LE DIALOGUE JUDEO-CHRETIEN DE 1945 A NOS JOURS.
Théorie et mise en oeuvre à Strasbourg
par Florence MALHAME

LES TEXTES FONDATEURS

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Il a semblé intéressant de comparer les réalités de la pratique du dialogue et de son impact sur une ville comme Strasbourg, où les trois communautés cohabitent depuis fort longtemps, aux textes produits par les différentes autorités religieuses depuis presque soixante ans. Nous avons donc sélectionné des textes écrits après 1945 qui font référence dans le dialogue, soit au niveau mondial, soit au niveau plus local de la France et de l'espace germanique. Pour cela, nous avons utilisé les revues Sens de 1999 et 2000 sur les textes fondateurs du dialogue, complétées par le site www.chretiensetjuifs.org. Sont également utilisés des textes que les responsables des associations locales, et notamment Mme Cuche, nous ont communiqués, car ils sont significatifs de la réflexion qui a pu et peut encore être menée à Strasbourg dans ce domaine. Ces textes sont classés de façon chronologique et selon la confession dont ils émanent : juifs, catholiques ou protestants, en ajoutant une catégorie "précurseurs". Dans cette dernière catégorie se trouvent deux textes, qui ne peuvent être tout à fait associés à une religion et qui interviennent très tôt dans le dialogue et servent encore aujourd'hui de références majeures. Nous allons donc présenter les différents textes utilisés, les situer dans leur contexte rédactionnel, avant de leur appliquer une grille de lecture préalablement justifiée. Après cette étude des textes, y seront confrontés l'action des associations strasbourgeoises et les connaissances des individus. Après chaque texte figure entre parenthèses l'abréviation utilisée par la suite pour le désigner.

Les précurseurs

Les textes que nous avons ici appelés précurseurs sont des textes qui interviennent tôt dans le dialogue, mais surtout qui sont le fait d'individus non investis d'un rôle représentatif par leur communauté. De plus, ces textes sont considérés comme des références dans le dialogue, comme des textes fondateurs. On aurait pu en voir bien d'autres, mais ceux-ci sont les deux textes majeurs auxquels se réfèrent plus ou moins explicitement les textes plus tardifs et plus "officiels".

Les dix-huit propositions de Jules Isaac
Les dix-huit propositions de Jules Isaac sont extraites de son ouvrage Jésus et Israël. Jules Isaac est un historien français lorrain d'origine juive né en 1877, ami de Charles Péguy et auteur du célèbre manuel d'histoire : le Malet et Isaac. Pendant la seconde guerre mondiale, sa femme et sa fille furent arrêtées et moururent en déportation. Cela le conduisit à s'interroger sur l'antisémitisme et ses racines chrétiennes, notamment dans son ouvrage Jésus et Israël. Commencé en 1943 et achevé en 1946 (1), cet ouvrage est essentiellement marqué par le contexte de la Shoah, pas encore nommée, mais vécue par l'auteur qui s'interroge et retourne aux textes évangéliques pour démontrer l'inanité de l'antijudaïsme chrétien : "il est le cri d'une conscience indignée, d'un cœur déchiré" (2). Dans sa conclusion, il soumet aux "chrétiens de bonne volonté" 18 points "destinés à servir au moins de base de discussion" (3) .

