Le Sholom Zokhor - le salut au garçon
Une tradition en voie de disparition
par Daniel Warschawski



Plateau "de luxe" pour le Sholom Zokhor, tel qu'il est pratiqué
dans les communautés juives orthodoxes en Israël au 21ème siècle.
"On a l'habitude de faire une légère collation le vendredi soir après la naissance d'un fils" - Rav Moché Iserlich, connu comme le Rema, décisionnaire ashkénaze du seizième siècle, Yoré Déa 265, 12.

En plus des cérémonies de la circoncision et du rachat du premier né qui sont obligatoires selon la Torah, il existe une tradition que l'on n'applique presque plus : celle du Shalom Zakhar (Sholom Zokhor selon la prononciation ashkénaze). Je voudrais rendre justice à cette cérémonie par cette brève étude

Définition de cette tradition

Lors de la naissance d'un garçon, les ashkénazim ont l'habitude d'inviter les membres de la communauté le vendredi soir précédant la circoncision à une légère collation appelée Sholom Zokhor. A cette occasion, on offre des fruits secs (pois chiches) et des sucreries.

Dans l'ouvrage נוהג כצאן יוסף (Noheg ketson Yossef - Joseph ben Moché Kashman), l'auteur nous précise qu'à Francfort-sur-le-Main on n'invite personne mais on annonce à haute voix à la synagogue, après le Kadish (prière des morts) suivant la récitation de la Michna "Bamei Madlikim" (traité Shabath chapitre 2) qu'il y a une cérémonie de Sholom Zokhor chez telle famille.

Selon une autre tradition rapportée par l'auteur du ערך שולחן (Aroukh Hashoul'han - Rav Yehiel Michal Halevi Epstein, 1829-1908), la cérémonie a lieu le samedi matin et l'on n'offre rien à manger pour ne pas engager de dépenses inutiles à la famille.

1. Sources talmudiques de cette tradition

L'énigme du ישועת הבן
La tradition du Sholom Zokhor a des racines dans le Talmud de Babylone. Dans les traités de Baba Kama (141a) et de Baba Batra (80b) il est question d'une cérémonie appelée ישועת הבן (Yeshouath haben - "La délivrance du fils"). S'agit-il d'une cérémonie connue (circoncision ou rachat du premier né) ou d'une cérémonie autonome ? Les commentateurs sont partagés sur la question. Nous avons quatre réponses :
- pour Rachi (Troyes, 1040-1105), il s'agit de la circoncision ;
- pour Menahem Hameiri (Provence, 1249-1306), il s'agit du rachat du premier né ;
- pour Le livre des traditions (Isaac Eizik Tirena, Autriche, treizième siècle), il s'agit d'un repas à la veille de la circoncision ;
- pour Rabenou Hananel (965-1055, maître du Rif) et le Trumath Hadeshen (Israel Iserlein, 1390-1460), il s'agit d'un repas pour célébrer le fait que l'enfant s'est échappé sans encombre des entrailles de sa mère.


Le code secret pour annoncer un heureux événement
Dans le Talmud de Babylone (Sanhedrîn 32b), il est écrit qu'à l'époque où les juifs étaient poursuivis pour le seul fait de vouloir accomplir les mitsvoth (commandement de la Torah), ils se parlaient en code. Et le Talmud donne un exemple : "Dans un endroit appelé Bruni, si l'on annonçait à haute voix "la fête du fils, la fête du fils!", cela voulait dire en code qu'il y avait une circoncision". Nahmanide (Espagne 1194 - Israël 1270) dit que le doublement du cri "fête du fils" signifie fête d'un fils ou d'une fille, ce qui reviendrait à dire qu'il ne s'agit pas de la circoncision mais d'une cérémonie indépendante : le Sholom Zokhor.


Pourquoi la cérémonie s'appelle-t-elle Sholom Zokhor ?
Pour le Brith Efraim (se basant sur le Rav Chlomo Zalman Auerbah, 1911-1995), la cérémonie s'appelle "Sholom Zokhor" ["paix (au) garçon"] et non "Seoudath Zokhor" ["repas (pour le) garçon"] car il est écrit "la naissance d'un garçon apporte la paix au monde". Et bien que le nouveau-né ne soit pas encore circoncis, il a sa place à la table du Shabath (à l'inverse du non-juif).

2. Raisons de cette tradition
Plusieurs raisons ont été données pour justifier la tradition du Sholom Zokhor :

3. Pourquoi le Shabath ?

4. La cérémonie
On a l'habitude de réciter le texte de la bénédiction du patriarche Jacob à ses enfants "...המלאך הגועל אותי" [Hamalakh hagoël](1). Puis on ajoute la bénédiction des prêtres. Rav Yossef Chalom Eliaschiv (1910-2012) (article "Les huit jours précédant la circoncision") écrit que le Rav Israel Yaacov Kaniewski (1899-1985) avait l'habitude de réciter le Chema auprès du nouveau-né durant le Sholom Zokhor.

5. Le repas
La collation se fait après le repas de la veille du Shabath (vendredi soir). On mange des fruits secs (des pois chiches) et des sucreries (voir Responsa du Yavetz (Yaacov Emden 1698-1776) et du Havoté Yair (Yair Haim Bachrah 1639-1702). Selon d'autres auteurs, on mange des pommes, des pois, des noix et des amandes.

Note :

  1. "Que l'ange qui m'a délivré de tout mal, bénisse ces jeunes gens! Puisse-t-il perpétuer mon nom et le nom de mes pères Abraham et Isaac ! Puisse-t-il multiplier à l'infini au milieu de la contrée" (Genèse 48:16).
    Ce verset, auquel on accorde de nombreuses vertus protectrices, est récité tous les soirs par les enfants avant d'aller dormir (n.d.l.r.).

 

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