US ET COUTUMES DE PESSAH EN ALSACE
Grand Rabbin Max WARSCHAWSKI

Cliquez pour entendre les mélodies traditionnelles du Séder chantées par Claude Hoenel (accompagnement : Jean-Marie Audibert).
Ce récital a été produit par l' Association EMET de Strasbourg qui en garde tous les droits de diffusion, et le vend en CD :
5 rue de l' Observatoire, 67000 Strasbourg - Tél. 03.88.45.09.26
Prix : 15 € + frais de port; 3 € en France - port gratuit en France pour deux CD achetés

Après les usages du judaïsme alsacien à Hanouka et Pourim,Voici brièvement les minhagim (coutumes) de Pessah.

Préparatifs

Alphonse Lévy : Bedikath 'hametz (la recherche du 'hametz)
Recherche du 'hametz

En premier lieu, bien entendu il faut penser aux matzoth , les pains azymes. Leur fabrication et leur cuisson commençaient peu après Hanouka. C’est un des rabbins alsaciens qui surveillait les diverses étapes jusqu’à l’emballage des azymes. Autrefois, les matzoth étaient faites dans certaines communautés et vendues aux baal-batim (chefs de famille) avant la fête.
On ne connaissait pas la matza shemoura (matza fabriquée avec de la farine dont le blé est surveillé depuis la moisson).
Pour le Séder pascal, on utilisait des matzoth plus épaisses, les "mitzvess", que l’on perçait d’un trou pour les reconnaître.
Les boulangers spécialisés dans la fabrication des matzoth (Matzebäk) fournissaient toute l’Alsace-Lorraine et la casherouth de leur production n’était mise en doute par personne.
Certains produits (huile, sucre) étaient fabriqués aussi avec la surveillance du rabbin.

Veille de Pessah

La recherche du ’hametz le soir précédent la fête était un événement pour les enfants. Ils accompagnaient leur père à travers la maison, cherchant les morceaux de pain que leur mère avait dissimulés partout. C’était le ’Hometz Batlé
(bedikath 'hametz - recherche du 'hametz).

Ces restes de pain et autres produits interdits à Pessah étaient rassemblés et brûlés. La grande joie des enfants était de brûler le ’hametz . Dans les villages, ils allaient de maison en maison ramasser les restes de pain et tous les aliments interdits à Pessah et en faisaient une flambée souvent dans un des coins du cimetière. C’était pour eux une occasion de récolter quelques pièces d’argent, comme à Pourim en apportant les mishloa’h manoth (Chlah’moness) ou à Hoshana Raba (Chane Rave) en proposant les branches de saule (Chanelich).

Dans les villages surtout, on mangeait la veille de Pessah dans les cours pour ne pas amener de ’hametz dans les appartements soigneusement débarrassés de toute trace de pain, farine, de pâtes ou de bière et de tout ce qui, à Pessah, était interdit.

Le Séder

Plat du Séder
Plat du Seder
On préparait l'après-midi le plat du Séder (Seiderplatt).

Contrairement à l’usage adopté en Europe Centrale et orientale qui plaçait les divers ingrédients selon un ordre inspiré par la mystique kabalistique du moyen-âge, le monde ashkénaze, alsacien a conservé les traditions anciennes : ces ingrédients étaient placés selon leur ordre d’utilisation.

Devant le maître de maison l’eau salée et la verdure (karpass ). Plus loin, en deuxième position les herbes amères (maror ) et le ’harosseth rappelant les briques fabriquées par les hébreux esclaves en Egypte.
Tout au fond, il y avait l’oeuf et l’os grillés que l’on ne consommait pas au cours du Séder .
Les trois matzoth étaient placées soit dans un napperon à trois pochettes soit sur la Seiderplatt à trois étages.
Pour le karpass on ne connaissait que le cerfeuil (ni radis, ni persil, ni pommes de terre comme en Europe orientale).
Pour les herbes amères(maror ) on prenait :

  1. de jeunes pousses de salade que l’on ne trouvait qu’à cette époque de l’année, car les paysans s’arrangeaient pour les avoir avant la Pâque, pour leur clientèle juive ;
  2. le raifort râpé ou non (surtout pour le "sandwich" matza-maror appelé kore’h ).

Pour rien au monde on n’aurait mangé le soir du Séder des aliments figurant sur le plat du Séder (en particulier des oeufs durs, qui en Pologne, introduisent le repas pascal). Donc, ni viande, grillée ou rôtie, et pas de salade.

