Samuel Cahen, éducateur et premier traducteur juif de la Bible en français
par Francine Kaufmann

ANNEXES

Annexe 1 :
Dédicace de la Bible de S. Cahen à S.M. Louis-Philippe 1er Roi des Français (du tome 1, 1831, au tome XIV, 1847), disposée sur une double page liminaire de la Genèse. La police de caractères - cursive ‘anglaise’, en italiques liées - imite la calligraphie.

Au Roi
Sire,
J'ai osé solliciter de Votre Majesté la faveur de lui faire hommage de ma Traduction de la Bible ; et ce qui aurait pu paraître une grande témérité à toute autre époque paraîtra naturel sous l'heureux règne du premier Roi constitutionnel des Français, où la tolérance aussi est devenue une vérité.
Sire ! Votre Majesté a daigné sourire à mes efforts et agréer mon offrande.
Par là le plus ardent de mes voeux se trouve exaucé, puisqu'il m'est permis de vous exprimer, Sire, la vive reconnaissance dont, comme Israélite surtout, je suis pénétré pour Votre Majesté. Mes coreligionnaires, déjà attachés par tant de liens au sol de la patrie, le sont d'autant plus au trône de Votre Majesté que le commencement de son règne est pour eux, par l'adoption d'une loi récente, le commencement d'une ère de véritable égalité.
Sire, heureux le peuple qui voit en son Roi le souverain le plus éclairé et le plus instruit ! Combien, Sire, dois-je ambitionner de mériter les augustes suffrages de Votre Majesté, dont la haute protection accordée aux lettres en général, et à la Savante Société asiatique en particulier, doit convaincre tous les Français que désormais en France l'instruction est assise sur le trône !
Publier sous les auspices de Votre Majesté le fruit de mes veilles sera pour l'ouvrage une puissante recommandation auprès de gens instruits, et pour l'auteur un grand motif d'encouragement.
Je suis,
Avec le plus profond respect,
Sire,
De Votre Majesté,
Le très-humble, très-obéissant et très-fidèle sujet, S. Cahen.

Annexe 2 :
Deux prières composées par Samuel Cahen à la demande de parents d'élèves et publiées dans le Tome V de sa Bible, Le Deutéronome 1834 : 66-67.

Prière du matin
Dieu ! Créateur et conservateur de l'univers, je te rends grâce d'avoir de nouveau fait disparaître l'assoupissement de mes membres et de me faire encore éprouver le plaisir d'exister.
Ma première pensée en m'éveillant est à toi, bonté infinie ; tu veilles sur moi pendant mon sommeil et tu me fais revoir ce monde, monument de ta grandeur et de ta majesté.
Je suis un faible enfant, je ne saurais te comprendre ; mais ta toute puissance m'anime, et tu diriges mes pensées. Ce vaste univers, ton ouvrage, proclame ton existence ; toute la terre est remplie de ta gloire.
Puissé-je, ô Dieu ! rester toujours fidèle à ta loi ; avoir la force de vouloir et de faire le bien. Inspire-moi, ô mon Dieu, la charité pour mes semblables, et que je leur sois toujours agréable et utile.
Bénis mes bons parens [sic], et prolonge leurs jours. Donne-leur, ô mon Dieu, la santé et le bien-être ; que je sois toujours pour eux un sujet de contentement, que l'innocence et la candeur soient mon partage. Amen.

Prière du soir
Mon Dieu ! encore une journée écoulée ! comment te remercier pour tout le bien dont tu m'as comblé ? Tu m'as conservé, tu as conservé mes bons parens, et tu as détourné de nous toute-espèce de malheurs.
Combien je suis pénétré de reconnaissance ! aussi j'interroge mon coeur ; suis-je devenu meilleur, ai-je fait plus de bien qu'hier ? Daigne, ô mon Dieu, guider mes pas chancelans [sic] dans le bon chemin, et puissé-je, à la fin de mes jours, pouvoir invoquer avec la conscience d'avoir bien vécu.
Je me recommande à toi en me livrant au repos ; permets que je me réveille en paix ; daigne, ô mon Dieu ! me faire revivre à la clarté du jour, et me rendre à mes parens que tu m'as appris à chérir.
Reçois mon humble prière pour eux ; veille sur eux pendant leur sommeil ; répands sur eux tes bénédictions ; c'est avec la sincérité d'un enfant que je t'implore, ô mon Dieu, pour leur bonheur et leur conservation. Amen.

