Les Juifs après la Révolution :
l’intégration progressive dans la société française
L’émigration, facteur de réussite


Michel Goudchaux
Plusieurs paramètres vont modifier la vie quotidienne de nombreux Juifs au XIXe siècle. Le droit de s’établir où bon leur semble va créer un afflux migratoire vers les villes et les régions autrefois interdites : d’une part les petites communautés rurales vont se dépeupler, surtout après 1850, au profit de centres tels que Metz, Nancy, Lunéville, Sarreguemines, Sarrebourg, Forbach, Thionville, d’autre part, la croissance démographique et la stagnation économique vont pousser des familles entières vers Lille, Dijon, Lyon, Marseille et surtout Paris ; certains partent pour la Louisiane, la Californie et même le Brésil.

De nombreuses réussites individuelles sont à citer dans la banque, l’industrie, le commerce, l’édition, les sciences et les arts, parmi lesquelles les banques Lazard, Weill, Worms, Fould, les maîtres de forges Dupont et Dreyfuss, les éditeurs Calmann et Lévy, Fernand Nathan, Félix Alcan, etc.

Des carrières militaires

La conscription et les guerres de la Révolution et de l’Empire contribuent à l’intégration des Juifs dans la société française ; elles permettent à certains d’accéder à des carrières militaires qui leur étaient autrefois interdites ; les grades de sous-officiers et d’officiers leur sont désormais accessibles : Gabriel Brisac de Lunéville devient général en 1876, et Abraham Isaac de Nancy en 1877.

La réussite scolaire

L’accès à tous les établissements scolaires et aux grandes écoles conduira les plus brillants aux carrières de la fonction publique et aux grands corps de l’état. On peut citer de nombreux savants, ainsi le géologue Olry Terquem, le mathématicien Georges Halphen, le physicien Alfred Terquem, le grammairien Michel Bréal et le philosophe Adolphe Franck tous deux professeurs au Collège de France, etc.

L’entrée dans la politique

Les carrières politiques s’ouvrent également aux Juifs : sous Napoléon Ier, le maire du village de Donnelay est juif, de même certains conseillers municipaux à Nancy et Thionville ; Michel Alcan natif de Donnelay siège à la Constituante en 1848, le Dr Edouard Bamberger est député de la Moselle en 1871, Michel Goudchaux, natif de Nancy, est ministre des Finances en 1848, et enfin Achille Fould, ministre des Finances de Napoléon III.

Documents
  1. Bernard Lipman
    Bernard Lipman de Pontpierre et son épouse Fromette Lévy : de la campagne à la ville, les ancêtres de Fernand Nathan
  2. Bernard LIPMAN, né vers 1738 à Bouxwiller, est fils de Lipman RAPHAËL, banquier et fournisseur de la cour seigneuriale du Comte de Hanau-Lichtenberg à Bouxwiller (Bas-Rhin). Ses frères aînés Abraham et Isaac restent en Alsace : Abraham est financier à la cour des princes de Hesse-Darmstadt et Isaac maître de forges à Tieffenbach, mais les affaires de la famille vont mal au point qu'Abraham liquide tous ses biens en 1772 pour payer ses dettes et doit même être exonéré d'impôts en 1789 car il est insolvable.

    Bernard LIPMAN s'établit en Lorraine et se marie en 1766 avec Fromette LEVY de Créhange ; négociant pratiquant le colportage, il figure sur le rôle de 1776 comme le plus riche des Juifs de Pontpierre (fortune estimée à 14000 livres). Le couple et leurs neuf enfants s'installent à Metz en 1792 ; Fromette y décède en 1806.

    Leur fils aîné Lipman dit Bernard est marchand de houille, leur petit-fils Benjamin LIPMAN est grand rabbin de Metz (1863 à 1872) puis de Lille (1872 à 1886). Un autre fils, Isidore LIPMAN (1788-1864) est bijoutier à Paris ; sa fille Laure épouse le marchand de chevaux Charles CAHEN dit NATHAN : ce sont les parents du célèbre éditeur Fernand NATHAN (1858-1947)

    Reproductions couleur des portraits originaux peints à l'huile, datés d'environ 1790 ; collection privée.
    Archives Départementales de la Moselle, J 7194 (copies des originaux)

  3. Simon Bonne et Sarah Nathan, émigrés à Paris ; l'ascension sociale : du colporteur au professeur d'université
  4. Emigré de la première heure, natif de Metz et fixé à Paris dès 1780, Simon BONNE y épouse en 1786 Sarah NATHAN, native d'Aschaffenburg (cité allemande à l'est de Darmstadt, Hesse) ; ils sont recensés en 1809 avec leurs cinq enfants rue Sainte Croix de la Bretonnerie, le père est marchand colporteur, l'un des fils est apprenti bijoutier.

    Leur fille Julie épouse Mayer PICARD, négociant en bijouterie natif de Metz et établi à Paris. La fille de ces derniers, Laure PICARD, épouse Lyon Jacob CAEN, tailleur ; ce sont les parents de Léon LYON-CAEN, avocat, et de Charles LYON-CAEN, professeur à la Faculté de Droit de Nancy puis doyen de la Faculté de Droit de Paris.

    Portraits ; copies des originaux fournie par M. Bernard Lyon-Caen.
    Archives Départementales de la Moselle, J 7194


    Sarah Nathan
     
    Simon Bonne

  5. Olry Terquem, pharmacien et géologue (1797-1887) ; une famille d'universitaires

  6. Olry Terquem
    Elève du lycée de Metz puis de l'école de pharmacie de Paris, Olry TERQUEM exploite une pharmacie à Metz rue des Jardins, enseigne la chimie et mène des recherches en géologie, science dont il devient un spécialiste de renommée internationale.

    Olry TERQUEM est neveu du mathématicien homonyme Olry TERQUEM, beau-père du médecin et député de la Moselle Edouard BAMBERGER, père du physicien Alfred TERQUEM professeur aux Facultés de Sciences de Lille et de Marseille, grand-père de l'avocat et maire de Dunkerque Henri TERQUEM, cousin de Paul TERQUEM, professeur d'hydrographie à l'Ecole de la Marine à Dunkerque.

    Photographie ; collection privée de M. B. Lyon-Caen.
    Archives Départementales de la Moselle, J 7194 (copies des originaux)

  7. Michel Goudchaux (1797-1862), ministre des Finances en 1848
  8. Michel GOUDCHAUX, né à Nancy, est issu d'une famille de notables depuis plusieurs générations : son père Garçon (ou Gerson), banquier à Nancy, a épousé la fille de Beer ISAAC-BERR, un grand notable nancéen, ses oncles Cerf et Lion sont banquiers à Metz, le grand-père Jacob est banquier à Metz ; le frère de ce dernier, Goudchaux, lui aussi banquier, est député des Juifs de Metz en 1789 ; quant à l'arrière-grand-père Mayer Goudchaux CAHEN-SILNY, il est marchand de bijoux et l'un des dirigeants (syndic) de la communauté juive de Metz.

    A la tête de la filiale parisienne de la banque familiale, Michel GOUDCHAUX se lance dans la politique et devient Conseiller Général de la Seine ; élu député républicain en 1848, il occupe les fonctions de ministre des Finances de juin à octobre 1848, et de vice-président de l'Assemblée en 1849 ; opposé à Napoléon III, il se retire de la vie politique après 1857.

    Reproduction d'une estampe de la Bibliothèque Nationale ; cliché Bibliothèque Nationale.
    Archives Départementales de la Moselle, J 7194

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Photographies : © Luc Dufrène
© A . S . I . J . A . - Conseil général de la Moselle