ETUDES - 1945/47


Septembre 1945. Démobilisé. Bien que mon dossier fut à Clermont, je pus passer mon deuxième bac, (bac de philo) à Strasbourg. Il me faut, ici, préciser que je fus inscrit 8 fois pour avoir mes deux bacs. Pour le premier bac, j'ai raté, successivement la session de juin et celle de septembre 1942 ainsi que celle de juin 1943 (c'était la guerre. On avait souvent des préoccupations plus importantes que le bac). Et, grâce au Curé de Paulhan j'ai enfin réussi au 4ème coup, ce fameux premier bac en septembre 1943.

Quant au second bac : ayant appris que les contrôles allemands étaient renforcés aux portes du Puy, en juin 1944, je ne me suis pas présenté, ne pouvant évidemment pas passer un contrôle avec., d'une part les faux papiers pour ledit contrôle et, d'autre part, les vrais papiers pour les examinateurs du bac.
Et me suis réinscrit à la session de septembre.

Puis ce fut le coup de la fameuse fausse permission avec une inscription au bac à Dijon (voir plus haut cette histoire). Ce n'est donc qu'à la 4ème inscription que je me suis présenté et ai réussi, enfin, mon deuxième bac.

Je me souviens qu'en philo, la question portait sur les faits psychologiques inconscients. Et j'ai pu exposer l'histoire du petit caporal tué le 20 janvier 1945, après avoir remis sa montre à un copain.

Ensuite, je fis mon droit. Les études duraient, alors, trois ans mais j'ai fait ma licence en deux ans, profitant des sessions spéciales pour anciens combattants. Il est à noter que les professeurs enseignaient, en ce temps, en toge ; cela avait plus de gueule que maintenant.

J'ai commencé mon doctorat. Mais M. Valfer, l'associé de mon père étant décédé, je dus souvent rater les cours pour faire de nombreux voyages d'affaires et j'abandonnai la faculté courant 1947.


VALFER et MEYER 1947/1971

J'ai raconté, plus haut, comment mon père créa, avec Samuel Valfer, la Société Valfer & Meyer, négoce de tissus en gros spécialisé dans les lainages et draperies.

Dès 1947, je suis entré dans « l'affaire ».

Mon père, mon patron, fut un maître remarquable : par exemple : nos bureaux se faisant face et, pendant la « cérémonie » importante de l'ouverture du courrier, il jetait sur mon bureau un certain nombre de lettres en me chargeant de régler l'affaire. Il m'en laissait l'entière responsabilité et je faisais taper, par nos sténodactylos, la ou les lettres nécessaires. Il les signait s'il était d'accord avec ma façon de traiter l'affaire. Mais ne les signait pas s'il était pas d'accord, m'expliquant, alors, le pourquoi et le comment.

Au début, du fait des suites de la guerre, il y avait très peu de marchandises et l'essentiel des voyages était destiné aux achats. J'ai beaucoup sillonné la France industrielle (Paris, Roubaix, Tourcoing, Mazamet, Castres, La Bastide-Rouairoux, Lyon, Colmar, Sainte Marie aux Mines....)

Puis la normalité revint et il fallut alors aller voir les clients. C'est le métier de représentant que je fis de très longues années. Tout d'abord en accompagnant notre représentant et cousin André Meyer et en apprenant, avec lui et avec les clients, l'essentiel du métier.

Puis seul. Je voyageais - c'est-à-dire que je partais en tournée avec 80 à 100 kilos de valises d'échantillons - principalement dans le Bas-Rhin, la Moselle et la Sarre. Parfois aussi, un voyage ou l'autre vers Lyon, Saint Etienne et Le Puy en passant par Dijon... Ou lorsque le représentant de la tournée était souffrant., je faisais son travail en visitant les Savoies (je me débrouillais alors, pour être à Chamonix ou près de Val d'Isère pour le week-end !).

Cela fait que j'étais sur les routes, généralement du mardi au vendredi, environ 35 semaines par an. Et je logeais souvent dans des hôtels miteux, sauf dans les grandes villes où il y avait de bons hôtels.

La clientèle la plus importante, pour moi, était celle de Sarre, province allemande intégrée économiquement à la France à la fin de la guerre, puis rattachée, à nouveau, à l'Allemagne (ce qui nous compliqua le travail car si dans un premier temps nous faisions nos affaires en francs français, dans un deuxième temps, il fallut avoir un tarif en marks).

