Précisions au sujet du décès de Léo Cohn
par Michel Lévy


Je reprends ici des éléments qui ont été communiqués par monsieur Elie Sommer, et y ajoute ce j'ai pu glaner sur Internet sur différents sites, et qui donnent un éclairage peut-être plus précis de la fin du calvaire de Léo Cohn הי"ד.

A la fin de sa biographie de Léo Cohn, Frédéric Hammel (Chameau) cite le témoignage de l'un de ses compagnons de déportation, Robert Weil : "C'était surtout Léo que je surveillais. Il était devenu très maigre et comme nous risquions d'être "sélectionnés", ce qui, à Birkenau, voulait dire gazés, je m'inquiétais fort pour lui.
(...)
En se rendant à la convocation, Léo fut pris dans la Lagerstrasse, dans une rafle, dont le but était de dépister les Haeftlinge qui désertaient le travail et se réfugiaient dans les blocs vides. Il eut beau expliquer aux S.S. qu'il était convoqué comme musicien à l'Orchesterstube ils ne le crurent pas et l'embarquèrent, avec tous ceux qu'ils avaient attrapés, dans un convoi pour les mines de sel de Silésie..."
Et F. Hammel d'ajouter : "Il se peut que le dernier renseignement concernant l'envoi de Léo dans les mines de sel soit erroné. Le certificat de décès que possède Rachel mentionne le camp du Stutthof non loin de Dantzig."
Or, d'après des documents qui nous ont été communiqués par M. Elie Sommer, ce n'est pas au camp du Stutthof au nord de la Pologne que Léo Cohn aurait trouvé la mort, mais bien au camp du Struthof (presque synonyme) près de Strasbourg :

Canton de
MONTREDON-LABESSONNIE

A C T E de D E C E S

L'an mil neuf cent quarant quatre, le 28 décembre, est décédé à Natzwiller,
Bas Rhin, COHN Léo, né le 15 octobre 1913 à Lubeck, Allemagne, domicilié
en dernier lieu à Labessonnié, Tarn, lieu dit La Caroussinié, fils de
COHN Wihelm et de CARLEBACH Miriam, époux de SCHLOSS Rahel, Bringfriède.

Le présent acte a été dressé par Nous, Officier de l'Etat Civil au Ministère des
Anciens Combattants et Victimes de Guerre, à Paris, le 13 février 1947,
conformément aux dispositions de l'Ordonnance n°452561 du 30 octobre 1945 (art. 3)
inséré au Journal Officiel du 31 octobre 1945 sur la base des éléments d'information
figurant au dossier du de cujus, qui nous a été présenté ce même jour.

Les faits montrent qu'en fait les noms de Stutthof et du Struthof vont bien intervenir dans ce récit, mais masquent l'essentiel.
Léo Cohn, arrêté à Toulouse le 16 mai 1944 fut transféré à Drancy, puis par le convoi 77 du 31 juillet 1944 de Drancy à Auschwitz.

Revenons donc au témoignage de Robert Weil. Léo Cohn fut embarqué "dans un convoi pour les mines de sel de Silésie... ".
Il fut embarqué dans un convoi pour le camp de Stutthof, (http://fr.wikipedia.org/wiki/Camp_du_Stutthof ) situé à 35 km de Danzig, au nord de la Pologne. Les documents retrouvés à Auschwitz et consultables entre-autre sur le site de Jewishgen, (http://www.jewishgen.org/)  indiquent que le convoi a quitté Auschwitz le 26 octobre 1944.
Dans la banque de données du camp de Stutthof, consultée sur JewishGen, (http://data.jewishgen.org/wconnect/wc.dll?jg~jgsearch~model2~[stutthof]stutthof)  apparaît :

COHN Léo 15/10/13 Frankfurt/M Auschwitz/Stutthof


La fiche de Léo Cohn, telle qu'elle apparaît sur le site internet du camp du Struthof

 