Annexe 3 :
Échantillon de la traduction biblique de Samuel Cahen : Tome X, 1840 : 5-7. Nous avons respecté la présentation typographique mais nous avons dû nous résigner à ne pas reproduire les notes. On remarquera la transcription des noms propres et du nom de Dieu : Iehovah, l'ordre des mots hébraïques, les parenthèses signalant les ajouts rendus nécessaires par les exigences de la syntaxe française, la vigueur du style oral. Certains versets (notamment 18 et surtout 19) permettent de comprendre les contempteurs de Cahen qui l'accusaient de pécher contre la langue française. Il est vrai que nous avons délibérément recherché un passage comportant aussi des "faiblesses", au côté de formules poétiques et audacieuses.

Yirmiahou (Jérémie) chapitre 2, versets 9-29
Traduction de Samuel Cahen Traduction de la Bible du Rabbinat Traduction d'André Chouraqui
09. C'est pourquoi, je discuterai encore avec vous, dit Iehovah, et même avec les enfants de vos enfants je discuterai. Aussi ne cesserai-je de m'élever contre vous, dit l’Éternel, et encore contre vos descendants je m'élèverai. Aussi je vous combattrai, harangue de IHVH-Adonaï ; et les fils de vos fils, je les disputerai.

10. Car, passez aux îles de Kitiime et voyez ; envoyez à Kedar et refléchissez (1) bien ; voyez ! s'y est-il fait quelque chose de pareil ? Car passez aux îles des Kittéens et regardez ! Envoyez à Kêdar et observez attentivement ! Voyez si pareille chose est jamais arrivée. Oui, passez aux îles des Kitîm et voyez ! À Qédar, envoyez, discernez fort et voyez ! Est-ce qu’il en était ainsi ?
11. Une nation change-t-elle ses dieux [qui ne sont pourtant pas des dieux] ? et mon peuple a changé sa gloire contre l'inutile. Si un peuple a changé ses dieux (et encore ces dieux n'en sont pas !) tandis que mon peuple a troqué sa gloire contre des objets sans valeur ! Une nation troque-t-elle des Elohîms ? Or ce sont des non-Elohîms ! Mais mon peuple a troqué sa gloire pour le non-utile !
12. Cieux ! soyez étonnés de cela ; frémissez, soyez transis d'horreur, dit Iehovah. Cieux soyez stupéfaits de ceci, frissonnez, saisis d'une horreur profonde, dit l’Éternel. Désolez-vous, ciels, sur ceci, soyez horrifiés ; desséchez-vous fort, harangue de IHVH-Adonaï.
13. Car mon peuple a commis un double mal ; ils m'ont délaissé, moi qui suis une source d'eau vive ; ils se sont creusé des citernes, des citernes crevassées qui ne peuvent contenir l'eau. Car il est double, le méfait commis par mon peuple : ils m'ont abandonné, moi, la sourc d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées, qui ne peuvent retenir les eaux. Oui, mon peuple a commis deux méfaits : ils m’ont abandonné, moi, la nappe d’eaux vives, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées, qui ne retiennent pas les eaux.
14. Israël est-il esclave (acheté) ou (un serf) né dans la maison ? Pourquoi a-t-il été en proie (aux ennemis) ? Israël est-il un esclave ? Est-il, par sa naissance, voué à la servitude ? Pourquoi donc est-il livré au pillage ? Serf, Israël, ou natif de la maison ?
Pourquoi a-t-il été en pillage ?
15. Contre lui les lionceaux rugissent, font retentir leur voix, font de ce pays une solitude ; ses villes sont incendiées, sans habitants ! Contre lui des lionceaux rugissent, poussent leurs cris ; ils réduisent son pays en solitude, ses villes en cendres n'ont plus d'habitants. Contre lui rugissent les lionceaux, ils donnent de leur voix, ils placent sa terre en désolation,
16. Même les fils de Noph et de Ta'hpanesse te brisent la tête. Jusqu'aux fils de Nof et de Tahpanhès qui te meurtrissent la tête. Même les Benéi Noph et Tahpanhès effriteront ton occiput.
