AVIATION CIVILE
(Chapitre écrit à l'aide du carnet de vol)

J'avais 26 ans lorsque je fis mon baptême de l'air. A cette époque, dans les années 50, l'avion était encore un moyen de transport rare et un objet de curiosité. L'envie de savoir ce que l'on pouvait éprouver en vol me poussa à tenter l'expérience.

Le Piper-Cub

Ce fut le 29 avril 1951, à bord d'un Piper-Cub de 65 CV - datant des années 1943/45 - que le Père Thomas me fit faire mon premier vol.

Et le 19 mai, j'ai eu ma première leçon de pilotage. Le moniteur, le Père Thomas, - qui consommait autant que son avion et avait été le mécano de St Exupéry - avait pour devise :
« Je ne veux pas faire de bons pilotes, je veux faire de vieux pilotes »

Dès le 29 juin, je fus « lâché ». Et le 10 juillet, jour de l'obtention de mon brevet du pre;ier degré, j'ai emmené mon premier passager.

Le 1er septembre, je fus lâché sur Stampe, ce magnifique appareil de voltige, biplace, biplan, moteur de 140 CV (les passagers avaient la tête à l'air et étaient munis de casques en cuir et de grosses lunettes).

Entre-temps, le 1er juillet, je suis allé - à bord d'un biplan biplace Tiger Math piloté par le Capitaine Delmotte - à un rallye aérien à Epinal.
Parmi les personnalités assistant à ce rallye, j'ai pu saluer Adrienne Bolland qui avait accompli, dans les années 1920, la première traversée aérienne de la Cordillère des Andes. Mon onde Simon Meyer, en voyage d'affaires en Amérique du Sud, l'a vue lorsqu'elle débarqua de son biplan après son exploit. Et il me racontait que l'on voyait nettement, à sa démarche, qu'elle avait.... fait dans ses culottes (historique ).

J'ai fait mon deuxième degré le 28 juin 1952. Nous étions deux avions à faire ce voyage (Polygone, Entzheim, Colmar, Mulhouse, Belfort, Luxeuil et retour). A savoir Georges M. Bloch sur Piper et moi sur Stampe. A Luxeuil, Georges et moi, nous nous sommes fait conduire en ville pour déjeuner. Mais, au retour, aucun moyen de locomotion. Aussi, alors que nous avions chacun un avion qui nous attendait sur le terrain, nous avons dû marcher sur la route comme des vagabonds pour les rejoindre.

Par la suite, je passais beaucoup de temps au Polygone, le terrain d'aviation de Strasbourg, et ce, entre 1951 et 1956. Et je donnais beaucoup de baptêmes de l'air à des amis ou à des « pigeons », ceux qui nous payaient nos minutes de vol.

J'ai découvert, en feuilletant mon carnet de vol, que j'ai eu pour passager, le 19 mai 1955, Lysou Dreyfus. Tiens, déjà !


PERIODES MILITAIRES
(1949 - 1964)
(Chapitre écrit à l'aide de ia fiche signalétique d'état de services)

J'avais fini la guerre comme 2ème classe.
En juillet-août 1949, je fis une période à l'Ecole de St Maixent (Deux Sèvres) en vue d'être nommé officier (sous-lieutenant le 1er novembre 1950).

Je fis des périodes obligatoires d'exercice, la première au 1er régiment de génie en tant que sergent : nous avons, dans la nuit, fait «sauter » le pont de Kehl avec des pains de plastique en bois et du cordon Bickford en ficelle.
Puis au 152ème Régiment d'Infanterie en tant que sous-lieutenant. Je commandais une section de canons antichars sans recul de 75.

L'une de ces périodes comprenait des manoeuvres en Allemagne. J'étais notamment chargé de « couvrir » les lignes avec mes canons que j'ai camouflés dans la forêt. Une section d'infanterie défendait mes canons et, lors de l'inspection nocturne, j'ai demandé, abruptement, au chef de la section d'infanterie, l'aspirant Taubmann :
« Taubmann, vous êtes juif ? »
Il me répondit : « euh, euh oui mon Lieutenant ! »
Et je lui ai demandé., alors, à sa grande surprise : « Que faites-vous pour Roch Hachana ? »
Car le nouvel an juif commençait, cette année, alors que la manoeuvre n'était pas terminée.
Il va sans dire que je lui ai obtenu une permission.

Au retour d'Allemagne, j'ai demandé au Capitaine une faveur. II comprit et, alors que le régiment, après avoir traversé le Rhin, contournait Strasbourg pour se rendre à la Caserne à Mutzig, j'ai pu me rendre chez mes parents à Strasbourg avec ma Jeep remorquant un canon.

