Souviens-toi de l'Oratoire "LEO COHN"
Dr. Joseph Chouchana,    Prof. Joseph Elkouby
Plaquette publiée à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle synagogue sefarade Rambam ; le dimanche 9 avril 2000
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Accueil des sefardim
La communauté séfarade de Strasbourg, aujourd'hui, a plus de quarante ans d'existence et représente plus du quart de la population juive de la ville, soit environ 4000 personnes. Bien avant 1960, de nombreux sefardim se trouvaient à Strasbourg. Attirés par une communauté juive bien structurée, ils étaient venus là pour poursuivre des études supérieures. En 1960, les premiers offices séfarades de Rosh-Hashana et Kippour avaient été célébrés. De même le premier Comité séfarade avait été élu en 1961 avec à sa tête le Docteur Aimé Bensmihen.

La communauté séfarade se constituera, en partie, avec l'arrivée massive en 1962 des Juifs d'Algérie venus d'Oran, de Constantine, d'Alger et surtout du M'zab et celle d'une population estudiantine comprenant, parmi d'autres, des étudiants issus de l'École Normale Hébraïque de Casablanca. En 1967 de nombreux étudiants sont arrivés du Maroc. Puis de nombreuses familles rejoindront, quelques années plus tard, leurs enfants qui auront fini leurs études et se seront bien intégrés professionnellement.

Un fait remarquable est à souligner : l'arrivée des rapatriés d'Algérie en 1962 a suscité au sein des Juifs d'Alsace un mouvement général de solidarité et de sympathie. Des personnalités telles que le professeur André Neher, le Rabbin Albert Hazan et Maître René Weil président de la C.I.S., en étroite coopération avec les anciens sefardim de Strasbourg, ont mis au point des structures d'accueil. Le centre communautaire et d'autres maisons du Consistoire se sont transformés en centres d'hébergement. M. et Mme Neher avaient pris l'initiative, bien avant la fin de la guerre d'Algérie, de faire venir à Strasbourg des enfants dont la sécurité était menacée. Par la suite, ils ont invité les parents à les rejoindre. C'est ainsi que le choc de la transplantation a été atténué et l'adaptation facilitée.

De g. à dr. : André Neher, Me René Weill, le G.R. Deutsch, le G.R. Hazan (arrière-plan),
Julien Bollack, le G.R. Warschawski - © Etienne Klein.
Neher, Deutsch etc.

Genèse d'une communauté (1962-1981)
Durant deux décennies, de 1962 à 1981, l'unité du Kahal séfarade va se forger au sein des fidèles venus de lieux différents, du Caire à Casablanca en passant par Alger ou Tunis. C'est la salle de spectacles, la salle Léo Cohn qui devient provisoirement le lieu de prières. Deux personnes seront les artisans de cette unité : le Rabbin Albert Hazan et le Dr Bensmihen qui, par leur dynamisme et leur talent, militent à la fois pour une unité sans faille avec les ashkénazim et pour l'épanouissement de la personnalité séfarade. Le Dr Bensmihen, président du Comité séfarade jusqu'en 1987, était également très actif au sein de la Fédération séfardie de France. Le Rabbin Hazan, quant à lui, par ses connaissances, par la ‘hazanouth qu'il maîtrisait parfaitement, par son tact et surtout sa voix mélodieuse, a réussi à fédérer autour de sa personne les différentes sensibilités qui se manifestaient à l'oratoire Léo Cohn. Quand celui-ci a fait sa alya en 1968, le Rabbin Roger Touitou lui a succédé, poursuivant l'œuvre de son prédécesseur.

Tous les anciens de Léo Cohn se souviennent de la participation d'André Neher à nos offices, de ses interventions profondes et brillantes lors des shabatoth et des fêtes. Le Kahal a également bénéficié des cours du Rabbin David Abergel donnés avec intelligence et chaleur.

