Inauguration de la nouvelle synagogue
1er mars 1959.



Document inédit : film de l'inauguration de la synagogue de Sarreguemines le 1 mars 1959,
réalisé par Raymond KRAEMER. L'enregistrement sonore provient des archives
de Francis LEMMEL. Merci à Jean CAHN de nous avoir fourni ces documents.

Inauguration de la synagogue de Sarreguemines
Bulletin de nos communautés 20 mars 1959 n°6 15e année

La nouvelle synagogue de Sarreguemines
© Jean Cahn






Programme de la cérémonie religieuse

Prélude (Orgue - Entrée du cortège officiel)
Ma tovou (Lewandowsky - Choeur et Officiant)
Allocutions :
M. J. Lemmel, président de la Communauté israélite de Sarreguemines
M. A. Bloch, délégué du Consistoire israélite de la Moselle
Psaume 127 (L. Algazi - Choeur et Solo)
Discours : Me J. Massing,
Conseiller général-Maire de Sarreguemines
Psaume 118
Psaume 124 (Séou Chéorim, Naumbourg- Choeur et Solo)
ENTREE DU CORTEGE AVEC LES ROULEAUX DE LA LOI
Allumage de la Lampe éternelle : M. Friedemann, Ministre du Culte
Schema Israël
Echod Elohénou
(Naumbourg - Choeur et Officiant)
Prière pour la République et Israël : M. le Grand-Rabbin
Hakofoss
Rentrée des Rouleaux
(Lewandowsky - Choeur et Officiant)
Sermon : M. le Grand-Rabbin
Wenéémar (Rehfeld - Choeur)
Sortie (Orgue)
La journée du 11 mars 1959, date de l'inauguration de la nouvelle synagogue, s'inscrit en lettres d'or dans les annales de la Communauté juive de Sarreguemines. Sous la haute présidence. de M. Laporte, préfet de la Moselle, et de M. Dreyfus, Grand-Rabbin, le Temple reconstruit a été solennellement inauguré.

Une foule immense, juifs et non-juifs, avaient prouvé par leur présence tout l'intérêt et la profonde sympathie qu'ils témoignaient à la Communauté israélite de Sarreguemines.

La nouvelle synagogue, oeuvre de l'architecte Robert Meyer, est d'une conception sobre et moderne. Erigé dans les nouveaux quartiers, entourés de jardins, l'édifice est un ornement pour toute la ville. Il remplace l'ancien temple détruit par les "nazis" en 1940, qui était considéré comme une des plus belles synagogues de France.

La consécration du nouveau temple, favorisée par un temps magnifique, a donné lieu à une manifestation imposante à laquelle de nombreuses personnalités ont bien voulu assister. On a relevé dans l'assistance M. le Sénateur Bousch, de Forbach, M. Seitlinger, Député, M. Massing, Conseiller Général-Maire, M. le Président du Tribunal, M. J. Kohn, substitut, délégué de M. le Procureur, M. Goebels, délégué du M.R.L., M. Thérol, Commissaire à la Reconstruction, M. Roger Kahn, rabbin à Montpellier (notre ancien rabbin), M. l'Archiprêtre, M. le Pasteur, Messieurs les Directeurs du Lycée du Collège National Technique et des Ecoles primaires, Messieurs les Commissaires de Police, le Conseil Municipal, M. Cazal, Président-Directeur Général des Faïenceries, Messieurs les membres du Consistoire israélite, Messieurs l'es Présidents et Ministres-officiants ds Communautés de la Moselle.
M. le Préfet et M. le Sous-Préfet, empêchés par la période électorale, s'étaient excusés.

C'est la Chorale du Temple consistorial de Metz, sous la direction de M. Binn, qui a servi de cadre grandiose à une cérémonie émouvante. La belle voix .de M. Friedemann, Ministre-Officiant, émut profondément l'assistance.
(Les solistes étaient Madame J. Kirchenbaum, soprano et Monsieur Jones Szmidt, ténor. A l'orgue : M. Scherer de Metz n.d.l.r.)

