Laure Weil à Périgueux
Extrait de la brochure Laure Weil, sa vie, son oeuvre, éditée en 1969


Les Oeuvres d'Aide Sociale Israélites à Périgueux. Laure Weil et ses collaborateurs : on reconnaît Monsieur le Grand Rabbin Hirschler et M. le Rabbin Cyper, morts en déportation, M. Armand Ledermann, fusillé par les Allemands, Mlle Laure Weil, Mlle Fanny Schwab, M. Lucien Cromback, M. le Rabbin Victor Marx, M. Fuldheim, décédés.


Les Oeuvres d'Aide Sociale Israélites (O.A.S.L) créées à Périgueux dès décembre 1939 dont Laure Weil fut la présidente, lui permirent de grouper autour d'elle, outre son équipe de travailleurs sociaux et administratifs, un conseil d'administration dont les membres devinrent ses amis : le tant regretté grand rabbin du Bas-Rhin René HIRSCHLER qui vint une ou deux fois par an depuis Marseille rendre visite à sa Communauté que la guerre ne lui avait pas permis de connaître, Monsieur le rabbin Victor MARX, Monsieur Lucien CROMBACK, Monsieur Arthur BLUM, le Docteur Joseph WEILL et d'autres.

Elle recevait le coeur et les mains ouverts

Laure Weil eut une préférence marquée pour les activités qui la mirent en contact avec les personnes faisant appel aux O.A.S.I. Monsieur le Rabbin MARX disait fréquemment : "Il n'y a qu'une personne qui sait recevoir à la rue Thiers : c'est Laure Weil. Elle reçoit avec le coeur et les mains ouverts".
Laure Weil accueillit tout chacun avec son chaud sourire et eut pour lui le mot lui permettant de retrouver l'espoir dans l'avenir, de lutter contre le découragement et de rentrer chez lui confiant et rassuré.

Le vestiaire

Elle consacrait beaucoup de temps au vestiaire aidée par quelques dames. Les rayonnages et les armoires installés dans une pièce spacieuse du 3e étage du n° 3 de la rue Thiers, étaient toujours, même par les temps de disette les plus durs, remplis d'effets vestimentaires neufs, de linge de corps et de chaussures, qu'elle procurait miraculeusement, avec ou sans points textiles. Elle trouvait pour chacun et chacune ce dont ils avaient le plus besoin et partout les réfugiés savaient que Laure Weil dénichait ce qu'eux-mêmes furent incapables de se procurer.

Action en faveur des camps d'internement

C'est elle qui constituait et dirigeait l'équipe des dames confectionnant et expédiant chaque mois des centaines de colis dans les camps situés dans le Sud de la France, détenant les résidents temporaires de nationalité allemande internés en France après la déclaration de la guerre, ainsi que les coreligionnaires expulsés d'Allemagne et amenés en décembre 1940 dans des trains de marchandises. Des paquets furent également envoyés dans les camps dispersés dans les départements limitrophes où étaient groupés les travailleurs de nationalité allemande ayant vécu en France, principalement des juifs, internés pour la durée de la guerre. Ces colis continrent des effets vestimentaires et des vivres et apportèrent à chacun un baume bienfaisant à leur détresse et un souffle d'espérance. Les nombreuses lettres témoignant de la reconnaissance des bénéficiaires ont été détruites par la Gestapo laquelle s'est emparée de nos bureaux de la rue Thiers à Périgueux le 4 avril 1944.



Les enfants des orphelinats de Strasbourg
et de Haguenau à Bergerac

Un groupe d'enfants à Vélines. On reconnaît en dehors de
Laure Weil M. le Grand Rabbin René Hirschler et M. le
Rabbin Victor Marx

L'orphelinat de Strasbourg et le "Nid"
Laure WEIL telle que nous l'avons vue à Bergerac pendant la deuxième
guerre mondiale

Elle arrivait... et le soleil semblait entrer dans le baraquement qui abritait les orphelinats de Strasbourg et de Haguenau repliés à Bergerac. Rien n'échappait à son beau regard perçant.