Francfort sur le Main serait son dernier lieu de résidence en Allemagne, où il effectuait un stage commercial selon la biographie de Chameau. Le nom et la date de naissance sont suffisants pour conclure que nous parlons du même homme.
Quand, comment, et où  est-il ensuite transféré ? Cela reste imprécis.
Il semble que ce soit en novembre 1944 par un convoi vers Stuttgart.
Ce qu'on peut savoir nous l'apprenons sur le site suivant :

http://www.filderstadt.de/servlet/PB/menu/1373474_l1/index.html Das KZ Außenlager Echterdingen-Bernhausen
Von November 1944 bis Januar 1945 befand sich auf dem Stuttgarter Flughafen eines der rund 54 Außenlager des KZ Natzweiler in Südwestdeutschland. Zu Ausbesserungsarbeiten der Bombenschäden an der Start- und Landebahn sowie zum Bau einer Verbindungsbahn zwischen Flughafen und Autobahn wurden von der Organisation Todt 600 Arbeitskräfte angefordert. Die SS schickte 600 jüdische Häftlinge aus dem KZ Stutthof bei Danzig, ein Großteil von ihnen war zuvor im KZ Auschwitz gewesen.
Entre novembre 44 et janvier 45 se trouvait sur le terrain de l'aéroport de Stuttgart un des 54 sous-camps de Natzwiler où l'organisation Todt, pour construire un lien ferroviaire entre l'autoroute et l'aéroport, a demandé 600 travailleurs. Les SS on envoyé 600 déportés juifs du camp de concentration de Stutthof, près de Danzig, dont une grande partie avait été précédemment à Auschwitz.

Ce camp, sur l'aéroport de Stuttgart est le camp d'Echterdingen.
Les prisonniers, qui y sont morts d'épuisement et de maladie, ont été incinérés (les 19 premiers), puis enterrés dans une première fosse commune ( 66 d'entre eux ) et 34 autres victimes dans une deuxième fosse commune. Avec l'avancée des troupes alliées, les survivants ont poursuivi leur calvaire par une "marche de la mort" vers d'autres camps…
64 auraient survécu.
Les corps de la première fosse commune, retrouvée en 1945 sont ceux qui ont été inhumés  au Ebershaldenfriedhofs à Esslingen

Die Häftlinge des KZ Echterdingen letzte Ruhestätte: jüdischer Teil des Ebershaldenfriedhofs in Esslingen. La dernière sépulture des internés est au carré juif du cimetière Ebershaldenfriedhofs à Esslingen

Sur la liste (http://www.filderstadt.de/,Lde/start/bildung/Gedenkstaette+KZ+Aussenlager.html ) des déportés internés à Echterdingen on trouve en page 4 le nom de Léo Cohn sous le titre : Personnes qui ont vraisemblablement trouvé leur dernier repos dans la fosse commune de l'aéroport.

Lors de travaux effectués sur l'aéroport par les troupes américaines en 2005, la deuxième fosse commune fut retrouvée. Les 34 corps ont été ré-inhumés lors d'une cérémonie religieuse, en présence du Grand Rabbin Israel Meir Lau, le 15 décembre 2005. La communauté juive s'est oppose à tout processus de prélèvement d'ADN pour respecter la tradition du "droit du corps de reposer en paix".
http://www.jpost.com/Jewish-World/Jewish-News/Nazi-camp-victims-laid-to-rest

La fiche concernant Léo Cohn dans les archives du camp de Natzwiller/Struthof  s'y trouve pour la simple raison que ce camp administrait une soixantaine de sous-camp, dont celui de Echterdingen. En examinant cette fiche on peut constater :

  1. Que l'origine du déporté est le camp de Stutthof.
  2. Qu'il fait partie du sous-camp d'Echterdingen où il décède.
  3. La date de son décès : 28 décembre 1944.

Le certificat de décès établi en 1947 ne tient pas compte d'éléments découverts plus tard, et le déclare comme décédé au camp central de Natzwiller.

