REMIREMONT
Gilles GRIVEL

Professeur d'histoire au lycée Jean-Lurçat de Bruyères, Président de l'association Daniel-Osiris pour la sauvegarde de l'ancienne synagogue de Bruyères

Les textes et documents de l'exposition "Les Juifs de Remiremont : Parcours d'une communauté d'hier à aujourd'hui",
qui s'est tenue aux Archives municipales de Remiremont du 7 juin au 8 septembre 2022, peuvent être consultés en cliquant ici.

Remiremont est une ville d’une dizaine de milliers d’habitants située dans le sud-est du département des Vosges, qui a abrité une communauté juive assez importante aux 19e et 20e siècles.

Des juifs au Moyen Age dans le sud de la Lorraine


Synagoguede Remiremont sur une carte postale ancienne - coll. M. & A. Rothé

A partir du 13ème siècle, des juifs ont vécu dans le sud de la Lorraine. S’ils étaient présents à Saint-Dié et à Neufchâteau, il ne semble pas s’être établis à Remiremont. Cette première présence des juifs dans la région a pris fin en 1477 avec leur expulsion par le duc René II de Lorraine de ses terres.

Le retour des juifs dans le sud de la Lorraine

Les juifs reviennent un siècle plus tard en Lorraine. En 1559, Metz devient française et le roi y établit une des plus importantes garnison de son royaume. Pour son approvisionnement, il autorise l’installation de commerçants juifs à Metz. Ces derniers plus tard ont la permission de s’établir dans d’autres villes du nord de la Lorraine. En 1648, l’Alsace, où se trouvaient sans interruption des juifs depuis le Moyen Age, devient française. Jusqu’à la Révolution, cette province abrite avec la Lorraine du Nord la très grande majorité des juifs du royaume. Ces derniers subissent des mesures discriminatoires. Ils sont lourdement imposés et la plupart des professions leur sont interdites. Ils vivent du commerce avec les populations rurales (ils sont colporteurs ou marchands de bestiaux) ou bien ils vendent des objets usagés (ils sont fripiers ou brocanteurs). Ils ne peuvent vivre que dans certaines localités et de ce fait ils n’ont pas le droit de demeurer dans le sud de la Lorraine, mais ils peuvent y commercer.

La Révolution et l’installation des premières familles juives à Remiremont

La Révolution et l’adoption de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen entraîne en 1791 l’émancipation des juifs qui deviennent citoyens à part entière. Ils peuvent donc s’établir dans le département des Vosges.

Leur présence est notée à Remiremont à partir de 1801. Ils viennent principalement du Haut-Rhin. Ils sont 47 en 1802, 64 en 1808, 93 en 1815, L’accroissement de leur nombre est rapide. Ils sont plus de 200 dans les années 1840-1850.
Cette immigration a des raisons économiques. Après l’annexion en 1871 de l’Alsace, s’y ajoutent des motifs politiques : des juifs migrent parce qu’ils refusent de devenir allemands.

En 1881, leur nombre à Remiremont atteint son apogée. Ils sont 321, dans une population totale de 8126 habitants.

La mise en place d’une vie communautaire

Peu après leur installation à Remiremont, les premières familles juives ont organisé une vie communautaire. Les offices sont célébrées dans une ancienne maison de chanoinesse, située à proximité de l’église. Un chantre est embauché.
A partir de 1826, la communauté juive se réunit pour les offices dans la maison, qu’elle a achetée, au 10 rue de la Maucervelle.

Intégration et ascension sociale

Les premiers juifs établis à Remiremont sont des colporteurs ou des marchands de bestiaux. Ils sont souvent pauvres mais par la suite ils s’enrichissent et leurs enfants peuvent monter dans l’échelle sociale. Leur activité dominante reste le commerce, mais ils ne pratiquent plus guère le colportage. Ils ont presque tous une boutique et jouissent d’une honnête aisance. Ils sont la plupart spécialisés dans le négoce des produits textiles ou celui des bestiaux. Un certain nombre d’entre eux, qui constituent l’élite de la communauté, exercent des professions libérales
ou sont industriels.

La famille Kinsbourg est un bon exemple de cette ascension sociale. Le premier représentant de la famille à Remiremont, David Kinsbourg (vers 1782-1851), commence par y pratiquer le colportage. Il s’établit ensuite comme marchand de draps en gros. Ses affaires prospèrent. C’est un notable, qui est élu en 1848 conseiller municipal puis devient adjoint au maire. Avec ses fils, l’ascension sociale se poursuit. Alphonse, est médecin. Benjamin et Lazare achètent deux usines textiles.

La construction d’une synagogue monumentale et l’établissement d’un siège rabbinique

Comme les juifs deviennent plus nombreux et s’enrichissent, ils décident de se doter d’une synagogue monumentale, qui est inaugurée le 11 septembre 1873. C’est un bel édifice de style orientaliste. L’année suivante, en 1874, la communauté de Remiremont devient le siège d’un rabbinat. Jusqu’alors, elle dépendait du rabbin d’Epinal. Le poste de rabbin de Remiremont, dont l’autorité s’exerce aussi sur la communauté du Thillot, est occupé jusqu’en 1908 par de jeunes rabbins, dont c’est le premier poste Ainsi de 1897 à 1901, le rabbin de Remiremont est Paul Haguenauer (1871 - mort en déportation à Auschwitz, 1944), qui deviendra à partir de 1919 grand rabbin de Nancy.

Une vague d’antisémitisme au tournant du siècle

Comme le reste de la France, Remiremont connaît une vague d’antisémitisme lors de l’affaire Dreyfus à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle. Ce mouvement d’hostilité à l’égard de la communauté juive a pour chef de file le nationaliste Maurice Flayelle (1857-1938), qui est élu député en 1903 et se proclame "nettement antisémite".

Le déclin

A partir de la fin du 19ème siècle, la communauté juive de Remiremont décline numériquement, comme toutes celles du du département. Alors qu’elle comptait plus de 300 fidèles dans les années 1880, on n'en dénombre plus que 225 en 1910 (pour une population totale de 10000 habitants) et dans les années 1930, 100 à 150 personnes, soit une quarantaine de familles. Ce déclin est dû à une forte émigration vers Nancy et Paris, très souvent liée à l’ascension sociale.
Conséquence de ce déclin numérique : à partir de 1928, la communauté n’est plus desservie que par un chantre.

La Shoah et la fin de la communauté

En juin 1940 la France est envahie par l’armée allemande. Le Gouvernement de Vichy, qui dirige le pays, adopte des mesures antisémites, qui excluent les juifs de la plupart des professions et les dépossèdent de leurs biens.
A partir de 1942, les Juifs doivent porter l’étoile jaune et font l’objet de rafles.
En janvier 1943, la quasi-totalité des juifs restés à Remiremont, soit une vingtaine, sont arrêtés. Ils sont déportés à Auschwitz, où ils sont assassinés. Parmi ceux qui avaient cherché à trouver un refuge à l’extérieur, une vingtaine sont arrêtés. C’est donc au total, plus d’une quarantaine des 100-150 juifs vivant à Remiremont avant guerre, qui sont morts victimes de la Solution finale.
A la Libération, seulement une demi-douzaine de familles reviennent à Remiremont. La vie communautaire ne peut reprendre. La synagogue est vendue et détruite.

Mais l’histoire des juifs à Remiremont ne s’arrête pas. Des familles juives anciennement établies continuent à vivre dans la ville et ont été rejointes par d’autres familles. La présence d’un important cimetière israélite rappelle aussi que les Juifs ont joué un rôle très actif pendant plus d’un siècle dans la vie de la
cité des Chanoinesses

 

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