Les dix points de Seelisberg
La conférence de Seelisberg (4) fait suite en 1947 à la conférence d'Oxford qui lui a donné son ordre du jour : "étudier l'extension actuelle du mal de l'antisémitisme et les facteurs qui contribuent à sa persistance (…) et élaborer des plans d'action à court et à long terme (…) pour supprimer les causes de l'antisémitisme et remédier à ses effets" (5). Comme pour le texte précédent, il ne s'agit donc pas là d'une incitation au dialogue mais plutôt d'une réflexion sur les racines chrétiennes de l'antisémitisme. Les participants (juifs, catholiques et protestants) n'étaient pas mandatés par leurs hiérarchies et ce texte n'engageait "que ceux qui l'avaient signé" (6) selon le mot du Rabbin Jacob Kaplan. Les 18 propositions de Jules Isaac ont servi de document de travail, que l'auteur présenta lui-même à la conférence de Seelisberg avec le Grand Rabbin Kaplan. Le texte a directement inspiré les dix points de Seelisberg qui reprennent la structure générale : propositions positives, puis propositions négatives. Sur les soixante-dix participants à la Conférence de Seelisberg, une quinzaine travailla dans la commission 3 "pour discuter les documents proposés sur l'enseignement chrétien" (7) dont des pasteurs, prêtres et rabbins. Selon Yves Chevalier, "il apparaît bien que les membres (chrétiens) de la Commission 3 n'ont pas voulu entériner purement et simplement les propositions déposées par Jules Isaac et défendues par le Grand Rabbin Kaplan, mais qu'ils ont fait un travail de fond, en rédigeant un texte inspiré de la démarche de Jules Isaac et original quant à la forme" (8). Ce texte a servi de charte à l'Amitié judéo-chrétienne de France, fondée en 1948 par Jules Isaac et Edmond Fleg.

Les textes catholiques

Dans cette seconde catégorie se trouvent des textes produits par la hiérarchie catholique. Il y a donc des textes du Vatican, à portée universelle, et des textes d'évêques français ou de la Conférence épiscopale de France à portée locale.

Nostra Aetate
Nostra Aetate est une déclaration, promulguée le 28 octobre 1965 par Paul VI lors du Concile de Vatican II. Elle est consacrée aux religions non-chrétiennes et le quatrième paragraphe est consacré au judaïsme. Ce texte a fait l'objet de vifs débats et a failli ne pas voir le jour, du fait de la forte opposition de certains, notamment au sujet de l'accusation de déicide. Le Cardinal Béa défendait l'invalidité de cette accusation, tandis que Mgr Carli voulait maintenir la position traditionnelle qui faisait de l'ensemble des juifs les responsables de la mort du Christ. Différentes versions de la déclaration ont été élaborées, et finalement la version définitive ne contient pas le mot déicide mais condamne l'expression de "peuple réprouvé" ou "maudit" ; c'est donc un compromis, mais qui modifie néanmoins beaucoup la position officielle de l'Eglise envers les juifs.

L'attitude des chrétiens à l'égard du Judaïsme
L'attitude des chrétiens à l'égard du Judaïsme (Attitude) a été publiée par la Conférence épiscopale française le 16 avril 1973. Ce sont les Orientations pastorales du Comité épiscopal pour les relations avec le Judaïsme. C'est un texte de réflexion sur la position de l'Eglise face au Peuple juif, dans la continuité de Nostra Aetate, avec une réflexion sur la permanence du peuple juif, sur le judaïsme tel qu'il se perçoit aujourd'hui et sur la façon dont l'Eglise peut et doit le percevoir, avec des conséquences au niveau de l'enseignement et de la liturgie. Il évoque le lien du peuple juif avec "sa" Terre, de même que le respect et la connaissance mutuelle que doit développer le dialogue.