D'un coup d'oeil, elle embrassait toute la salle, chaque monitrice et, surtout, chaque enfant : un tel avait besoin de chaussures, tel autre d'un manteau, de chaussettes ; au-dessus du lavabo, les brosses à dents étaient fatiguées, on manquait de gobelets... D'ailleurs, pour elle et pour son équipe du 3, rue Thiers à Périgueux, rien n'était impossible. Je n'ai jamais su si c'était grâce à ses nombreux amis ou simplement grâce à son intuition, qu'elle découvrait les choses les plus rares et les plus invraisemblables : des sous-vêtements de laine et, lorsque les manteaux furent introuvables, elle nous fit adresser tout un lot de capes en loden. Et tous ces objets rares à l'époque ne devaient pas être gardés en réserve, non, il fallait les donner immédiatement aux enfants qui en avaient le plus besoin. Plus tard... on retrouverait autre chose.

La, clandestinité n'avait en rien altéré son caractère gai, optimiste, ni sa combativité.
Pour elle, les "Orphelins d'Alsace repliés à Bergerac" étaient "ses" vrais enfants et elle les traitait comme tels. Elle avait trouvé, à Périgueux, une confiserie qui vendait son ultime stock et nous avait envoyé des cornets de bonbons, afin que chaque enfant reçoive, chaque vendredi soir, avant de se coucher, sa friandise.
Elle était la bonne fée - car chaque enfant, individuellement, l'intéressait - et chaque enfant pouvait se confier à elle. Les enfants le sentaient et l'adoraient.
Elle avait naturellement le ceeur débordant de bonté et d'amour et son entrain et sa gaieté ne laissaient jamais supposer tous les soucis qu'elle avait, non pas pour elle-même, mais pour les autres.
En cette période de grands soucis, elle était restée simplement la maman - la maman par excellence

Jetty WEIL
Directrice des Orphelinats des filles de Strasbourg
et des garçons de Haguenau pendant la deuxième guerre mondiale à Bergerac (Dordogne)


Les enfants chéris et préférés de Laure Weil furent ceux des orphelinats. Celui de Strasbourg, avec le " Nid ", Oeuvre de la Première Enfance existant à Strasbourg avant la deuxième guerre mondiale, avait été hébergé à Vélines (Dordogne) dans une colonie de vacances inconfortable et dépourvue de toute hygiène. Pas de WC. Il fallait chercher l'eau potable à 200 mètres de distance. Impossible de maintenir les enfants dans ce lieu de refuge.
Monsieur Lucien CROMBACK se trouvant à Périgueux en raison de ses fonctions d'architecte du Gouvernement s'était mis à la disposition des réfugiés dès le début et nous aida à résoudre le problème. Avec lui, nous visitâmes, Laure Weil et moi, le bassin d'Arcachon et à la fin de l'hiver 1939/40 tous les enfants, ceux de l'Orphelinat et du "Nid ", purent être placés pour une période indéterminée, dans un aérium d'Arès.
Monsieur CROMBACK commença immédiatement les démarches pour obtenir de l'Administration, sur un terrain disponible à Bergerac, la construction d'un baraquement pour l'Orphelinat de Strasbourg qui devait être prêt pour l'automne.

