Mon lexique judeo-alsacien


de ROSH HASHANA à YOM KIPOUR

Rosh Hashana



FETTE KLOPFE
Dans la période des seli'hes (seli'hoth) qui précèdent Rosh HaShana et Kippour, la tradition prescrit de confesser ses fautes, c'est-à-dire, en suivant le rituel, de réciter le Vidouy confession) en se battant la coulpe à chaque terme.


ER HOT S'KLOPFE ON S'BLOSSE
"Blosse " (de l'allemand blasen) = souffler. En cette saison, il s'agit essentiellement de "Schaufer Blosse", "souffler" dans un "Schaufer" c'est-à-dire sonner du shofar. Cette tâche étant dévolue au "Bal tokéye", le sonneur de shofar qui émet les sonneries qu'en hébreu on appelle tekiya (pluriel : tekiyoth).

A l’origine cette expression s’appliquait probablement au bedeau qui, avec son marteau de bois, parcourait la "Yeddegass" ( = la rue des Juifs) et frappait aux portes pour réveiller les fidèles et les appeler aux offices des sli’hess qui commençaient tôt matin ; il avait parfois l’insigne honneur d’être bal tokéye et de pouvoir sonner le shofar.

On retrouve ces deux termes dans une expression savoureuse - comme sont savoureuses la plupart des formules judéo-alsaciennes :

"Er hot s'klopfe on s'blosse" = littéralement : "Il a le frapper et le souffler". Habituellement, il y a dans chaque synagogue un officiant qui dirige l'office et, entre autres, les textes pendant lesquels les fidèles se frappent la poitrine dans le cadre du Vidouy; et une autre personne a la responsabilité de "Schaufer Blosse". Si quelqu'un a la charge de "souffler" et de "frapper", c'est qu'il a - ou qu'il prend - tous les honneurs.

Cette expression peut s'appliquer, tout au long de l'année, à toute personne qui cumule emplois, titres ou honneurs.


EU GEUTI SIMME TAOVE
Les voeux traditionnels que l'on échange à l'occasion du nouvel-an consistent à souhaiter d'être inscrits dans le Livre de la Vie - et que cette inscription soit confirmée et scellée le jour de Kipour (en hébreu : "Ketiva ve-hatima tova = littéralement "une bonne inscription et une bonne confirmation").

Pour simplifier les choses, le judeo-alsacien supprime le mot Ketiva. ("Ksive"en prononciation alsacienne) et le remplace, sans souci du pléonasme, par "E geuti" = "une bonne" "'hatima tova", qui devient avec la prononciation locale "'Hassime" ou, plus court encore, "Simme".

"Eu geuti Simme taoffe" = "Ketiva ve-'hatima tova".
Et qu'au cours de l'année qui vient, vous n'ayez aucun "Dayyess" !


GASSERE
On peut s’interroger sur l’origine du mot gassere, bien que sa signification soit parfaitement claire.

Louis UHRY écrit simplement (page 27) : "Gassere (D) souhaiter la bonne année ; participe passé : gegassert (forme germanisée). Et son dérivé : Gasserbrief (DG) lettre de souhaits de bonne année".

Emmanuel WEILL, page 13, n° 118 écrit, par contre :
gazere = souhaiter la bonne année, moyennant la décision favorable de la justice divine (en indiquant que ce terme peut provenir de la racine hébraïque G-Z-R, sur le même modèle que gazle et ses dérivés g'zélo, gazlen, qui viennent de la racine héébraïque G-Z-L).
A Gazer Brief = une lettre contenant les souhaits traditionnels de bonne année.

Ce lien établi par Emmanuel Weill entre le mot gassere et la guezèra que nous attendons de la justice divine au moment de Roch haChana et de Yom Kippour fait apparaître de façon pittoresque la conscience aiguë qu’avaient les Juifs alsaciens du caractère redoutable de ces deux fêtes pendant lesquelles Dieu décide de ce que sera l’année qui vient pour chacune de ses créatures.


