Rolande Klein
- 2009

 

Rolande Klein nous a quittés
par Mireille Warschawski

Rolande Klein za"l en 2008

Rolande Klein nous a quittés. Ce n'est pas facile a accepter, elle était si proche de tant de personnes…. Et aucune n'a gardé un mauvais souvenir, je crois qu'elle ne s'est jamais disputée avec qui que ce soir….et pourtant elle avait ses idées et sa personnalité.

Elle est devenue religieuse … alors que son mari était non religieux. Elle était d'une famille qui ne reniait pas son appartenance au monde juif, et l'assumait.

Elle avait fait des études de jardinière d'enfants à Strasbourg et a su garder sa personnalité juive. Ses enfants fréquentaient les lycées d'Etat et revendiquaient leur appartenance au judaïsme.

Son mari, Thiennot, avait une forte personnalité non religieuse, et il acceptait les exigences de sa femme. Le couple est resté très uni.

Rolande est devenue la directrice du Jardin d'enfants de la communauté juive de Strasbourg, le Gan Chalom.

L'éducation juive donnée aux enfants était religieuse et tous les enfants de la communauté, même ceux qui appartenaient aux familles non laïques étaient éduquées au Gan Chalom; ce qui permettait la rencontre amicale de toute la jeunesse…..et de leurs parents.

Lorsque Rolande Klein a pris sa retraite, ne croyez pas qu'elle soit restée inactive. Elle s'est trouvé de nombreuses occupations dans le domaine communautaire et social. Sans oublier les promenades dans les Vosges. Son mari était décédé depuis des années. Elle n'a jamais manifestée sa tristesse qu'elle gardait au fond d'elle-même. Et elle a continué à vivre pour ses enfants dont la majorité demeurait en Israël…; et elle est devenue grand-mère et arrière grand-mère…

Et je viens d'apprendre que sur son lit d'hôpital, alors qu'elle était incapable de se lever et même de bouger, elle a encore organisé une réunion de l'association dans laquelle elle travaillait.  Que dire, je suis restée sans souffle.

Mon amie, qui était plus qu'une amie nous a quittés laissant derrière elle un grand vide….et elle  a été accompagnée par une communauté entière.

 

Hesped de Madame Rolande Klein (za”l)
par le Grand Rabbin René Gutman

"Va et fait entendre ceci aux oreilles des habitants de Jérusalem : ainsi a dit l’Eternel , je me suis souvenu de l’amour de ta jeunesse, de l’amour de tes fiançailles lorsque tu m’avais suivi dans le désert inculte et désolé" (Jérémie 2:2).
C’est ce passage du Moussaf de Rosh Hashana, en cette heure qui convoque bientôt l’homme comparé à l’arbre des champs à son nouvel an qui a retenti en moi en pensant à notre chère Rolande Klein, Madame Rolande, comme tant d’entre nous l’appelaient avec ce mélange à la fois de respect et d’affection.

Rolande Klein za"l avec les enfants du Gan Chalom en 1968
Photographie : © Etienne Klein

Car si quelqu’un pouvait encore se demander ce qu’était cette femme, et ce qu’elle avait fait pour mériter l’hommage qu’avec le Rabbin Claude Spingarn, nous lui rendons ici au nom de l’ensemble de notre Communauté, de ses institutions et de ses oeuvres, je lui répéterai ces quelques mots qui incarnent selon moi cette femme dont la la présence était tellement hors du commun comme son abnégation et son dévouement pour les autres, que tout était chez elle de l’ordre du 'hessed, de "de l’amour de ta jeunesse", d’une grâce toujours rajeunie, toujours renouvelée envers les enfants du Gan Chalom, comme envers les handicapés de l’APAJ, les malades, les personnes qu’elle visitait à l’occasion de leurs anniversaires, les Paniers du Coeur ou Lanoar Hadati, la Hevrah et les EIs, et tant d’autres oeuvres encore.

Oui ! Que tout était chez elle de l’ordre du 'hessed mais aussi du zekher, de l’ordre de: "Je me suis souvenu", de cette mémoire intacte qu’elle avait de chaque enfant du Gan Chalom, de cette Communauté avec laquelle, si j’ose m’exprimer ainsi, elle s’était littéralement fiancée : "l’amour de tes fiançailles" au point d’en être devenue à elle seule l’âme.

N’est ce pas ainsi que durant toute sa vie, avec sa grand-mère qu’elle accompagna alors plus que centenaire en Israël, avec son mari Tiennot, sur lequel elle avait tant veillé, avec sa mère Suzanne Singer qu’elle avait soignée et soutenue jusqu’au bout d’une si longue vie, n’est-ce pas ainsi qu’elle aima également, je n’ose pas dire plus, notre Communauté en y croyant ardemment avec la passion qu’on lui connaissait. En luttant pour elle avec pour seule arme son grand coeur plein d’amour et de emounath Hashem.