17. N'est-ce pas cela que tu t'attires en abandonnant Iehovah, ton Dieu, quand il te dirigeait dans le chemin ? Ah ! Ce qui t'arrive provient de ce que tu as délaissé l’Éternel, ton Dieu, au moment où il te servait de guide sur la route. N’est-ce pas, cela tu l’as fait: abandonner IHVH-Adonaï ton Elohîm, au temps où il te faisait aller sur la route ?
18. Et maintenant qu'as-tu à aller en Egypte, pour boire l'eau du Schi'hor ? Qu'as-tu à aller à Aschour pour boire l'eau de son fleuve ? Et maintenant que te sert de prendre le chemin de l’Égypte pour boire l'eau de Nil ? Et que te sert de prendre le chemin de l’Assyrie pour boire l'eau du fleuve ? Mais maintenant, qu’as-tu sur la route de Misraîm, à boire les eaux du Shihor ? Qu’as-tu sur la route d’Ashour, à boire les eaux du fleuve ?
19. Ta méchanceté te corrigera et ta défection te châtiera ; sache et vois combien c'est mauvais et amer que tu abandonnes Yehovah, ton Dieu et que tu ne m'as pas craint, dit Yehovah, le Seigneur Tsebaoth. Puissent tes fautes te corriger et tes désordres te devenir une leçon ! Réfléchis et considère que c'est chose mauvaise et amère d'abandonner l’Éternel, ton Dieu, et de cesser de me craindre, dit le Seigneur, le Dieu-Cebaot. Ton mal te disciplinera, tes reniements argueront contre toi. Sache et vois : oui, mal, amer, ton abandon de IHVH-Adonaï, ton Elohîm ; mon tremblement n’est pas sur toi, harangue d’Adonaï IHVH-Elohîms Sebaot.
20. Depuis long-temps [sic] j'avais brisé ton joug, rompu tes liens, et tu avais dit : Je ne servirai plus ; cependant sur chaque colline élevée et sous chaque arbre verdoyant tu es une éhontée prostituée. Car jadis j'avais brisé ton joug, rompu tes liens, et du disais : "Je ne serai plus infidèle ". Or, sur toute colline élevée, sous tout arbre verdoyant tu te comportes en courtisane. Oui, de toute pérennité j’ai brisé ton joug, j’ai désagrégé tes liens. Et tu disais : "Je ne transgresse rien. " Mais, sur toute colline haute, sous tout arbre luxuriant, tu te recourbes, putain !
21. Je t'avais plantée comme une vigne excellente, le meilleur rejeton ; comment as-tu changé et dégénéré en une vigne abâtardie ? Et moi, je t'avais plantée comme une vigne de choix, d'une espèce toute loyale : hélas ! Comme tu t'es changée pour moi en sarments d'une vigne bâtarde ! Moi-même, je t’ai plantée, pampre tout entier semence de vérité. Comment t’es-tu changée pour moi en lambruche de vigne barbare ?
22. Car te laverais-tu avec du natron, si tu prodiguais le savon, ton iniquité n'en resterait pas moins une tache devant moi, dit le Seigneur Iehovah. Quand même tu te laverais avec le nitre et que tu userais en abondance de potasse, ton crime resterait ineffaçable devant moi, dit le Seigneur, l’Éternel. Oui, si tu te lavais au nitre et multipliais pour toi la salicorne, ton tort serait en tache face à moi, harangue d’Adonaï IHVH-Elohîm.
23. Comment pourrais-tu dire : Je ne me suis point souillée, je n'ai pas suivi les Baalime ; vois ta conduite dans la vallée, sache ce que tu as fait, dromadaire légère, courant ça et là. Comment oses-tu dire : "Je ne me suis point souillée, je n'ai pas suivi les Baal !" Regarde tes courses dans la vallée, songe à ce que tu as fait, ô chamelle légère, aux allures désordonnées ! Comment diras-tu: "Je ne me suis pas contaminée ; derrière les Ba‘alîm, je ne suis pas allée" ? Vois ta route dans le val, pénètre ce que tu as fait, chamelonne légère qui s’empêtre en ses routes,
24. Mule habituée au désert, dévorant l'air dans l'ardeur de ses désirs, qui arrêterait son impétuosité ? Que tous ceux qui la recherchent ne se fatiguent pas, dans sa gésine (2) ils l'atteindront. Anesse sauvage, habituée au désert, aspirant le vent dans la fougue de ses désirs, qui pourra refréner son ardeur ? Ceux qui la recherchent n'ont pas à se fatiguer, ils la trouvent dans le mois [de ses amours]. onagre, apprentie du désert. À l’appétit de son être, elle aspire du souffle. Son rut, qui peut le détourner ? Tous ceux qui la demandent ne se fatiguent pas ; dans sa lunaison ils la trouvent.