BEI DEM WORE DIE FESCH FETT

"Grâce à lui, les poissons seront bien engraissés". Cette formule évoque la cérémonie de Tachli’h au cours de laquelle on jette symboliquement dans un cours d’eau, les péchés commis au cours de l’année écoulée (cf. Michée 7: 8 :  " …Tu jetteras – (Tachli’h) dans les profondeurs de la mer tous leurs péchés … ".
Ainsi, par cette expression, on vise un homme dont on considère qu’il a une telle cargaison de péchés dont il veut se débarrasser au cours de la cérémonie de Tachli’h qu’il y a de quoi engraisser tous les poissons de la mer.


Yom Kipour


DAS ESS A’N ÄCHTI EREF YOM-KIPPER  SUPPE
"C’est un potage digne de la veille de Kippour ". La veille de Kippour, en vue du long jeûne du lendemain, on préparait un bouillon spécialement nourrissant. On utilise par conséquent cette expression, toute l’année, pour qualifier un bouillon de poulet particulièrement riche (le poulet était jadis un aliment réservé aux circonstances exceptionnelles).


DCHUWE (de l'hébreu : TESHOUVA = réponse)
On trouve ce terme dans plusieurs locutions courantes :

'ELIEU NOFE'
En cette saison, pendant les dix jours dits de pénitence, les rabbins -alsaciens comme les autres- invitent leurs fidèles à faire Teshouva. Dans ce contexte, le mot signifie : repentir, retour vers Dieu, retrouver le chemin de la pratique religieuse.

J'ai souvent entendu le Grand Rabbin Max Gugenheim dire, au sortir de la synagogue : "J'ai reçu une lettre de 'Elieu Nofe'" - 'Elieu Nofe', de hébreu Eliahou Ha-Navi = le prophète Elie).
Immanquablement ses interlocuteurs lui demandaient : "Was schreibt er ?" ("Qu'est ce qu'il écrit ? Qu'est ce qu'il veut ?").
Et il répondait : "Er wart off Dchuwe". Ce qu'il fallait comprendre dans les deux sens :
- Il attend une réponse à sa lettre,
mais surtout :
- Il attend que nous fassions Teshouva.

NÎLE


YETW GEHT'S BÂLTZE NÎLE
La longue journée de Kippour ("der lange Dâ", en allemand : der langer Tag) s'achève par l'office de Neila (en judéo-alsacien, ce terme se prononce "Nîle". Quand commence cet office, on sent que la fin du jeûne est proche.

"Yetzt geht's bâl tze Nîle". Corrigez le bâl en bald allemand (= bientôt ), et vous aurez compris que cette expression peut être utilisée tout au long de l'année pour dire que les meilleures choses ont une fin.

Quand, à la fin des vacances, il faut confirmer le billet d'avion pour le vol du retour, on peut dire, quelle que soit la saison : "Yetzt geht's bâl tze Nîle".


HAWDOLE
Le langage des Juifs alsaciens était toujours imprégné de références à la vie religieuse. Ainsi Emmanuel Weil (Le Yiddich alsacien-lorrain) rappelle-t-il que "Hawdole" (de l'hébreu Havdala) désigne la cérémonie pratiquée à l'issue des Shabath et des jours de fête pour marquer la séparation des jours sacrés d'avec les jours ouvrables. "Hawdole Mache" (composé de l'hébreu Havdala et de l'allemand Machen) est une expression qui désigne l'accomplissement de la cérémonie de Hawdole.

YAUMTOV
Il rappelle aussi que "Yaumtov" ou "Yontef" (de l'hébreu Yom Tov) désigne un jour de fête (littéralement = un bon jour). On ne pense jamais à l'espèce de pléonasme que constitue l'expression "Geut Yontef "qu'il faudrait traduire, si l'on était puriste, par un souhait de « bon bon-jour » !

Et il rapporte (nous le mentionnons ici parce que la démarche est analogue à celle de "Es geht bâl tze Nîle") qu'on pouvait être amené à "Hawdole Mache" indépendamment de toute fête religieuse.

C'est ce qu'on conseillait de faire à un mari dont l'épouse, qui, étant partie seule, s'apprêtait à rentrer des vacances ou des eaux (cela se pratiquait en 1921 !), et, s'il faisait mine de n'avoir pas compris, on lui expliquait que : "Sa Yontef hot an End", "son bon temps touchait à sa fin".
Emmanuel Weil précise que, évidemment, on n'utilisait cette formule que quand l'épouse était "une méchante femme" (sic). On ne trouvera sans doute aucune trace de machisme dans le judaïsme alsacien ! ! !


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