Cependant en 1977-78 de vives tensions ont vu le jour au sein de la collectivité séfarade qui comptait déjà plusieurs minyanim à Bischheim, à la Meinau, à l'Esplanade et à Cronenbourg. Certaines bonnes volontés tenaient à construire un centre du séphardisme géré de façon autonome, hors du centre communautaire, où les sefardim épanouiraient leur culture, leur identité et où seraient mises en place les structures permettant la transmission du patrimoine séfarade aux enfants. L'autre courant, tout en se référant aux mêmes valeurs, voulait cependant les réaliser dans le cadre du centre communautaire dans l'union et la coopération avec la communauté ashkénaze. Finalement les élections du 25.2.1979 n'ont pas véritablement tranché : il y a eu panachage et le choix s‘est fait en fonction de la valeur personnelle des candidats et non en fonction des programmes électoraux. Suite à ces résultats, le Dr Bensmihen et son nouveau Comité Séfarade se sont attelés fiévreusement à la rénovation de la salle Léo Cohn. L'architecte Samuel Cohen en a fait une synagogue harmonieuse et accueillante, inaugurée le 25.1.1981.

À l'issue également de ces élections de 1979, une commission cultuelle et culturelle a été constituée sous la présidence de Meïr Tapiéro. Elle a pris conscience de la nécessité d'une rejudaïsation du Kahal. Aux cours réguliers organisés le Shabath Talmud (rav Wizman puis rav Zafrani), Section de la Torah de la semaine (Rabbin R. Touitou), Bakashoth (Charles Perez), se sont ajoutés périodiquement des exposés et des conférences sur la pensée juive et le patrimoine culturel séfarade.

Inauguration d'un Sefer Torah Salle Léo Kohn. De g. à dr. : Rabbins Raphaël Perez, Roger Touitou et Max Warschawski - © Michel Rothé
Sefer Torah
Au bout de ces deux décennies, le Kahal Léo Cohn a abouti à une unité et une harmonie des offices. Le Kahal s'est enrichi des apports positifs des fidèles venus de villes ou de pays différents. L'ambiance d'allégresse de Sim'hath Thora ne serait pas ce qu'elle est maintenant sans le répertoire des poèmes sacrés apportés et chantés par les fidèles du M'zab. En outre, les séances de Bakashoth animées par MM. Charles Perez, Chalom Levy et André Fraenckel, procuraient joie et élévation mystique. Enfin, les Hillouloth de Rabbi Meïr et de Rabbi Shimon Bar Yo'haï ainsi que les festivités de la Mimouna, sont toujours l'occasion pour une grande partie de la communauté de chaleureuses retrouvailles.

Les fidèles sont reconnaissants à Rav Gabriel Ittah pour ses nombreuses prestations et pour les cours de Pirké Avoth qu'il a assurés pendant plusieurs années. Mais parallèlement à la vie juive intense qui se déroulait à Léo Cohn et les autres minyanim sefarades, d'autres événements ont modifié le paysage du judaïsme strasbourgeois. De très nombreux mariages ont été célébrés entre sefardim et ashkenazim. Le désarroi de la transplantation, oublié petit à petit, a laissé la place à de nouveaux liens d'amitié et de fraternité tissés avec des personnes du terroir ou venues de divers horizons.

La Yeshivath Eshel avait ouvert ses portes, dispensait un enseignement talmudique très poussé, et préparait au Baccalauréat. Cette yeshiva, avec laquelle nous avons développé des liens privilégiés, a servi de tremplin pour des dizaines de jeunes qui poursuivront leurs études talmudiques en Israël. La Yeshiva des Étudiants, animée principalement par Rav Abitbol, a dispensé à des dizaines d'étudiants ou pères de familles une sérieuse formation talmudique. En conséquence un judaïsme religieux, motivé et éclairé est venu renflouer le judaïsme alsacien. C'est là un fait incontournable.

De l'oratoire Léo Cohn rénové au projet de construction.
L'époque qui va du réaménagement de la synagogue Léo Cohn à la construction, sera marquée par l'intensité et la qualité des activités cultuelles et culturelles suivies par un grand public. Deux faits importants: la nomination du Rabbin Raphaël Perez à la tête de notre Kahal (1984) et l'élection de Meïr Tapiéro à la présidence du Comité séfarade (1987), ouvriront une nouvelle étape à notre communauté séfarade. Dès son arrivée le Rabbin Perez fait preuve d'un dévouement exceptionnel et crée la yeshiva du soir Léo Cohn où lui-même et d'autres rabbins dispensent les cours de Talmud, dinim , Rambam (Maïmonide) etc. Chaque Shabath il assure trois cours et anime les veillées d'étude de Shavouoth et de Hoshaana Rabba. Il est également le rédacteur du Bulletin Léo Cohn qui paraît à l'occasion des fêtes de Tishri de Pessah et de Shavouoth.

