LE
YIDISCH ALSACIEN-LORRAIN
Recueil de mots et locutions hébraeo-araméens employés dans le dialecte des Israélites d'Alsace et de Lorraine
par le grand rabbin Emmanuel WEILL
Edition de l'ouvrage : Daniel FUKS


Avant-propos

Cet ouvrage appartient à la © Collection M. & A. Rothé

Le Yidisch alsacien-lorrain, quoique toujours, parlé par les Israélites de nos chères provinces reconquises, n'est pourtant plus d'un usage aussi courant ,que par le passé. Beaucoup s'en déshabituent et peut-être est-il destiné à disparaître dans un temps plus ou moins rapproché. Nous avons cru le moment venu d'essayer de le fixer et d'en noter les particularités si nombreuses et si remarquables. Ceux qui l'ont parlé ou qui le parlent encore prendront, croyons-nous, un intérêt réel a se retrouver en quelque sorte dans ce vocabulaire et dans toutes ces locutions qui leur ont servi à exprimer leurs pensées et leurs sentiments les plus ordinaires comme les plus élevés sous une forme souvent originale et curieuse. Mais même pour les autres, pour ceux qui ne connaissent le dialecte de nos coreligionnaires alsaciens et lorrains que d'ouï-dire ou par quelques rares expressions parvenues jusqu'à eux par transmission familiale ou de tout autre manière, il ne saurait leur être indifférent de pénétrer dans l'intimité de ce parler on se révèle, d'une façon si naïve et si sûre, la mentalité de nos coreligionnaires pendant les siècles d'un long passé. Ils auront plaisir à connaître de près l'une des multiples faces de cette physionomie juive toujours identique à elle-même et si diverse cependant, suivant les temps et les lieux.

D'autre part, l'on a souvent observé le caractère primesautier et l'humour de l'esprit alsacien et lorrain. Or l'âme israélite ne pouvait pas ne pas refléter cette caractéristique de la population environnante, elle si encline à s'adapter partout à la mentalité ambiante et si habile aussi à se venger parfois par un trait d'esprit de la malveillance humaine, qui, hélas, ne l'épargne pas toujours en Alsace-Lorraine, non plus qu'ailleurs. Il y a au surplus une certaine finesse d'observation particulière à l'Israélite et que mettent bien en lumière  tels de ces dictons et de ces locutions dont il nous a été donné de rapporter le plus grand nombre.

Nous avons divisé notre travail en deux parties. La première, de beaucoup la plus considérable, comprend :
L'ensemble des mots et locutions hébraïques et araméens entrés dans le Yidisch alsacien-lorrain, avec les dérivations plus ou moins régulières qui s'y rattachent.
 2° Les mots et locutions où l'hébreu et l'araméen se combinent avec des expressions ou des désinences allemandes.
Un Index facilitant la recherche de ces mots et locutions à ceux qui ignorent l'hébreu. La deuxième partie a trait aux locutions uniquement allemandes, mais d'un usage à peu près exclusif chez les Israélites ou les intéressant particulièrement.

Ayant vécu et pratiqué la vie juive en Alsace pendant de longues années et associant à l'hébreu une connaissance suffisante de la langue allemande, j'ai estimé pouvoir remplir la tâche que je m'étais proposée. Puissé-je y avoir réussi.



Le grand rabbin Emmanuel WEILL
Ensisheim 20 octobre 1841 - Paris 5 avril 1925
Rabbin à Versailles et à Paris

Emmanuel Weill naît  le 20 octobre 1841 à Ensisheim (Haut-Rhin), de parents originaires de Belfort, son père était épicier. A Colmar, il étudie au Talmud Torah de Salomon Klein. Il suit le cursus des études rabbiniques au Séminaire israélite à Paris de 1859 à 1866, obtenant le diplôme du premier degré rabbinique.

Avant même d'avoir obtenu son diplôme, il est "réclamé" comme ministre officiant par la communauté de Versailles. Comme il n'a que 24 ans, sa nomination est ratifiée par l'administration des Cultes, avec dispense d'âge. En  fait, il remplit déjà à la fois les fonctions de ministre officiant et de rabbin : son poste a été transformé en poste de rabbin en 1867. A partir de 1870, il prend en pension des garçons de plus de sept ans suivant les cours du lycée
ou d'autres institutions d'enseignement pour leur assurer une ambiance familiale, des répétitions pour leurs études profanes et l'instruction religieuse.

Pendant la guerre franco-prussienne, il est aumônier volontaire des prisons et ambulances de Versailles. Il fait bon accueil aux soldats allemands juifs à l'office de Rosh Hashana en 1871, mais il  quitte la synagogue avant le début du second office, célébré par l'aumônier allemand. Après la défaite, il opte pour la nationalité française.
Le 1er janvier 1872, il est reçu à Versailles par Adolphe Thiers, président de la République.

La synagogue de Versailles : dessin d'Alfred-Philibert Aldrophe
pour le Journal Universel, 1886

Ce n'est qu'après la guerre qu'il obtient le diplôme du deuxième degré rabbinique, après avoir soutenu une thèse sur la situation de la femme dans la Bible et le Talmud qui lui vaut  les honneurs d'une présentation à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et d'une citation à la Société asiatique sous l'autorité de Renan. Le titre honorifique de grand rabbin de Paris, à la discrétion du grand rabbin du Consistoire central après la loi de Séparation, lui sera accordé ultérieurement.

Début 1876 il est  nommé  délégué à l'enseignement religieux israélite des écoles municipales supérieures par le grand rabbin de Paris Zadoc Kahn (il fera par la suite partie du Comité des écoles consistoriales). Un poste supplémentaire de rabbin adjoint au grand rabbin de Paris ayant été créé par décret du 13 janvier 1876, Emmanuel Weill s'y porte candidat ; il prêche le 17 juin à la synagogue de la rue de la Victoire, et il est élu le 3 juillet.