Et c'est dans cet équipage, pistolet au ceinturon que je me rendis au Palais des Fêtes (où, faute de synagogue, avaient lieu les cultes pour les grandes fêtes) pour demander à mon père les clés de la voiture.
Aller à la synagogue avec un canon, est-ce si courant ?

Ensuite, du fait de mon brevet de pilote civil, je fus muté dans l'A.L.O.A. (Aviation Légère d'Observation d'Artillerie).

Aux commandes de mon Piper - 1953
piper

Pour ma première période en août 1953, après une journée d'entraînement, je fus envoyé le lendemain à la Cavalerie (lieudit dans le Larzac, près de Millau).
On a donc envoyé un officier d'infanterie (ce que j'étais alors n'ayant été nommé dans l'artillerie qu'en 1954) avec un avion d'artillerie à la Cavalerie

Je fis encore des périodes à l'A.L.O.A. - toujours à Essey-les-Nancy - mais avec des missions vers les camps de Mourmelon, Sisonne etc... en 1954 et 1955.

Au cours de l'une d'elles, je fus chargé de transporter un capitaine et des photos aériennes au terrain d'aviation de St Dizier, terrain réservé à l'aviation de chasse. N'ayant pas de radio, j'attendais, en faisant réglementairement le tour du terrain, les fusées vertes m'autorisant à atterrir. Quand, subitement, je vis foncer sur moi, à la même altitude, deux chasseurs à réaction. A environ 100 mètres l'un de l'autre, nous eûmes, eux et moi, la bonne réaction. Heureusement. Ils virèrent et profitant de leur puissance, montèrent en flèche vers le ciel. Et moi, avec mes 90 petits chevaux, j'ai viré dans l'autre sens en plongeant vers le sol.

Retour de mission
lors d'une periode militaire en Champagne

- l'avion est un PIPER-CUB L18 - 1953
mission 1953

Puis ce fut l'Algérie (voir plus loin), l'A.L.O.A. devenant A.L.A.T. (Aviation Légère de l'Armée de Terre).

Ensuite, avec le grade de Lieutenant puis de Capitaine, encore quelques périodes entre 1957 et 1964, parfois à Essey-les-Nancy, parfois à Baden-Oos à côté de Baden-Baden (en Allemagne).
C'est de Baden-Oos, lors de ces périodes, que j'ai rapporté des pièces pour le train électrique de mon petit Yves.

Vers 1964, je fus nommé responsable de l'aviation d'observation, du moins s'il y avait eu une mobilisation, de Givet (Ardennes) à Dijon ou quelque chose de ce genre-là, ce, dans le cadre d'un commandement à Verdun (où je me suis rendu deux fois en avion).
Lorsque je m'enquis du lieu où étaient mes avions, on me répondit : « à Dax ». Et moi, un simple civil, officier de réserve, dus faire remarquer qu'en temps de guerre, il me semblait, pour le moins difficile d'aller chercher mes avions à l'opposé de la France.
Aussi, on « me » rapatria mes avions sur Nancy.

En 1965, atteint par la limite d'âge de 40 ans fixée pour les capitaines, la possibilité de voler me fut supprimée.


ALGERIE 1956
(Chapitre écrit à l'aide de mon carnet de vol militaire)


Le 23 mai 1956. je fus rappelé pour servir en Algérie. A l'époque, nombreux furent les rappelés (qui venaient de terminer leur service militaire).
S'y ajoutèrent des spécialistes dont l'armée avait besoin (dont les lieutenants jusqu'à 32 ans: j'avais 31 ans!) et, dans les VIème et VIIème régions militaires, c'est-à-dire sur plus du tiers de la France, on ne trouva que trois lieutenants pilotes (voir plus loin).
Le peloton - avion de la 13ème D.I. fut mis sur pied à Essey-les-Nancy et du 26 mai au 4 juin 1956, ce ne fut que vols d'entraînement et préparation des hommes.

Piper L21
L21

Le samedi 2 juin, dernier week-end de permission, le colonel Blanc ordonna aux Lieutenants François Japy et Jean Meyer de l'accompagner le matin à Compiègne (en avion, bien sûr, le Colonel à bord de son L 21, François et moi avec un L 18).
Aussi, ai-je fait remarquer au colonel que, François et moi, nous risquions de perdre une partie du temps de notre dernière permission. Et je lui ai demandé de nous laisser l'avion pour notre week-end. Il a dû en être si suffoqué qu'il a dit oui (je ne pense pas qu'il arriva souvent à des militaires de partir en permission avec un avion militaire à leur disposition).
Et de Compiègne, après avoir déposé François à Belfort, j'ai gardé l'avion pour le week-end à Strasbourg. Le lundi matin, tout simplement, j'ai cherché François à Belfort pour nous présenter à l'heure à Nancy.