Il n'y avait, alors, pas d'autoroutes. Les routes étaient sinueuses et accidentées. En hiver, elles étaient fréquemment enneigées ; j'avais, à bord de la voiture, outre chaînes et pelle, deux sacs de sable. Mais le pire ennemi était le brouillard.

A propos de voitures :
Il y eut, alors, après guerre - en même temps que la Panhard - une vieille Primaquatre Renault d'avant- guerre qui tenait avec des ficelles et des courroies (pour démarrer, le matin, il fallait démonter le carburateur afin de le remplir d'essence à l'aide d'une bouteille).
Puis un grand nombre de Citroën 11 CV traction avant et surtout vers 1952-1956 la mythique 15, la Citroën 15 - 16 CV, 6 cylindres, 3 litres de cylindrée traction avant (la voiture des ministres. du Général de Gaulle et.... des gangsters.)

Simca Versailles
simca

Nous nous sommes mariés dans notre Simca Versailles noire à toit blanc - pneus à flancs blancs (8 cylindres). Puis ce furent des Peugeot et des Renault et aussi une Lancia.

Lorsque je n'étais pas en voyage, je travaillais à l'affaire remplissant pratiquement tous les postes, tant de direction que de vente.... et même d'expéditeur et d'emballeur...

Un travail important que je fis avec mon père, puis seul: faire la collection deux fois par an (collection d'été et collection d'hiver), c'est-à-dire choisir les tissus à acheter pour les présenter et les vendre ensuite aux clients.
Nous choisissions environ 18 mois avant le moment où le client le vendait au public!

Ce travail se faisait, généralement chez nous au bureau, mais souvent aussi en usine notamment à Roubaix, Tourcoing, Colmar, Sainte Marie aux Mines....

A l'attention des plus jeunes, il convient de préciser que j'étais habillé toute la semaine - comme tout le monde, d'ailleurs - c'est-à-dire en complet 3 pièces (pantalon, gilet et veston), boutons de manchettes aux poignets mousquetaires de la chemise.

Lorsque la Sarl se transforma en Société Anonyme le 1er janvier 1954, je fus nommé administrateur délégué puis président directeur général le 1er janvier 1963.
Par la suite, et après le décès de mon père, j'ai transformé la S.A. en S.N.C. qui vécut, en fait, du 28 décembre 1965 au 31 mars 1971 (dissolution le 26 novembre 1973) et dont je fus le gérant.

Bien que je passe assez vite ce chapitre, il faut, tout de même, relever que « l'affaire » représentait l'essentiel de mes préoccupations et de mon travail.

V.M. - comme nous disions pour Valfer & Meyer - avait environ 30 employés (avant guerre, il y en avait plus de 40 auxquels il convenait d'ajouter les 60 personnes employées par Valmex, notre fabrique de vêtements de sport).
L'un des personnages-clé était Melle Julie, chef comptable, fondée de pouvoirs et plus tard administrateur, qui travailla avec mon père de 1906 à 1956 (elle l'avait suivi lorsqu'il créa, avec Valfer, son affaire).
Lorsque Albert Schweitzer, Prix Nobel de la Paix, théologien, musicien et médecin à Lambaréné (Gabon) venait nous voir au bureau régulièrement chaque année, Melle Julie descendait de sa comptabilité pour le saluer en rougissant comme une jeune fille et en disant : « Oh Herr Paschtor, Herr Paschtor » car c'est lui, alors pasteur, qui lui avait fait passer sa confirmation de petite fille.

Pour ma part, je fus en correspondance, de longues années, avec Albert Schweitzer. En 1946, il nous envoya du café vert à torréfier ; il savait que le café était une denrée rare en France à cette époque.

Ajoutons, ici, quelques notes concernant mes vacances d'avant mon mariage.

A cette époque. c'était en camping, parfois à la belle étoile. Le camping consistait, alors, à planter sa tente, toute seule, en un lieu isolé et non pas, comme aujourd'hui, au milieu d'un épouvantable rassemblement de tentes et caravanes. J'ai beaucoup campé, en France et, aussi, en Scandinavie, Italie, Grèce, Suisse etc...

Quant au ski, c'était surtout Val d'Isère, généralement quinze jours à Noël et quinze jours à Pâques. J'étais au cours compétition (notre moniteur était Firmin Mattis, champion de France de slalom) et nous skiions, parfois, avec les gars de l'équipe de France, notamment avec mon copain, l'enfant du pays, Henri Oreiller, triple champion olympique 1948.

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