Attaché à la synagogue de la Victoire, il occupe ce poste jusqu'à son affectation à la synagogue de rite portugais de la rue Buffault où il demeurera jusqu'à son décès, y faisant célébrer la bar- mitsvah de l'un de ses fils selon le rite et la prononciation portugais. Ce rabbinat en milieu portugais l'amène à entrer au conseil d'administration de la Fondation Moïse Léon, maison de retraite pour femmes du boulevard de Picpus. En 1878, il inaugure la nouvelle synagogue de Versailles.

Parallèlement, il est aumônier au lycée de Versailles de 1869 à1876, au collège Chaptal et à l'École Turgot de 1876 à 1880, au collège Rollin de 1881 à 1903, à l'École commerciale de la rue Trudaine de 1875 à 1903. Il est nommé officier d'académie en 1883. De plus, il assume des fonctions d'aumônier militaire, ayant été nommé le 3 septembre 1891 à l'ambulance du Quartier général du 5e corps d'armée.

En 1893, il est invité à prêcher à l'oratoire orthodoxe de la rue Cadet. Fréquentant le cercle de libéraux rassemblés autour de Hyacinthe Loison. il condamne en 1886 la proposition de célébrer l'office le dimanche et propose des conférences rehaussées par une simple prière du rabbin.

En 1896,  il est élu au conseil d'administration de la Caisse de secours du rabbinat français. À partir de 1900, il utilise la presse israélite pour s'exprimer sur diver. sujets. En 1901, il reçoit l'un des prix Michel et Fanny Weill. Il s'investit également au sein de la Société des Études juives, dont il sera un moment vice-président Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1905, il reçoit la décoration des mains de Zadoc Kahn.

En 1906, il participe à la création de l'Association des rabbins français, dont il est le rapporteur à maintes reprises : sur l'utilisation du métro le samedi - à laquelle il était favorable -, sur le minyan, les incinérations, le divorce, la halitsah (procédure d'acquittement de mariage du frère d'un homme décédé sans enfants avec la veuve de ce dernier).

Désigné en 1910 juge au tribunal rabbinique. dont il devient vice-président en 1919, il entretient une importante correspondance avec des rabbins étrangers de rite sefarade et de nombreux rabbins palestiniens.

À  la synagogue de la rue Buffault il fait preuve de rigueur dans l'observation des usages de séparation des sexes : il interdit d'admettre des femmes dans la chorale, réprimande en 1921 une invitée décolletée assistant à un mariage.

Les années passant, pourtant, s'affermit sa conscience d'une adéquation indispensable de la religion juive avec les nécessités de la vie des fidèles: il propose à l'Association des Rabbins français de 1912 d'instituer une méditation en français avant la récitation du Kaddich et, en 1913, explique  en français à sa synagogue, après l'office du soir, le commentaire de Rachi se rapportant à la section du jour.   

Son testament spirituel écrit à l'intention de sa famille en 1917 témoigne de son attachement aux rites qui entourent la mort dans la religion juive, ainsi qu'au judaïsme palestinien, qu'il soutient depuis longtemps de longue date.

Il publie régulièrement des articles et les revues de l'époque : l'Univers israélite et la Revue des études juives (où son ouvrage Le Yidisch alsacien lorrain a paru en plusieurs chapitres, avant d'être publié comme un livre complet à la Librairie Durlacher).

En 1916, il devient membre du comité directeur de la Société de secours aux juifs victimes de la guerre en Russie et au comité de patronage de la Ligue franco-sioniste. Durant l'été 1917 il officie à Vichy. En 1919, il est membre du comité Ohavei Sion (les Amis de Sion), association juive de propagande pour Jérusalem et la Palestine. En 1920, il participe aux réunions du mouvement sioniste-religieux Mizrahi. L'année suivante, il participe à une célébration de l'association Le Mont-Sinaï.

Il se  marie  le 29 octobre 1867 à Saverne avec Adèle Dreyfuss, née le 5 novembre 1847 à Soultz (Haut-Rhin), fille du rabbin Heymann Loeb Dreyfuss  et de Marie Netter, sœur du rabbin Jacques-Henri Dreyfuss. En 1921 Elle recevra la médaille d'argent de la Famille française pour avoir eu enfants, cinq fils et quatre filles.
- L'aîné des fils, Félix Weill., professeur à New York, sera secrétaire général de la Fédération de l'Alliance française aux États-Unis et au Canada ;
- le second, Julien Weill, sera  grand rabbin de Paris ;
- le troisième, Benjamin Weill (alias Weill-Hallé), deviendra un pédiatre réputé. médecin des Hôpitaux de Paris, et entrera plus tard dans la Résistance. Son épouse, le Dr. Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé est la fondatrice du Planning familial.
Dans la descendance très étendue d'Emmanuel et Adèle Weill, nombreuses sont les alliances avec des membres en vue de la bourgeoisie juive (dont les familles du capitaine Dreyfus, des rabbins Zadoc Kahn et Simon Debré...). Mais malgré leurs souhaits, la tradition rabbinique ne se perpétuera chez aucun de leurs descendants (plus d'une centaine à la fin du 20ème siècle) au-delà de la génération de leur fils Julien.

Décédé le 5 avril 1925 à Paris , Emmanuel Weill sera inhumé au cimetière Montparnasse après la célébration d'un service funèbre à la synagogue de la rue Buffault.

SOURCE : Dictionnaire biographique des rabbins et autres ministres du culte israélite , J-Ph. Chaumont et M. Lévy (éds.), Berg International, 2008.


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