Il appartenait à M. Jules Lemmel, Président de la Communauté, le "bâtisseur" de la synagogue, de prendre le premier la parole pour remercier 'l'assistance et particulièrement les autorités civiles, militaires et religieuses pour leur présence et pour exprimer la reconnaissance de la Communauté aux Services préfectoraux, au M.R.L. et au Consistoire pour l'aide financière et morale, ainsi qu'a l'architecte et à tous les artisans qui ont créé ce magnifique édifice, véritable maison communautaire, avec ses nombreuses salles de classes, de réunion, et ses logements pour les fonctionnaires.
M. André Bloch, Délégué du Consistoire, rappela l'époque sombre des persécutions et des destructions; il évoqua le beau temple détruit par une haine aveugle et rappela avec émotion le souvenir des anciens de la Communauté de Sarreguemines.

Après le chant du psaume 127, M. Massing, Conseiller Général-Maire de la Ville de Sarreguemines, s'adressa à l'assistance dans une allocution d'une haute spiritualité qui reflète la sympathie du
premier magistrat de la Ville pour la Communauté israélite, allocution qui mérite d'être pieusement conservée dans nos archives comme un témoignage de foi.

Pendant que le Chœur entonnait le psaume 24, le cortège des Ministres-Officiants faisait son entrée avec les rouleaux de la Loi, moment solennel, suivi par l'allumage de la lampe éternelle par M. Friedemann. M. Dreyfus, Grand-Rabbin de la Moselle, récita la prière pour la République et l'Etat d'Israël et appela la bénédiction divine sur la Maison des Prières. L'éminent prédicateur rappela la construction du temple du roi Salomon et établit une comparaison entre l'inauguration de la nouvelle synagogue et celle du deuxième Temple de Jérusalem.

Tous les orateurs devaient souligner l'esprit de bonne entente qui unit les trois confessions dans notre ville. La cérémonie qui s'était déroulée dans un ordre parfait, avait fait sur toute l'assistance une profonde impression et son souvenir restera inoubliable pour tous.

Que cette synagogue reconstruite sur le plan matériel le soit aussi sur le plan spirituel pour le salut du judaïsme et la gloire de Dieu. Un vin d'honneur offert par M. Lemmel et M. André Bloch réunit tous les représentants civils, militaires et religieux et les notables invités. Le soir, un grand bal organisé par la Communauté se déroula à l'Hôtel Excelsior et clôtura harmonieusement cette journée mémorable.


Discours de M. André BLOCH,
délégué de la circonscription rabbinique de Sarreguemines au Consistoire israélite de la Moselle, lors de l'inauguration de la nouvelle synagogue

Par une délicate pensée, vous m'avez délégué, mes chers collègues du Consistoire israélite de la Moselle, pour vous représenter en cette heure solennelle. Je vous dois de vivre quelques instants d'une émotion si prenante que je ne trouve guère les mots qui conviennent. Oui, cette journée du 1er mars 1959 restera gravée dans nos mémoires, c'est une journée d'actions de grâce pour nos cœurs reconnaissants. Nous la célébrons avec un éclat inusité, avec un cérémonial digne de la circonstance.

Nous, Sarregueminois, nous ne pouvons nous départir d'une certaine mélancolie en parcourant des yeux cette enceinte : nos regards n'aperçoivent de toutes parts que des signes de joie et d'allégresse mais nous ne pouvons nous empêcher d'évoquer le cadre ancien où nous avons vu évoluer ces silhouettes chères et combien attendrissantes avec leurs belles redingotes et leurs hauts-de-forme. Elles évoluaient dans ce temple, témoin habituel des solennités joyeuses de nos fêtes, de nos mariages, de nos initiations religieuses. Nous aimerions rappeler ici le souvenir de ceux qui nous ont conduits dans notre adolescence, nos chers parents, le rabbin, M. le Dr. Dreyfus qui fut pendant de longues années notre guide spirituel, notre ministre-officiant, M. Albert Kahn, ardent animateur de la jeunesse, M. Adler, mort en déportation, M. Salomon Weil, qui tous se seraient tant réjouis d'être parmi nous aujourd'hui.