Orientations et suggestions pour l'application de Nostra Aetate
Publié le 3 janvier 1975 à Rome par la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme, le texte intitulé Orientations et suggestions pour l'application de Nostra Aetate (Orientations) a pour but de donner des conseils pratiques pour l'application de Nostra Aetate à partir de l'expérience acquise depuis 1965 :
Le moment semble venu de proposer, selon les orientations du Concile, quelques suggestions concrètes, fruits de l'expérience, en espérant qu'elles aideront à réaliser dans la vie de l'Église les intentions exposées par le document conciliaire.
Ce texte évoque donc l'état d'esprit nécessaire au dialogue, les conséquences dans la liturgie et l'enseignement de Nostra Aetate, et la coopération possible entre juifs et chrétiens pour promouvoir la dignité de la personne humaine. En conclusion, elle suggère la création de commissions locales et annonce la création de la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme :
Au plan de l'Église universelle, le Saint-Père a institué, en date du 22 octobre 1974, la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme, rattachée au Secrétariat pour l'Unité des chrétiens. Créée en vue de promouvoir et de stimuler les rapports religieux entre juifs et catholiques, en collaboration éventuelle avec d'autres chrétiens, cette Commission spéciale se tient, dans les limites de sa compétence, à la disposition de tous les organismes intéressés, pour les informer et les aider à poursuivre leur tâche en conformité avec les directives du Saint-Siège. Elle désire développer cette collaboration pour la mise en œuvre effective et juste des orientations du Concile.
Notes pour une présentation correcte des juifs et du Judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l'Église catholique
Les Notes pour une présentation correcte des juifs et du Judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l'Église catholique (Notes) ont été rédigées en mai 1985 par la Commission pour les relations avec le Judaïsme évoquée ci-dessus. Elles ont pour but de rendre plus clairs les textes antérieurs. Elles sont constituées de citations des différents textes du Vatican, qu'elles expliquent en six points intitulés : enseignement religieux et judaïsme, les rapports entre Ancien et Nouveau Testament, les racines juives du christianisme, les juifs dans le Nouveau Testament, la liturgie et enfin le judaïsme et le christianisme dans l'histoire.

Déclaration de repentance de Drancy
Prononcée le mardi 30 septembre 1997 à Drancy (France), la Déclaration de repentance de Drancy (déclaration de Drancy), déclaration des évêques de France, a été lue devant le mémorial de Drancy en présence de responsables juifs de différentes associations et constitue, comme son nom l'indique, un acte de repentance. L'Eglise de France revient sur ses actes durant la seconde guerre mondiale pendant l'occupation, ainsi que sur son enseignement et sur ses conséquences sur les mentalités et les comportements des Français chrétiens à l'égard des juifs. Elle reconnaît ses fautes et demande pardon à Dieu et au Peuple juif. Ce texte n'évoque pas le dialogue, mais a répondu à une attente très forte de la part des juifs : l'expression de la position de l'Eglise sur la Shoah, qui était un préalable nécessaire à tout dialogue poussé entre juifs et catholiques.

"Nous nous souvenons" : une réflexion sur la Shoah
"Nous nous souvenons" : une réflexion sur la Shoah (Nous nous souvenons) est un texte émanant de la Commission vaticane pour les relations avec le Judaïsme, daté de 1998 et préfacé d'une adresse du pape Jean-Paul II au Cardinal Casssidy. Le but en est exprimé dans le texte même :
Le XXe siècle touche à sa fin et un nouveau millénaire de l'ère chrétienne approche. Le deux millième anniversaire de la naissance de Jésus Christ appelle tous les chrétiens ainsi que tous les hommes et toutes les femmes à chercher à discerner dans le déroulement de l'histoire les signes de l'action de la divine providence ainsi que les manières par lesquelles l'image du Créateur en l'homme lui-même a été défigurée.
Ce texte traite essentiellement de la Shoah et du regard que porte l'Eglise catholique sur cet événement majeur du XXème siècle.

Les textes protestants

Dans le protestantisme n'existe pas de hiérarchie aussi institutionnelle que dans le catholicisme : comme l'écrit J. Bauberot, "Au contraire du catholicisme, le protestantisme n'a jamais constitué une Eglise (…) l'organisation internationale réalisée par le protestantisme n'est donc pas celle d'une super-Eglise. Elle s'est développée, au cours du XXème siècle sous une forme confédérale" (9). Les textes que nous allons présenter sont le fait d'auteurs variés, ils ont une portée diverse, mais tous peuvent être considérés comme fondateurs du dialogue judéo-chrétien en Alsace. Leur valeur est moins normative que consultative, il s'agit le plus souvent d'un avis de tel ou tel organe protestant.