En 1991 Judith Bar-Chen, nièce de Léo Cohn (fille de son frère Haïm), publiait une biographie (en hébreu) de Léo Cohn. (Léo 1913-1945, éditions du Ministère de la Défense, Israel ISBN 965-05-0592-X).
Le livre cite de nombreux témoignages de ceux qui ont côtoyé Léo et ont travaillé avec lui aux Eclaireurs Israélites de France On y trouve également une série de lettres, envoyées par Rachel, sa femme, à son beau-frère Herman/Haim (le futur juge à la Cour Suprême Haim Cohn) ou des correspondances entre les frères.
(Les trois frères de Léo avaient rejoint Israël dès 1933).
Rachel a cherché bien sûr à avoir des nouvelles de son mari. Dans une lettre à son beau-frère Herman/Haïm elle cite un témoignage qu'elle a "reçu d'un camarade de Léo, qui était avec Léo jusque fin novembre 1944 et d'un autre qui était avec lui jusque fin janvier 1945 alors qu'il était en parfaite santé. Jusqu'en novembre il était à Stutthof à  20 km de Danzig". (Lettre du 5 juillet 1945, page 285-286.) Une autre lettre écrite par Shlomo (le frère cadet) à Haim ( 12.6.1945 – page 277) Shlomo raconte avoir passé a au kibboutz Deganiah ou il a rencontre des jeunes français qui ont entendu de plusieurs côtés, entre autre par Jean-Paul Nathan, rédacteur du bulletin des E.I.F, que Léo se trouverait dans la région de Francfort. Il fait part à son grand frère de ses doutes quant à une telle possibilité, préférant croire à une détention à Auschwitz d'où les nouvelles parviennent difficilement, alors que de Francfort Léo se serait manifesté….

Le témoignage de l'ami qui était avec lui jusque fin janvier 1945 est évidement troublant si l'on considére que la date de décès du 28 décembre 1944 portée sur le bordereau du camp est exacte. Je n'ai pas pu trouver d'explication et ne connais pas le nom de l'ami que Rachel ne cite pas dans sa lettre.

Pour ce qui est de la découverte des corps en 2005, j'en ai parlé avec Ruthy, la fille que Rachel a eue avec son deuxième mari, Marcus Cohn, et qui vit  à Kfar Etzion. Elle ne savait rien de cette découverte, et ne pensait pas que la famille ait été tenue au courant.

Monument érigé au sous-camp de Echterdingen - le nom de Léo Cohn figure parmi la liste des personnes inhumées
© Nikolaus Back

 

Qu'il repose en paix.

L'article de Jerusalem Post du 15/12/2005 :
Remains of 34 Jews who died at concentration camp receive Jewish burial.

Despite the pressure of German authorities, who wanted to test the skeletons of 34 recently discovered Holocaust victims, the bodies were laid to rest Thursday without any investigation. German officials had hoped to determine the identities of the victims, how they died and perhaps find those who killed them. According to German law, when Holocaust victims are discovered, the authorities have to take all necessary measures to track down the individuals involved in their deaths. Those measures include taking DNA samples and other scientific tests. But Orthodox Jews argued that the burial should take place where the skeletons were discovered, without DNA tests, so as not to violate the victims' right to rest in peace. "Because of this extraordinary legal, ethnic, and historic background, I think it is appropriate to move away from the opinion of the prosecution and take more into consideration all the relevant points of religious concern raised by Jewish organizations," said Ulrich Goll, justice minister for the province of Baden-Wurttemberg, where the skeletons were found. Should there be a case made against someone in the future, however, he said it would be possible to identify the bodies at a later time. The Conference of European Rabbis conveyed its "deep gratitude to German federal and state authorities, as well as to the United States Air Force, for their sensitivity and respect in following strict guidelines of Jewish law by according a full respectful Jewish burial to these victims of Nazi barbarism." The burial didn't take place until Thursday because of the dispute over whether to test the remains. The ceremony was attended by German officials, Baden-W rttemberg Rabbi Netanel Wurmser, Tel Aviv Chief Rabbi Israel Meir Lau and Ambassador to Germany Shimon Stein, as well as by representatives of the Central Consistory of Jews in Germany. The victims were given a proper Jewish burial on the grounds of the US air base at the Stuttgart-Echterdingen international airport in Filderstadt, Germany. Their skeletons were discovered in September during construction work on the airport. During World War II, the area served as the site of a concentration camp where prisoners from various European countries were held. The construction of a memorial is planned close to the gravesite.

Le trajet effectué par Léo Cohn durant son martyre : d'Auschwitz au Stutthof (600km) et du Stutthof au Struthof (1360km)
A : camp d'Auschwitz-Birkenau - B: camp du Stutthoff - C : camp du Struthof (Natzweiler)


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