La Hagada

Enveloppe de tissu dans laquelle on place
l'afikomane avant de le cacher
La lecture de la Hagada (die Gode) était souvent monotone. Rares étaient les chefs de famille qui en commentaient le texte même s’ils en traduisaient quelques passages. "Ma Nichtana " et ses quatre questions étaient réservés aux plus jeunes enfants qui, au cours de la soirée s’arrangeaient pour "chiper" l’afikoman sans lequel on ne pouvait pas terminer le Séder (de là l’expression "Er hot die matze geganeft" – "il a volé la matza " – qui deviendra en yiddish alsacien, "il a tiré le gros lot", ou bien : "qu’a-t-il déjà gagné ? la matza de l’afikomane ?"

On attendait les passages chantés qui étaient entonnés par tous :
"Vehi sheomdo" ("c’est ce qui nous a permis de survivre, nos pères et nous"), et certains passages du Hallel etc..

Dans la seconde partie de la Hagada , certains chants (en général tardivement composés) étaient chantés en hébreu et dans une traduction judéo-allemande. Les plus connus étaient les suivants :

Les anciennes hagadoth imprimaient toujours, à côté du texte hébraïque, la version judéo-allemande.

Le repas pascal et la fin de la soirée

A. Lévy : Table du Séder
Table du Seder
Le repas du comportait de la carpe à la juive, un bouillon avec des boulettes de matzoth (Matze Knepflich) sans lesquelles le Séder serait incomplet. Comme on ne pouvait manger de la viande rôtie ou grillée, on servait du boeuf ou de la volaille bouillie ou en ragoût. Comme dessert il y avait souvent un Matzechalet ou des Krimserlich (du vieil allemand Grimsel) : galettes de matzoth grillées au sucre et au vin.

Après avoir mangé l’afikoman et dit le Benchen (du latin "benedicere "), un enfant ouvrait la porte pour accueillir le prophète Elie, annonciateur du Messie.

La seconde partie du Séder était plutôt bâclée sauf pour les chants repris en choeur et qui étaient entrés tardivement dans la Hagada : donc, inconnus jadis dans le monde séfarade.

La semaine de Pessah

II n’y avait pas de Pessah sans Matze Kafé le matin, que l’on mangeait trempé dans un café au lait très sucré.

L’interdiction de manger les légumes secs limitait les repas aux pommes de terre ou aux épinards que l’on faisait couper chez le paysan avec un couteau Yomtefdick ; on mangeait beaucoup d’oeufs durs.

Les ménagères s’ingéniaient à diversifier leurs repas. Entre autres il y avait les Geröshtt Matzes, matzoth revenues dans l’huile ou de la graisse d’oie. Elles étaient le pendant salé des Krimserlich sucrés.

On faisait grand usage de graisse d’oie. Chaque famille gavait une oie que l’on égorgeait pour Hanouka et dont on gardait les cuisses et la poitrine ainsi que la graisse pour Pessah.

Liturgie

Chaque fête avait son (ou ses) airs spécifiques. Cet air devenait le leitmotiv dans le Hallel ou dans le Benchen. L’air de Pessah était celui du Adir hou (Bau dein Temple Shire - pour la construction rapide du Temple). Un hazan (chantre) qui aurait confondu les airs était violemment critiqué.

Pessah est lié au Cantique des Cantiques. Les multiples piyoutim (poèmes religieux) qui complétaient les prières des premiers jours de Pessah étaient centrés autour du Cantique. Le verset de Bra’h dodi ("fuis mon bien aimé") se chantait sur des airs traditionnels ; gare à l’officiant qui essayait d’innover ! Les derniers jours de la fête célébraient le passage de la Mer Rouge. Là encore, un piyout/IPATROSS énumère les cantiques qu’Israël a chantés durant son histoire depuis le Cantique de la Mer rouge jusqu’à celui qui annoncera l’ère messianique.

Il y aurait encore tant à dire jusqu’à la Rumpelnacht à la fin des huit jours de fête, quand on ressort la vaisselle de toute l’année et que l’on range soigneusement celle de Pessah avant d’aller boire une bonne bière !

’Hassal sidour Pessah ("fin du Séder de Pessah) est un piyouth qui achevait la soirée pascale avant que ne s’ajoutent les textes de chants dont nous avons parlé.

Je pense avoir évoqué en gros les us et coutumes de notre région. Je serais heureux que vous me signaliez des minhagim (coutumes) en vigueur (jadis hélas !) dans telle ou telle communauté.

En attendant, Baue güt (Bonne construction !f). Bau dein Te (que le Temple soit construit) non à Shira (en chanson), mais Shire (rapidement) !

’Hag Samea’h, Güt Yontef, Bonne Fête !


Traditions Judaisme alsacien Pessah
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