L'attitude chrétienne en face des juifs
L'attitude chrétienne en face des juifs (Déclaration 1948) est publiée lors de la Première Assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises(COE) à Amsterdam, assemblée constitutive qui voit la fusion de deux mouvements œcuméniques nés au début du 20ème siècle : Vie et Action, né à Stockholm en 1925, à tendance chrétienne sociale, et Foi et Constitution né à Lausanne en 1927 et plus axé sur les questions théologiques et ecclésiologiques (10). Le thème de cette première Assemblée est : "Désordre de l'homme et dessein de Dieu", et le rôle du COE est ainsi défini : "émettre des avis et fournir l'occasion d'une action concertée dans les matières d'intérêt commun". Ici, comme le titre l'indique, il est question de l'attitude que doit avoir un chrétien face à un juif, de son rôle de témoignage et du moyen de se concilier les juifs, notamment par la lutte contre l'antisémitisme qui est la principale barrière entre juifs et chrétiens et provoque la méfiance des juifs à l'égard des chrétiens. Le COE siège à Genève et se définit comme "association fraternelle d'Eglises qui confessent Jésus-Christ comme Dieu et Sauveur selon les Ecritures et s'efforcent de répondre ensemble à leur commune vocation pour la gloire du seul Dieu Père, Fils et Saint Esprit". Il n'a pas d'autorité particulière sur les Eglises membres.

Déclaration des Synodes de l'Eglise évangélique d'Allemagne
La Déclaration des Synodes de l'Eglise évangélique d'Allemagne (Déclaration 1950) réunis à Weissensee le 27 avril 1950 se présente comme un court appel, quasiment une prière, sous forme d'abord de Credo puis d'appel contre l'antisémitisme. Un Synode rassemble dans le protestantisme des clercs et laïcs en nombre égal, élus et chargés de toute question intéressant l'Eglise. Il exprime la réalité collective de l'Eglise. Le Synode national a autorité en matière de foi et de discipline (11).

Vœu du Conseil de la Fédération protestante de France
Le Vœu du Conseil de la Fédération protestante de France (Vœu 1961) de 1961 est adressé au Conseil Œcuménique des Églises peu avant la tenue de sa Troisième Assemblée générale à New Delhi. Elle appelle le COE à poursuivre sa lutte contre l'antisémitisme par la modification de son enseignement.

Résolution concernant l'antisémitisme

La Résolution concernant l'antisémitisme (Résolution 1961) est émise lors de la Troisième Assemblée du Conseil Œcuménique des Églises, à New Delhi en 1961, dont le thème est Jésus-Christ la lumière du monde. Elle répond au Vœu de la Fédération protestante de France et complète la Déclaration de 1948 par un appel aux éducateurs à ne pas favoriser par leur enseignement la discrimination à l'égard des juifs, mais de façon moins claire et appuyée que ne le faisait la Fédération Française.
Il est intéressant de noter que dans les actes de l'Assemblée de New Delhi, il n'est pas fait mention du Vœu de l'Eglise de France.

La Déclaration publiée à l'occasion du Kirchentag
En 1961, est promulguée en Allemagne la Déclaration publiée à l'occasion du Kirchentag (Déclaration 1961), au sujet du procès Eichmann qui se tient alors en Israël (12). Après un long procès à Jérusalem, il fut pendu en 1962 Le Kirchentag est une assemblée annuelle des protestants allemands qui a coutume de publier des déclarations qui ont un grand retentissement.