Nous nous remémorons cette charmante synagogue, ses colonnes, ses festons ajourés, la gracieuse fantaisie de sa décoration faite d'arabesques chatoyantes. Mais, hélas, tout ceci n'est plus que poussière. Lors de sa destruction, la ville entière a été soulevée d'une méprisante colère. Le nazisme allemand aura réussi ce tour de force : détruire le beau qui fut notre patrimoine à tous, enfermer l'Europe dans des barbelés et du béton, martyriser par centaines de milliers les libres citoyens dans des prisons à barreaux, des baraques de centre d'internement, des bagnes, des camps de concentration. On retrouve encore actuellement le sceau de ces bourreaux. Le Grand Rabbin de France, M. Jacob Kaplan, n'a-t-il pas déclaré récemment "avoir pris connaissance de l'état actuel où se trouvent les corps des martyrs victimes de la barbarie nazie ". N'a-t-on pas la preuve que dans les tumuli se trouvent 2/3 de déportés non-israélites et 1/3 d'israélites. Et pourtant, quelques années nous séparent de la catastrophe. Nos esprits se reportent aux heures tragiques qui ont affligé notre génération, comme elles avaient jadis accablé nos ancêtres. Loin de nous ces sombres époques où il fallut déployer un courage incessant. Ce n'est pas seulement par leurs vertus guerrières que les israélites se sont distingués mais ils ont été appelés à faire preuve d'un courage plus calme, plus réfléchi, qui dénotait des âmes bien trempées. Cette page douloureuse de notre histoire est close et ne se renouvellera plus jamais si nous savons nous montrer tolérants et chercher non pas ce qui nous divise mais ce qui nous rapproche. Ce sera le plus sûr moyen de réparer le passé, de sauver le présent et de préparer l'avenir.

Quant à nous, nous n'avons pas perdu notre temps en lamentations stériles, nous n'avons pas désespéré. nous avons vaillamment ramassé les débris dispersés pour en faire un nouvel édifice. Et le miracle s'est réalisé ! Les ruines ont été relevées grâce à l'effort, à la charité de tous. Nous avons mis en commun nos ressources, nos volontés. Nous avons eu la force de taire nos rivalités, nos dissensions. Il a fallu que tous, nous nous mettions à l'œuvre. Il a fallu que chacun travaille dans la sphère de ses moyens : du Ministère de la Reconstruction au simple artisan en passant par la préfecture, la mairie, les architectes, les entrepreneurs, les artistes, les différents corps de métier. Tous y ont prêté la main et le miracle s'est réalisé par l'union de tous les cœurs, de toutes les volontés, de toutes les intelligences. La question de l'édification d'un nouveau temple fut envisagée dès les lendemains de la guerre mais il fallait trouver les ressources nécessaires. En attendant, nous avions organisé tant bien que mal le service religieux dans un baraquement construit sur les lieux mêmes où s'élevait naguère notre belle synagogue. Puis les pouvoirs publics appuyés par nos précieux édiles ont mis à notre disposition un local de même type mais plus grand et plus aéré situé sur l'autre rive de la Sarre. Ce local, nous l'abandonnons aujourd'hui avec joie.

Et voici, il faut le reconnaître, la récompense de notre union. Par esprit de bonne entente, les fidèles donnèrent à une forte majorité leurs voix, il y a environ un mois, à l'ancien conseil d'administration, sage et conciliant qui, sous la direction de son président, M. Jules Lemmel, a su mener à bonne fin cette œuvre qui ne lui a laissé ni trêve ni repos. Une des premières tâches de ce conseil d'administration fut de déterminer le lieu où cette nouvelle synagogue serait édifiée. Les facilités de circulation, l'évolution de la vie moderne, tout cela a sensiblement modifié la physionomie de notre ville. Dans un monde qui se transforme, Sarreguemines se transforme également : c'est la poussée vers les faubourgs. En 1769, l'on construisit notre maison de prières dans cette humble rue du chemin de ronde qui a pieusement conservé le nom de "ruelle de l'ancienne synagogue". En 1862, elle se transporte dans le centre vital de la cité, rue de la Chapelle, au milieu des commerces. En 1959, elle se trouve sur la rive droite de la rivière là où, autrefois, s'étendaient des jardins privés. Ces jardins subsisteront en partir et formeront un cadre de verdure harmonieux pour ce nouvel édifice, si simple dans ses lignes, une synagogue moderne adaptée au langage architectural de notre époque, tout cela sans renier notre héritage venu du passé le plus lointain. Cette synagogue sera la maison de rassemblement, la maison d'études, la maison de prières. Si les hommes passent, l'Idéal demeure. Au fronton de cette synagogue d'aujourd'hui comme à celui de celle d'hier sont gravées ces paroles : " Car ma maison sera appelée la maison de prières pour tous les peuples ".


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