ROMANSWILLER

Synagogue de Romanswiller
Une synagogue, édifiée en 1738, menace ruine vers les années 1840. Une nouvelle sera construite en 1849. Celle-ci existe toujours, mais elle devient propriété de la commune en 1956, et sert de siège à la Société de Musique. Une école de musique y fonctionne encore aujourd'hui.

La Communauté juive de Romanswiller
par Pierre KATZ
Actes des 16ème et 17ème Colloque de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine, 2004-2005

Les origines :

Au début du 17ème siècle, le village de Romanswiller est propriété conjointe de la ville de Strasbourg et de Henri Bock ; lors du décès de ce dernier en 1638, Strasbourg devient seul propriétaire, comme le Magistrat de cette ville interdit la présence de Juifs sur ses terres, il est permis d'affirmer, qu'il n'y a pas de communauté juive à Romanswiller à cette époque.

Pendant la Guerre de Trente ans, le village est pratiquement détruit. En 1659, la ville de Strasbourg, ruinée par la guerre, vend Romanswiller au baron de Haindel, petit seigneur de la noblesse immédiate de Basse-Alsace Pour ranimer la vie du village, M. de Haindel attire les immigrants, notamment suisses, ainsi que des familles juives, pour développer le commerce, et aussi pour affirmer son rang de seigneur immédiat de l'Empire, qui lui confère le droit d'accueillir ou de refuser les Juifs sur ses terres.

A partir de cette époque, la présence juive est attestée dans de nombreux documents, et surtout dans les registres d'imposition, les Juifs constituant par les versements en droits de protection et d'autres impôts, une source de revenus appréciables. C'est ainsi qu'en 1669, sont attestés 6 chefs de familles à Romanswiller, et 14 en 1704.

Le développement de la communauté :

Un état dressé en Juin 1725, à la demande de l'Intendant d'Alsace, et concernant toutes les communautés juives implantées sur les terres du Directoire de la noblesse immédiate de Basse-Alsace, indique à Romanswiller la présence de 28 chefs de famille ainsi que 6 veuves. On peut noter quelques points intéressants :

On voit donc que dès le début du 18ème siècle, la communauté est devenue importante (28 chefs de familles et 6 veuves, cela fait environ 150 à 160 personnes), et s'est organisée pour avoir une vie intellectuelle et religieuse. Comme Romanswiller fait partie des terres du Directoire de la noblesse immédiate de Basse-Alsace, la communauté juive relève d'un rabbin implanté à Niedernai. Mais le Tribunal rabbinique (Beth Din) correspondant est lui implanté à Romanswiller, et le rabbin président de ce Tribunal y réside.

La synagogue
En 1739 on voit apparaître sur de nombreux documents (notamment des Ketouboth - contrats de mariage) le nom de Joseph Kuppenheim. Ce rabbin va se voir confier en 1755 par l'abbé de Marmoutier les fonctions de rabbin de la Marche de Marmoutier, et donc de l'importante communauté de Marmoutier (qui compte alors près de 300 personnes).

La communauté de Romanswiller continue de se développer tout au long du 18ème siècle; elle compte plus de 200 personnes en 1784 et lors de la prise de nom patronymique des Juifs de l'Empire napoléonien en 1808, plus de 240 personnes.
Lors de la mise en place de l'organisation territoriale du judaïsme français en 1808, la communauté de Romanswiller est rattachée au rabbinat communal de Marmoutier.

Les métiers :

Pour le 18ème siècle, on ne possède que peu d'informations sur les activités exercées par les Juifs de Romanswiller. Dans l'état de 1725, on trouve "Jecoph Packträger" (Jacques le Colporteur). Dans un état de 1740, il est fait mention de "Mauschen der Öhljud " (Moïse le fabricant d'huile) et de "Abraham der Seifensieder" (Abraham le savonnier).

On trouve des informations plus précises dans les états de délivrance des certificats de non-usure en 1808. Parmi les 17 Juifs obtenant ce certificat, on note 4 marchands de bestiaux, 2 bouchers, 6 ferrailleurs, 1 colporteur en épicerie et 4 colporteurs en étoffes.

Il est intéressant de noter, que dès 1809, deux colporteurs en tissus de Romanswiller ouvrent une boutique de tissus à Wasselonne, (cette petite ville appartenant avant 1791 à la ville de Strasbourg, n'a pas de communauté juive ; celle-ci ne se constitue que très lentement au cours du 19ème siècle par des familles provenant des villages environnants, comme Romanswiller).

Les équipements cultuels :

La communauté de Romanswiller se dote dès le début du 18ème siècle des installations nécessaires à la pratique religieuse. Il n'a pas été possible jusqu'à présent de trouver des informations précises sur la présence d'un bain rituel, mais d'autres installations ont pu être identifiées.

Il est fait mention d'une synagogue à Romanswiller : ceci est confirmé, par un état du 15 juin 1843, qui signale une synagogue datant de 1738, qui est en mauvais état et menace ruine ! Il n'est malheureusement pas possible de savoir, s'il s'agissait d'un bâtiment à usage de synagogue ou d'une salle de prière installée dans un bâtiment à usage privé.

Une nouvelle synagogue est inaugurée en 1894. Le bâtiment subsiste encore aujourd'hui, mais a été acquis en 1956 par la municipalité. Il sert aujourd'hui de local pour les associations, notamment la Société de Musique.

Dès 1714, il est fait état d'une taxe versée par la communauté juive, pour un terrain à usage de cimetière. Selon d'autres documents, il semble que l'ouverture de ce cimetière remonte à la fin du 17ème siècle. Ce cimetière est encore en fonction aujourd'hui ; à côté des juifs de Romanswiller, y ont été inhumés les défunts des communautés d'Odratzheim et de Wasselonne. Ce cimetière, a contenu un peu plus de 900 tombes ; malheureusement, dans la partie ancienne, beaucoup de pierres tombales ont disparues, et une grande partie de celles, qui subsistent, est en très mauvais état, par suite de l'usure du grès, qui a souvent très mal résisté au temps.

Le déclin et la fin de la communauté :

Au début du 19ème siècle, la communauté reste stable, et en 1851, elle compte encore 250 personnes. Mais, le déclin commence et s'accélère. Les juifs, qui sont restés cantonnés essentiellement dans les activités commerciales, quittent les villages pour les centres plus importants et finalement, pour la métropole régionale, Strasbourg.

La communauté, ne compte plus qu'une quarantaine de personnes en 1939. Comme dans toute l'Alsace, les Juifs de Romanswiller sont expulsés en juillet 1940. Ils paient aussi leur tribut à la Shoah, et la communauté, ne se reconstituera pas en 1945.

Il ne reste plus de cette communauté, que quelques objets de culte dans la synagogue de Wasselonne, et au Musée d'Arts et Traditions populaires de Marmoutier, et sur place le bâtiment de la synagogue et le cimetière. Mais il subsiste encore à Romanswiller quelques personnes, qui ont encore connu cette communauté active, et qui ont voulu, que ne tombe pas dans l'oubli la contribution, qu'elle a apportée, pendant près de trois siècles à la vie du village.

M. Jean-Paul Unbekant, ancien maire de Romanswiller, a rassemblé les données historiques, que j'ai résumées ci-dessus, ainsi que tout un ensemble d'informations et d'anecdotes sur la vie de la communauté juive. Il en a fait un petit ouvrage intitulé CHRONIQUES DE ROMANSWILLER : LA COMMUNAUTÉ JUIVE, dont je ne peux que recommander la lecture à tous ceux, qui s'intéressent à la vie d'une communauté juive rurale alsacienne.

Photogaphies : © M. Rothé

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