L'Eglise et le Peuple juif
Le texte L'Eglise et le Peuple juif (Déclaration 1967) de 1967 a été rédigé par une Commission de Foi et Constitution à Bristol. Le but de ce texte et ses limites y sont évoqués :
En rédigeant ce document, nous avons essayé de répondre à deux questions particulières qui nous ont été adressées :
- Quelle est la signification théologique de la perpétuation de l'existence continue des juifs pour l'Église ?
- Comment les chrétiens doivent-ils témoigner de leur foi à leur égard ?
II ne faudrait pas oublier non plus que nous parlons en théologiens chrétiens. Nous sommes parfaitement conscients du fait que les déclarations théologiques ont souvent des implications politiques, sociologiques ou économiques, même si cette intention n'existe pas au départ. Cela ne constitue pas une raison pour garder le silence ; nous demandons seulement que ce qui suit soit jugé selon ses mérites sur le plan théologique.
Résolution sur le Moyen-Orient
La Résolution sur le Moyen-Orient (Résolution 1968) a été adoptée par la Quatrième Assemblée du Conseil œcuménique des Églises à Upsala du 4 au 19 juillet 1968. La guerre des six jours en juin 1967 permit à Israël de s'emparer du Sinaï, de la vieille ville de Jérusalem ainsi que du Golan : le territoire d'Israël fut multiplié par quatre, Jérusalem unifiée devint la capitale de l'Etat d'Israël. Le printemps 1968 vit de nouvelles batailles et la sortie d'Arafat de la clandestinité. Le Moyen-Orient n'était pas pacifié, la présence de réfugiés palestiniens bouleversant les équilibres en Jordanie et au Liban. Il s'agit ici de considérations politiques et humanitaires sur le conflit au Moyen-Orient, un appel au respect des territoires, des personnes et de la liberté religieuse.

Déclaration commune catholique-protestante sur les tâches œcuméniques
La Déclaration commune catholique-protestante sur les tâches œcuméniques (Déclaration 1971) a été publiée lors du Kirchentag d'Augsbourg (Pentecôte 1971). Elle traite de la nécessité de la présence juive lors des rencontres œcuméniques, de l'enseignement chrétien sur le judaïsme et de l'attitude à avoir à l'égard des juifs.

Déclaration du Comité « Église et peuple d'Israël »
Cette Déclaration du Comité "Église et peuple d'Israël" (Déclaration 1973) de la Fédération protestante de France (12 décembre 1973) porte sur la réception des orientations pastorales du comité épiscopal pour les relations avec le judaïsme appelée Attitude que nous avons étudiée dans les textes catholiques.

L'Appel du pasteur Philip A. Potter
L'Appel du pasteur Philip A. Potter (Appel) du 11 novembre 1975 est prononcé par le secrétaire général du Conseil Œcuménique des Églises et concerne la résolution de l'ONU du 10 novembre 1975 : "..., nous souhaitons affirmer, pour les raisons suivantes, notre opposition sans équivoque à comparer le sionisme au racisme..." . En 1974, l'Assemblée générale des Nations unies avait invité l'Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à participer à ses travaux avec le statut d'observateur. En novembre de la même année, l'Assemblée avait réaffirmé les droits inaliénables du peuple palestinien à l'indépendance nationale et au droit au retour. Le 10 novembre 1975, l'Assemblée adoptait, par 72 voix contre 35 et 32 abstentions, une résolution énonçant que "le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale". Cette décision, très contestée, a provoqué le boycott des conférences ultérieures par les Etats-Unis. En 1991, après l'accord de paix israëlo-palestinien, le texte a été révoqué par l'ONU d'une simple phrase.

Les Eglises et le peuple juif – Vers une entente nouvelle
Après l'approbation par le COE du rapport de Bristol, une commission consultative a continué le travail, réunissant sous la direction de la sous-section "Dialogue avec les adhérents à des fois vivantes", des chrétiens engagés dans l'action en faveur du dialogue judéo-chrétien. Cette Commission consultative sur l'Église et le Peuple juif (CCJP) produisit en 1982 des Considérations œcuméniques sur le dialogue entre juifs et chrétiens et six ans plus tard, se réjouissant des progrès accomplis, dresse l'état des acquis et des questions ouvertes dans la rencontre entre juifs et chrétiens dans un texte intitulé Les Eglises et le Peuple juif : Vers une entente nouvelle (Déclaration 1988).