Ici, un instant d'arrêt pour présenter le personnel et le matériel de notre peloton avion de la 13ème Division d'Infanterie.
Nos avions étaient des Piper L 18 jaune vif en toile dotés d'un moteur Lycoming flat-four (refroidissement à air) de 90 CV.

Piper L18
L18
Ils étaient immatriculés D.A. à D.F., c'est-à-dire Delta Alpha, Delta Bravo, Delta Charlie, Delta Delta, Delta Echo, Delta Fox.
Notre peloton représentait une cinquantaine d'hommes dont 5 officiers et de nombreux sous-officiers et gradés - car tous étaient des spécialistes - (les sous-officiers mécanos étaient, surtout, des ouvriers hautement qualifiés de chez Peugeot à Sochaux et il y avait 6 sous-officiers pilotes plus 2 en renfort à partir de septembre).

Les Officiers : Chef de Peloton : Lieutenant François Japy (neveu de Jean-Pierre Peugeot)
Commandant l'escadrille : Lieutenant Jean Meyer
Responsable du personnel et du renseignement : Lieutenant Michel Boulanger (fils de Pierre Boulanger, ancien PDG de Citroën)
Responsable auto : Sous-Lieutenant Jean Boé
Responsable radio : Sous-Lieutenant Jacques Marot
Les trois lieutenants étaient observateurs-pilotes, les deux sous-lieutenants observateurs. Ni les observateurs, ni les observateurs-pilotes, ni les pilotes eux-mêmes n'étaient brevetés et n'ont obtenu leur brevet que quelques mois plus tard, alors qu'ils ont fait le même boulot que les autres.

A Marseille, après avoir embarqué nos avions en caisse, nous fûmes nous-mêmes embarqués sur le S/S Sidi Bel Abbés à destination d'Oran. Très agréable traversée pour les officiers - en cabine de 1ère classe -. Moins agréable pour les sous-officiers et les hommes.
Dès l'arrivée à Oran, les officiers étant logés à l'hôtel, je fus nommé « officier de jour» (c'est-à-dire l'officier qui commande la nuit!) et commandai, à ce titre, notre peloton logé « au Château », c'est-à-dire une sorte de caserne au-dessus d'Oran.

Et là, n'ayant jamais fait de service militaire, ni vécu en caserne, il me fallut demander à mon sous-officier adjoint - à son grand étonnement -, la signification de ces sonneries de clairon (à la soupe, rassemblement, extinction des feux...).
A la base d'Oran - La Sénia, nous avons remonté nos avions. Mais, si mes mécaniciens avaient bien leurs caisses à outils, il nous manquait.... les clés à bougies (à Nancy, il m'avait été répondu que ces clés à bougies étaient à ma disposition à Sétif, c'est-à-dire à l'autre bout de l'Algérie).

Aussi, ai-je invité un capitaine de l'armée de l'air à boire un pot en le priant d'emporter une clé à bougies. Elle disparut à notre profit !

A Oran, nous avons «volé» une Jeep à un colonel pour nous rendre à Mascara inspecter le terrain où nous devions nous installer. A notre tour, après nous avoir engueulé, le colonel nous dit : « Savez-vous, Messieurs, pourquoi nous combattons ici. Avez-vous vu ces « filles superbes à Oran, à rendre apoplectiques tous les officiers supérieurs a de l'armée française ».

Le 15 juin, nos avions remontésm j'ai effectué mon premier vol A.F.N. (Afrique Française du Nord).

Le 17 juin, nous nous sommes installés sur le terrain de Mascara, les hommes et les sous-off. dans les hangars à avions et les officiers sous une tente à eux réservée.

Signature des documents de bord
au retour d'une mission a Sidi Bel Abbes
- été 1956
-
signature des documents de bord

A partir de ce moment, nous, les observateurs-pilotes, c'est-à-dire les trois lieutenants François Japy, Michel Boulanger et moi, volions à peu près tous les jours en tant que pilotes et, notamment, lors des opérations, en tant qu'observateurs. Au début, des missions de reconnaissance et de liaison, puis, dès le 24, premier accompagnement de troupes au sol en opérations. Et des vols vers Sidi Bel Abbés, Saïda, Berthelot, Le Kreyder (au bord d'un chott, au Sahara), Le Telagh, etc...

