ; objectif non atteint, si l’on en juge par les chiffres donnés plus haut.


La Synagogue de Foussemagne en 2022

Notes :

  1. Dieu existe, je L’ai rencontré (1969), Paris, Le Livre de Poche, 1972, p. 14-15. La grand-mère paternelle d’André Frossard était juive et sa grand-mère maternelle protestante.
  2. Dénombrement général des Juifs, qui sont tolérés en la province d’Alsace, en exécution des lettres-patentes de Sa Majesté, en forme de règlement du 10 juillet 1784, n° 39, p. 84-86.
  3. Le Patrimoine des communes du Territoire de Belfort, Charenton-le-Pont, 1999, p. 152.
  4. "Note sur la communauté juive de Marmoutier", Pays d’Alsace, 2021, p. 00-00.
  5. Marie Fey, "La vie juive à Belfort au XIXe siècle" , Bulletin de la Société Belfortaine d’Émulation, XCVII, 2006, p. 63-188.
  6. Archives départementales du Haut-Rhin, 5 C 1284/9. L’orthographe et la ponctuation des documents ont été respectées (sauf distinctions d’usage, comme ou et où, a et à, i et j).
  7. Robert Weyl, Freddy Raphaël, "Organisation civile et religieuse des Juifs en Alsace (1648-1793)", Revue des Sciences sociales de la France de l’Est, VI, 1977, p. 73-99 (en particulier p. 84) ; repris dans les Regards nouveaux sur les Juifs d’Alsace, Strasbourg, Istra, 1980, p. 17-45.
  8. Notice d’Yvette Baradel dans le Nouveau Dictionnaire de Biographie Alsacienne, s.v. ; Dictionnaire Biographique du Territoire de Belfort.
  9. Cité par Jacqueline Rochette, La Condition des Juifs en Alsace jusqu’au décret du 28 septembre 1791, thèse pour le doctorat en droit, Paris, Librairie Lipschutz, 1938, p. 114. Sur les lettres patentes de 1784, voyez les p. 128-132.

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