L'orphelinat de Haguenau

Fin mai 1940, en pleine débâcle, nous fûmes prévenus de l'arrivée inopinée des orphelins de Haguenau que les autorités locales avaient fait partir, le 9 mai, sous le feu d'artillerie ennemi, à pied, en pleine nuit sur Schweighouse d'où ils furent transportés dans un train de marchandises vers les Vosges. Après un court séjour à Corcieux (Vosges) ils furent dirigés sur la Dordogne. Par un matin blanc et froid, à partir de 5 heures, Laure Weil, Monsieur CROMBACK et moi attendîmes sur le quai de la gare l'arrivée du train. A 11 heures débarquèrent, sous la surveillance des directeurs, Monsieur et Madame KOCH, 32 jeunes garçons et 10 vieillards du Refuge Juif de Haguenau, fatigués et apeurés, qu'un café chaud ranima quelque peu. Des camions les conduisirent à l'Asile de Vieillards du Château de Beaufort dans les environs de Périgueux, où ils furent accueillis provisoirement. Grâce à nos démarches, les vieillards furent acceptés dans la Maison de Retraite Juive de Thiviers et les garçons déménagèrent dans des baraquements rudimentaires situés dans le parc de l'hôpital de Trélissac, dans la banlieue de Périgueux, où s'étaient déjà installés le Frère Arnold et son Etablissement de garçons d'Ehl (Bas-Rhin). Là, ils avaient un entourage qui était plutôt à leur convenance.

Le séjour d'une durée de 7 mois dans cet habitat provisoire nous causa beaucoup de soucis et de tracas. Les directeurs n'ayant jamais pu récupérer les ballots d'effets vestimentaires et de literie expédiés de Haguenau, ils manquaient de tout pour les enfants. Laure Weil s'est dépensée sans compter pour leur procurer le linge et la vêture indispensables, des couvertures, des savonnettes, des désinfectants et mille autres choses difficiles à obtenir. Nos coreligionnaires à Périgueux participèrent à notre action de secours et faisaient parvenir à l'Orphelinat des fruits et des friandises pour compléter les repas et les goûters.
Que de fois Laure Weil montait-elle dans le petit train pour se rendre auprès des jeunes réfugiés, encourager le directeur très éprouvé par sa mauvaise santé et l'inconfort des baraquements et apportant chaque fois des caisses d'ustentiles et d'objets divers aptes à améliorer l'équipement insuffisant et défectueux. Elle fit appel à des jeunes bénévoles pour occuper les garçons durant leurs loisirs, très nombreux, car les heures de classe étaient réduites en raison du manque d'instituteurs.
La construction des baraquements à Bergerac subissait un retard considérable puisqu'il fallait doubler les dimensions afin d'y abriter non seulement l'Orphelinat de Strasbourg, mais aussi celui de Haguenau.

La réunion des trois institutions

Enfin, au mois de janvier 1941, les baraquements furent fin prêts et les garçons transférés à Bergerac pour occuper une demeure neuve, confortablement équipée avec eau courante, douches, chauffage à air pulsé et un ameublement rationnel. Malheureusement, Monsieur KOCH, très souffrant, dut abandonner la direction.
Durant le même mois, la Croix-Rouge amena d'Arès occupée par les Allemands les fillettes de l'Orphelinat de Strasbourg et les quelques enfants du " Nid " dont l'âge avait fait d'eux des pensionnaires de l'Orphelinat.

L'activité de Laure Weil continuait à s'exercer dans ce havre de paix et de gaieté et le témoignage de Jetty WEIL (ci-contre) en fait foi.
Nous fûmes malheureusement obligés, pour épargner aux enfants le risque de la déportation par les Allemands, car à partir de novembre 1942 toute la France fut occupée par eux, de disperser en novembre et décembre 1943 filles et garçons et les placer par les soins des O.A.S.I. et ceux du circuit clandestin de l'OSE. dans des familles ou institutions non juives.
L'établissement fut fermé en janvier 1944.
Durant les années d'activité des O.A.S.I. des perturbations pénibles et souvent douloureuses ne cessèrent de surgir, mais Laure Weil fut, pour notre équipe, sans faillir jamais, une conseillère avisée et un exemple stimulant de courage et d'espérance.

Laure Weil distribuant des friandises aux enfants à Vélines

  F. SCHWAB
Ancienne Directrice des O.A.S.I.,
OEuvres de Guerre et de Rapatriement.       


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