Lors de notre paie, nous avons constaté que le trésorier retenait, sur notre solde, la location de la tente et avons réclamé. Il nous répondit que, puisque nous louions la tente, nous étions donc logés à nos frais et, de ce fait, nous avions droit à une belle indemnité de logement ! Mystères de la fonction publique !

Lors d'un vol de reconnaissance de zone, il advint l'incident suivant : nous n'avions, alors, pas reçu toutes nos cartes. Et, partant en mission - moi dans l'avion leader avec un colonel et mon ailier avec un lieutenant-colonel - c'étaient les colonels qui étaient censé naviguer puisque nous leur faisions découvrir la région dont ils devenaient les responsables.
Tout d'un coup, je ne vis plus mon ailier. Disparu. J'ai appelé par radio. Pas de réponse. En fait, c'est le lieutenant-colonel qui disposait du micro et il ne pouvait pas répondre à ma question : « Où êtes-vous ? » puisqu'il était perdu. J'ai dit : «passez le micro à votre pilote», puis ai indiqué au pilote de prendre plein Nord jusqu'à une montagne. Et là, nous nous sommes à nouveau mis en vol de patrouille à deux.
Au retour, au rapport, j'ai pu dire : « j'ai perdu un colonel »

Il est à noter que la Division nous a demandé de nous mettre sous les ordres du Commandant des Batteries de la Division. Mais ce Commandant ne nous était nullement sympathique et nous avons choisi (fait très rare à l'armée) d'être sous les ordres du Lieutenant-Colonel Emanuelli, commandant l'artillerie divisionnaire. Un officier de cavalerie, avec lequel nous nous sommes parfaitement entendu jusqu'à la fin de notre séjour. Et le Colonel Emanuelli était si content de jouer avec ses petits avions !

Puis, nous eûmes l'ordre d'abandonner la base de Mascara pour nous installer sur la base de Thiersville, base aéro-navale, occupée par des unités de l'Armée de l'Air. Le colonel Emanuelli était affolé à l'idée des complications que cela pouvait engendrer (autorisation à demander aux Commandements de la Marine et de l'Air ou peut-être même aux Ministères à Paris).

Aussi, suis-je allé me poser à Thiersville. Au Lieutenant venu à ma rencontre, j'ai demandé s'il pouvait loger notre peloton et, à mon retour, j'ai téléphoné à Emanuelli que l'affaire était OK, ajoutant qu'entre officiers subalternes, c'est beaucoup plus simple.

Je n'étais pas au peloton lors du déménagement dans les tous premiers jours de juillet 1956.

Alger-Sétif

En effet, je dus convoyer à Sétif (4h30 de vol) un avion pour « grande visite », le 1er juillet 1956. Seule, la base de Sétif - Ain Arnat était habilitée pour ce faire. Je fis le voyage avec l'un de mes sous-off. mécanos... et ma valise contenant mes effets civils. Je me suis posé à Alger - Reghaïa - avec quelques petites difficultés -. En effet, du fait de la chaleur et du vent de mer, l'avion ne voulait pas se poser. Au bout du compte, et près du bout de la piste, j'ai lâché les commandes en disant à mon avion de se débrouiller tout seul ! Il se posa « aux patates » c'est-à-dire un peu au-delà de la piste.

Toujours du fait de la chaleur, il était impossible de continuer le vol, l'avion n'aurait pas pu franchir les montagnes. Aussi ai-je demandé, à la 10e Division Parachutiste, de me prêter une Jeep pour aller à Alger.

Et me voilà parti à Alger avec mon mécano et mon chauffeur pour aller déjeuner à Alger - Birmandreis chez Marthe Hirsch, sa fille Jacqueline et son gendre le Dr Roger Eisenbeth (que j'avais avisés par téléphone).
Marthe nous invita, gentiment, mes deux « gus » et moi à déjeuner et fut stupéfaite lorsqu'elle les vit ranger leurs pistolets-mitrailleurs dans le porte-parapluies
Après déjeuner, retour à Reghaïa et nous prîmes l'air, avec quelques difficultés pour passer au-dessus des gorges de Palestro (l'air très chaud, n'est pas porteur) et arriver à Sétif.

Le soir, en civil, j'ai dîné avec mon cousin Roger Lévy de Sétif à l'Hôtel de France (je crois) sous un ventilateur. Le lendemain, le maître d'hôtel nous proposa la même table, mais nous avons décliné car le ventilateur refroidissait les plats. Bien nous en a prit puisque, lors du repas, le ventilateur en marche s'effondra sur la table.