Oui, comme lui convient ce verset : "Je me suis souvenu de l’amour de ta jeunesse..."
Mais son ultime combat fut sans doute pour ce Gan Chalom qu’elle avait eu à coeur de sauver et dont l’engagement fut sans doute pour beaucoup dans son maintien dans nos murs... Convaincue une nouvelle fois qu’avec ce grand coeur plein d’amour et qui n’avait pas pris d’âge, et de emounah, elle aurait la force de déplacer des montagnes !

Si proche de Mireille Warschawski, comme Tiennot l’était de Max Warschawski (za"l), elle avait ce sens innée du kavod pour autrui dont elle ressentait, dont elle comprenait naturellement les souffrances, les accablements, les dénuements, les détresses, les renoncements et les abandons.

Sans doute, chers enfants, vous qui l’avaient tant entourée et qui avaient tant veillé sur elle depuis sa maladie, sans doute à vos yeux, la mort s’est hâtée pour vous la ravir. Mais un tel arôn, un tel cercueil n’est pas muet. En ce Shabath Shira où sa neshama s’est préparée à rejoindre les siens, son âme s’est élevée avec la shira, le cantique de sa vie. C’est le cantique de son courage au heures noires de l’histoire : "Lorsque tu m’avais suivi dans le désert inculte et désolé...". C’est le cantique de son espérance, c’est le cantique de son amour pour Israël, pour le peuple juif, pour la Communauté, et pour le genre humain tout entier.

La Communauté et le Consistoire qui lui ont décerné il y a quelques années déjà un titre de reconnaissance pour les services exceptionnnels qu’elle avait rendus, et l’Etat d’Israël qui remit au Gan Chalom un prix prestigieux, qu’elle eut l’insigne honneur de recevoir des mainsdu Président Hertzog, le savaient.

Sans doute ! Le Saint Béni Soit-Il a-t-il eu besoin de ce cantique-là, de cette shira là, de cette conscience de celle qui fut assurément l’âme de cette Communauté.
"Et Myriam la prophétesse, soeur d’Aaron prit en mains un tambourin et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des instruments de danse" (Exode 15:20).
Rolande Klein ! Ce ne sont pas seulement les femmes de la Communauté qui vont tout à l’heure vous suivre jusqu’à votre kéver, mais ce sont tous les enfants du Gan Chalom, filles et garcons, tous ces petits que vous avez accueillis depuis tant de décennies.
Les voilà tous convoqués ! Voyez les Ecureuils, Les Poussins, les Pigeons, les Colombes et les Cerfs... Voyez les se rassembler autour de vous. Ils chantent tous comme ferait une mère qui berce ses enfants. La femme vaillante que vous avez été pour votre famille et votre Communauté.
Tous invisibles avec leurs tambourins et leurs instruments de danse dans lesquels ils célébraient sous vos yeux attendris, depuis tant d’années, les fêtes du gan...
Ils viennent vous entourer et honorer celle que nous avons eue la zekhiha d’aimer et de connaître et de voir vivre autour de nous dans tout son dévouement, dans toute sa douceur, dans tout son sacrifice et dans toute sa majesté !

Que son souvenir soit une bénédiction !

 

A Rolande Klein
par le Rabbin Spingarn

Chers enfants,
Marc-Henri, Annette, Nadine, Philippe, Laurence
Cher Monsieur SINGER,
Chers Loup et Colette,

Vous êtes petite de taille. Mais vous êtes une grande dame.
Vous disparaissez à quelques heures près de la date Yahrzeit d’une autre grande dame que vous avez estimée : Liliane ACKERMANN.

Lorsque je ferme un instant les yeux, je vous devine, je vous vois, chère Rolande, dans le Centre Communautaire.
Légèrement voûtée, votre béret sur la tête, marchant d’un pas énergique, rapide.
Mais vous vous arrêtez au bout de quelques mètres.
"Bonjour les enfants ; bonjour Madame Rolande". 

Et déjà, à travers ces visages de bambins, tant aimés, vous reconnaissez les traits d’un grand-père, d’une grand-mère, que vous avez peut-être côtoyé ou accueilli dans ces mêmes lieux.
Puis, souvent, vous frappiez à la porte de mon bureau.
Parlant du Gan, de la Communauté, de ces parents qui se démarquent par leur laisser-aller, la fuite devant leur responsabilité.
Et que dire de votre sourire plein de pudeur ! De vos rires dont j’ai profité pendant 23 ans.

