Le judaïsme rural dans le Bruch de l'Andlau : l'exemple de Fegersheim
Bertrand Rietsch
Publication de la Société d'Histoire des Quatre Cantons
(Benfeld, Erstein, Geispolsheim, Illkirch-Graffenstaden) - 2003

XIV.   ESSAI CONCLUSIF

Après ce tour d'horizon concernant certains aspects de la vie et du développement de l'ancienne communauté juive de Fegersheim, que convient-il de retenir, quelles images garder en mémoire ?
Comment un groupe constitué de plus de 550 habitants a-t-il pu être réduit à néant ?
550 habitants, c'est bien plus que la population de beaucoup de villages de notre région. La question de l'intégration de la communauté juive se pose ou, formulé d'une autre façon : comment les juifs étaient-ils perçus par la communauté catholique du village et, au-delà, par les autorités ?

Cet article ne se veut en aucun cas polémique mais nous reprendrons certains faits explicités ci-avant, et les compléterons par d' autres, afin de brosser un tableau si possible réaliste.
Différents éléments sont à prendre en compte : les faits que l'on découvre par des écrits, ou ceux transmis par voie orale pour les plus récents. L'histoire est jalonnée de faits montrant que la communauté juive, de faible en nombre et en pouvoir, allait progressivement et régulièrement croître démographiquement et en influence. La population locale a pris tous les moyens à sa disposition pour ériger des barrières et autres difficultés :

En résumé, à la lecture de ce raccourci de l'histoire juive de Fegersheim, on perçoit que l'administration, tout en ne sachant pas endiguer le flot des nouveaux arrivants dans le village, a essayé de contrecarrer l'essentiel des projets des ressortissants israélites. Ces derniers, en contrepartie, ont fait feu de tout bois dans le commerce sous toutes ses formes et sont passés de l'état de pauvreté à l'état de relative opulence en l'espace d'un siècle environ.

Par ailleurs, au niveau des villageois, comme dans toute structure à différentes composantes, on trouvait les "pro" et les "anti". En l'absence de chronique d'époque, il est difficile de mesurer le degré d'animosité ou de fraternité régnant entre les communautés catholiques et juives.

La guerre de 1870, la création des caisses Raiffeisen démocratisant le commerce de l'argent, la possibilité offerte aux villageois de se déplacer facilement grâce à l'avènement des chemins de fer et l'utilisation des vélos dans un premier temps, des automobiles ensuite, tous ces événements ont contribué à la sape du rôle prépondérant des commerçants juifs.

La deuxième guerre mondiale, sous forme d'une "Chronique d'un génocide annoncé" paracheva l'oeuvre, si l'on peut dire. Pour bien se rendre compte de la vitesse à laquelle la situation de la communauté israélite s'est dégradée dans notre village, nous nous appuierons sur une petite chronologie des événements récents (59) :

Et voilà comment, en l'espace d'une poignée d'années, la communauté israélite de Fegersheim, bien qu'en décroissance régulière, a été rayée de la carte locale. Un mode de vie, une communauté, une mentalité, en d'autres termes une richesse sociale et culturelle immense ont été réduits à néant par la volonté d'un peintre autrichien à petite moustache. Petite cause, grands effets !


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