Roger me présenta le colonel Crespin, commandant la base d'Ain Arnat - qui avait réquisitionné sa belle villa de la Haute Vallée -.
Le lendemain je me présentai officiellement au Colonel Crespin et lui demandai un avion pour aller à Alger. Du fait d'opérations en cours, il ne put me confier un avion, mais j'ai pu faire de l'avion-stop - tant à l'aller, qu'au retour - pour me rendre à Alger.

Je prenais presque tous mes repas chez Marthe Hirsch et les Eisenbeth et couchais, le soir, dans l'appartement (vide) de M. Eisenbeth père, grand Rabbin d'Algérie. C'est Gérard, le frère de Roger qui m'y conduisait.

Pour aller de son garage à l'appartement, il fallait traverser, à pied, de nuit, la grande place d'Alger, devant le Gouvernement général. Et là, je n'étais pas tranquille. C'est le seul moment durant mon séjour en Algérie où j'ai tenu mon arme, balle dans le canon, doigt sur la détente et prêt à tirer.

Le 7 juillet nous sommes rentrés avec notre avion révisé à neuf de Sétif pour nous poser à Thiersville.

A Thiersville, il y avait une piscine. Aussi, avons-nous, de suite, garé un camion G.M.C. à cul devant la piscine pour servir de plongeoir.

Sidi Bel Abbes

Nous ne sommes pas restés longtemps à Thiersville et avons déménagé tout le peloton à Sidi Bel Abbés. Où nous sommes restés de juillet jusqu'à la fin, c'est-à-dire en novembre 1956. C'est de Bel Abbés que nous fîmes l'essentiel de nos missions opérationnelles car nous « couvrions » toutes les opérations de la 13ème D.I. dans tout le secteur.

Nous avons aussi beaucoup « voyagé » vers Aïn Temouchent, Tlemcen, Descartes (où se trouve le PC de la Division) Aïn Isser, Le Telagh, El Gor, Bedeau, Slissen, Djebel Ouargla (une montagne magnifique qui « tombait» directement sur le Sahara) Oran-La-Sénia, Mascara, etc...

Les conditions atmosphériques, notamment aux heures chaudes de la journée, étaient très éprouvantes. Ascendances brutales suivies de «trous d'air» importants. à tel point qu'un avion d'aéro-club y aurait perdu ses ailes. Nous étions «chahutés » très durement ; je me suis, une fois, retrouvé dans le coffre à bagages de l'avion. L'avion tanguait et roulait alors au point de se trouver « sur la tranche ».

Lors d'un vol avec le personnage le plus important de la région - le colonel Raberin, commandant le 1er Régiment de la Légion Etrangére - je volais en faisant constamment, des virages à droite et à gauche. En fait, je regardais au-dessus de moi, faisant en sorte de ne pas passer sous les nuages, sources de ces changements de portance. Le colonel, étonné par ma façon de piloter, me demanda pourquoi je zigzaguais. Afin de le lui expliquer, je suis, alors, allé tout droit. Boum ! Pan ! Nous fûmes si secoués qu'il me pria de ne plus aller tout droit.

Parfois, le vent chaud du Sud déferlait sur l'Oranais. Il nous était, alors, impossible de rester en l'air. Trop dangereux. Je me souviens qu'un jour, pressentant l'arrivée du vent chaud, je mis ma main à l'extérieur de l'avion pour en être assuré. Aussitôt, je fis un « appel à tous, appel à tous, vent du Sud, vent du Sud» afin que tous les avions en vol dans le secteur rejoignent au plus vite leurs bases.

Nous eûmes une fois trois jours de chergui, le vent de sable venant de Mauritanie. Les avions, train avant et roulette de queue enterrés étaient haubanés fermement. Les tentes étaient retenues par des cordes supplémentaires. Pour sortir à pied, il nous fallait fermer cols et manches, mettre de grosses lunettes de pilote et nous marchions, couchés sur le vent qui nous frappait de sable rouge. Les arbres ployaient. Tout ce qui n'était pas arrimé correctement se transformait en objets volants dangereux. C'était dantesque. Après le passage du chergui, il fallut quatre ou cinq jours à mes mécanos pour remettre les avions en état de voler.

Les dimanches, le sous-lieutenant Jean Boé accompagnait les hommes à la messe. Et, du haut de son camion G.M.C., il nous disait : «je vais aller prier pour vous, tas de parpaillots, de juifs et d'athées » (le parpaillot, c'est-à-dire François Japy, protestant).
J'ai pu rendre la pareille lors des fêtes de Roch-Hachana et de Kippour.

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