Faut-il à nouveau parler de l’APAJ aux côtés de Loup et Colette, du Gan ; des Paniers du Cœur, avec Nicole ; des visites aux personnes âgées avec Sara GUTMAN et Evelyne WILDENSTEIN, de Lanoar Hadati avec DITA VALFER de la ‘Hevra Kadisha et j’en oublie tant.
Mais plus que citer les institutions pour lesquelles vous avez œuvrée, il faut dire ici la manière dont vous vous êtes impliquée !

Par exemple, j’ai appris ce matin que lorsque vous étiez au Centre Paul Strauss, en oncologie, vous avez tenu à réunir bénévoles et animateurs afin de préparer les futurs travaux manuels pour les résidents de l’APAJ.
Mais votre enfant chéri est le Gan.
Ce Gan pour lequel vous avez été engagé à l’origine pour quelques mois !
Aux côtés de votre mari, Tiennot, de Max et Mireille, comme vous les appeliez, toujours Loup et Colette, et à présent Nadine…..

Cette semaine, sur votre lit à la Clinique de la Toussaint, vous m’avez demandé de prendre la parole pour dire les "derniers mots", selon votre expression.
Lorsque je vous ai alors demandé s’il y avait un message à transmettre, vous m’avez répondu positivement.
Vous vouliez remercier, par mon intermédiaire, toutes les personnes de notre Communauté.
Les remercier pour ce qu’elles vous ont donné.

Quel paradoxe !

Vous qui avez tant donné, et qui continuerez à donner, c’est vous qui tenez à nous dire "merci" !
Grâce à vous, une nouvelle fois, j’ai compris une leçon essentielle de la vie.
Vous m’avez souligné, peut-être sans le savoir, un point essentiel de la "Hakarath HaTov", de la reconnaissance, de la gratitude.
Cette leçon tant importante pour le judaïsme, est déduite de l’attitude de Moshé Rabeinou, Moïse, notre Maître.
En effet, lors des premières plaies d’Egypte, Moshé refuse de frapper le Nil alors qu’il fallait le transformer en sang, ni de toucher le sable afin d’en faire de la vermine.
Le Midrash nous enseigne que c’est parce que Moshé a trouvé refuge, peu après sa naissance au bord de ce fleuve, qu’il ne pouvait en faire un objet d’horreur.
De même pour le sable !
Pourquoi cette leçon est déduite de l’attitude de Moshé, notre Maître par excellence. Ne pouvait-on l’apprendre de quelqu’un d’autre ?
Pourquoi est-ce celui qui a le plus de savoir dans la Torah, qui se distingue par le plus de modestie ?
Doit on alors se poser cette question : d’où jaillit cette perception du devoir ?
Acquiert-on un sentiment de reconnaissance parce que l’on a beaucoup reçu de la vie ?
Peut-être, est-ce le contraire ?
L’on donne, parce que de prime abord, on a un sentiment de gratitude envers les autres.
Vous avez donné et vous tenez pourtant à dire "merci".

N’est-ce pas cela, la leçon d’un de nos Maîtres, Rav DESSLER : ce n’est pas parce que l’on aime que l’on donne. Mais c’est parce que l’on donne que l’on finit par aimer.

Le deuxième point que j’aimerai souligner ici, c’est la manière dont vous nous avez quitté.De façon paisible et sereine.

Dans certaines de nos conversations plus intimes, nous avons parlé de la mort.
Vous n’aviez pas peur de la mort.
Vous aviez le sentiment du devoir accompli et d’être allée au bout de ce que vous deviez donner.
Et j’ai compris que pour certains, ce n’est pas la mort qui fait peur, contrairement au sentiment partagé par notre jeune génération, mais c’est la vie que nous devons craindre.
C’est le sérieux de la vie qui doit nous interpeller, ou plutôt nous responsabiliser.

Merci de ces leçons essentielles.

Rolande !

Puisque vous avez toujours aimé étudier, permettez-moi de vous dire un mot de Torah.
A la fin de notre Sidra prochaine, à la suite du Décalogue, après que D’ se soit adressé à son peuple, il est dit :

"Ne m’associez aucune divinité ; des dieux d’argent et des dieux d’or, n’en faites point pour votre usage ; tu feras pour Moi un autel de terre…" (Exode 20:23).
Parole d’un Maître hassidique :
Pour atteindre D’, pour atteindre autrui, nul besoin d’argent ni d’or.
Il suffit simplement de faire de sa vie un autel de terre, en d’autres termes, d’être authentique avec soi-même et profondément humain.

Au moment où vous achevez votre Sefer Ha'Haïm, le livre de votre vie, c’est cette image que nous tous, ici et en Israël, enfants, frère, petits-enfants, arrières petits-enfants, proches et amis, nous garderons de vous, chère Rolande,
Vous nous manquerez !


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