Le président Méir Tapiero insuffle un dynamisme exceptionnel en multipliant les activités culturelles : invités de marque pour donner cours et conférences, voyages communautaires inoubliables, activités récréatives. Les cycles de conférence, organisés par le Comité Sépharade, visent à redécouvrir les grands textes traditionnels en dialogue avec le monde contemporain et à prendre conscience de notre identité et de nos valeurs. Différents thèmes ont été traités : l'éducation juive, la vie et l'œuvre de certaines grandes figures du judaïsme, les Dix Paroles, les fondements de l'identité juive, les réponses juives aux problèmes contemporains, les problèmes fondamentaux de l'homme dans le livre de la Genèse etc. Les Dix Paroles a été publié aux éditions du Cerf en 1995 sous la direction de Meïr Tapiéro. Notre souhait est de voir un jour la publication des interventions sur les autres thèmes. Les nombreux orateurs de marque qui intervenaient périodiquement ont pour nom : Léon Askenazi, Armand Abécassis, Benno Gross, Roland Goetschel, Benny Levy, Daniel Epstein, Raphaël Drai, Avi Weingort ; les grands rabbins René Sirat, Joseph Sitruk, Emmanuel Chouchena, Chalom Messas (Jérusalem), David Mesas (Paris), Rav Eliahou Abitbol et Rav Gabriel Ittah ; les grands rabbins et rabbins de Strasbourg et, enfin, les jeunes espoirs isus de notre Kahal comme Ariel Elkouby et Philippe Tapiero.

La construction
La nouvelle synagogue sefarade Rambam
Synagogue Rambam
Le développement de notre Kahal nous incite à envisager la construction d'une nouvelle synagogue, mais pendant de longues années il faut reconnaître que nous nous heurtions à une force de refus des autorités communautaires qui repoussaient tous les projets que nous leur soumettions. Après un affrontement qui nous incite à envisager l'abandon du projet in situ, pour chercher ailleurs, le président du Consistoire Jean Kahn, conscient du danger de désertion que signifierait notre départ, décide de débloquer la crise en acceptant le projet de construction dans la cour du centre communautaire. Il donne l'aval du consistoire tandis que le Comité séfarade et la communauté s'engagent sur leurs participations respectives. Il est impossible à ce stade de taire l'implication de notre président Meïr Tapiero qui assume tous les postes ; les appels de fond et les relances, l'information, l'élaboration des projets avec les architectes, les discussions en comité, puis le retour aux architectes, la confrontation avec les corps de métier, la rediscussion en comité... son activité professionnelle et sa vie familiale en ont certainement fait les frais mais sa famille doit être aguerrie depuis cette trentaine d'années de service communautaire. Roland Chemouny, notre trésorier, vient tout juste de prendre sa préretraite afin de veiller sur les rentrées et d'apporter une aide précieuse par sa disponibilité dont nous avons certainement abusé.

Quitter cette synagogue Léo Cohn qui nous est si familière, où nous avons forgé tous nos repères et où nos enfants ont grandi ne se fera pas sans peine. Mais il fallait absolument léguer aux générations futures un lieu de prières plus sécuritaire et plus conforme aux légitimes aspirations de ce Kahal. Tandis que la troisième génération, fréquente le gan (jardin d'enfants), nombre de nos enfants portent haut le flambeau de Léo Cohn à Paris et Jérusalem, réalisant à leur tour le même parcours que nous, il y a environ quarante ans. Nous espérons n'avoir pas failli dans notre devoir de transmission et de mémoire.


Vous entendez actuellement Mi hou zé Melekh
chanté par la chorale des jeunes lors de l'inauguration de l'Oratoire Léo Cohn en 1982
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© A . S . I . J . A .