25. Epargne à tes pieds la nudité et à ta gorge la soif. Mais tu dis : C'est en vain, non, j'aime les étrangers, après eux je marcherai ? Ne te condamne donc pas à marcher pieds nus, que ton gosier ne souffre plus de la soif ! Mais tu as dit : "A quoi bon ? Non, j'aime les étrangers, c'est eux que je veux suivre". Interdis à ton pied d’être déchaux, à ta gorge d’avoir soif ! Mais tu dis: "Désespéré ? Non, car j’aime les étrangers. Derrière eux je vais."
26. Comme le voleur est confus lorsqu'il est surpris, ainsi est confuse la maison d'Israël ; eux leurs rois, ses principaux chefs, ses cohenime et ses prophètes. Comme est confus le voleur quand il est surpris, ainsi seront confus les gens d'Israël, eux, leurs rois, leurs princes, leurs prêtres et leurs prophètes. Comme le blêmissement du voleur quand il est trouvé, ainsi, ils blêmissent, la maison d’Israël, eux, leurs rois, leurs chefs, leurs desservants, leurs inspirés.
27. Ils disent au bois : Tu es mon père ! et à la pierre : Tu m'as engendré. Ils m'ont tourné le dos et non la face, mais au temps de leur malheur, ils disent : Lève-toi et aide-nous. Ils disent au bois : "Tu es mon père !" à la pierre : "C'est toi qui m'as donné la vie ! " Oui ils m'ont présenté la nuque et non la face ; puis, à l'heure de leur détresse ils s'écrient : "Lève-toi et viens à notre secours ! " Ils disent au bois: "Mon père, toi ! " À la pierre: "Toi, tu nous as enfantés ! " Oui, ils ont tourné vers moi la nuque, pas les faces ; et au temps de leur malheur ils disent: Lève-toi, sauve-nous ! "
28. Et où sont tes dieux que tu t'es faits ? Qu'ils se lèvent s'ils peuvent t'aider au temps de ton malheur ! Car le nombre de tes villes est celui de tes dieux, Iehouda ! Eh bien ! Où sont-ils ces dieux que tu t'es fabriquées ? Qu'ils se lèvent, s'ils sont capable de te prêter assistance dans les jours de détresse, puisque nombreux comme tes villes ont été tes dieux, ô Juda ! Où sont tes Elohîms, que tu t’es faits ? Qu’ils se lèvent, s’ils te sauvent au temps de ton malheur ! Oui, ils sont au nombre de tes villes, tes Elohîms, Iehouda !
29. Pourquoi disputer contre moi ? Tous vous m'êtes devenus infidèles, dit Iehovah. Pourquoi me prenez-vous à partie ? Tous, vous m'avez été infidèles, dit l’Éternel. Pourquoi me disputerez-vous ? Vous avez tous fait carence contre moi, harangue de IHVH-Adonaï.
  1. Le texte comprend une coquille (absence d’accent sur le premier « e »). Lire : "réfléchissez".
  2. Be’hodecha : Cahen explique en note qu’il traduit ainsi selon le Biour de Mendelssohn et que le Talmud comprend ici : le mois d’av.

Bibliographie : textes de Samuel Cahen

Samuel Cahen : LA BIBLE, Traduction nouvelle, avec l'hébreu en regard, accompagné des points-voyelles et des accents toniques (neguinoth), avec des notes philologiques, géographiques et littéraires, et les principales variantes de la version des Septante et du texte samaritain, (1831-1851), 18 vol. in 4°, chez l'auteur, à Paris.

Les volumes indiqués en caractères soulignés ne sont, chronologiquement, pas publiés dans l’ordre canonique de la Bible hébraïque. Il s’agit de volumes qui présentaient des difficultés particulières.

La Bible de Cahen (1994), 1 vol., [réédition sans le texte hébreu, les notes ni le
commentaire], avec une Introduction à la littérature biblique de Marc-Alain Ouaknin, Les Belles Lettres, collection Bibliophane, dir. Gilbert Wendorfer, Paris.

Références :

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