Origine et but du cheminement chrétien aux côtés du judaïsme
Dans Origine et but du cheminement chrétien aux côtés du judaïsme (Origine et But), en 1997, la Fédération des Églises protestantes de la Suisse (FEPS) présente le fruit de dix années de travail en commun avec la Fédération des Communautés Israélites de Suisse (FCIS).

Les textes juifs

Dans le judaïsme se pose également le problème de la diversité des auteurs de textes et de leur représentativité, et ce de façon plus prononcée encore que dans le protestantisme. C'est ce qu'évoque le rabbin américain Eric Yoffie dans son discours :
Ceci soulève inévitablement la difficile question : qui parle au nom des juifs ? Sujet épineux, mais il est pratiquement impossible d'examiner les affaires liées aux questions de foi sans l'aborder. Le Vatican demande, de temps en temps, avec raison, si les partenaires avec lesquels il dialogue sont en droit de se prétendre les représentants de la communauté juive. Et nous-mêmes, au sein de cette communauté, avons de temps à autre des raisons de demander si l'on peut dire qu'il y a une "position juive représentative" sur les affaires en question.
Si les catholiques ont du mal à voir clair dans la structure de la communauté juive, ils ne doivent pas s'en faire. Cette structure est si compliquée que nous-mêmes, juifs, la comprenons à peine. La réalité est que nous sommes une communauté excessivement diverse et souvent querelleuse, manquant d'une structure centrale de gouvernement et gratifiée d'une pléthore d'organisations religieuses, culturelles, philanthropiques et défensives. La plupart d'entre nous considèrent en outre le vigoureux pluralisme de notre communauté, avec ses organisations en concurrence et ses voix dirigeantes rivales, comme une source de force et une explication du large engagement de tant de juifs dans nos communautés. (…)
En effet, la situation est là aussi confuse : il n'y a pas un judaïsme, avec une hiérarchie, mais des tendances, plus ou moins organisées, avec des rabbins plus ou moins médiatiques et intéressés par le dialogue. Même si les juifs ont appelé très tôt à une prise de conscience de la part des chrétiens face à l'antisémitisme, ils ont longtemps reçu les textes chrétiens sans y répondre par des textes juifs du même ordre (13). Ce n'est qu'à la fin des années 1990 qu'ont été publiés des textes de réflexion juive sur la question du dialogue judéo-chrétien. Il y a donc moins de textes et leur choix peut sembler plus arbitraire, puisqu'aucun n'a naturellement et automatiquement valeur d'autorité. A l'origine, nous avions choisis des textes américains très comparables dans leur ton et leurs sujets de réflexion aux textes chrétiens. Cependant, au vu des réponses juives au questionnaire qui leur demandait des titres de textes de référence, il est apparu que ces textes ne sont pas connus ou ne sont à tout le moins pas considérés comme des références. Les juifs strasbourgeois leur préfèrent l'étude talmudique et des textes plus ouverts à la réflexion tels des ouvrages rabbiniques (par exemple d'Elie Benamozegh) ou philosophiques (de Lévinas ou Rosenzweig). Enfin servent également de références des textes écrits par des intellectuels français très implantés à Strasbourg, comme le Pr. Armand Abécassis, le Pr. Raphaël Draï ou le rabbin et philosophe Gilles Bernheim. Nous avons donc décidé de conserver deux textes américains, lus par quelques personnes très engagées dans le dialogue et présents sur les sites internet de dialogue, mais d'y ajouter des textes plus influents au niveau local. Il est évident au vu de ces textes que le judaïsme est moins porté sur la théologie fondamentale et spéculative que le christianisme (14), et que ces textes sont donc pour la plupart plutôt historiques ou philosophiques. De plus, il faut être conscient de la différence de sensibilité entre le judaïsme des Etats-Unis et le judaïsme strasbourgeois, plus pratiquant et fidèle aux traditions.

Avancées et tensions dans les relations judéo-catholiques : pour aller plus loin par le Rabbin Eric Yoffie
Avancées et tensions dans les relations judéo-catholiques : pour aller plus loin (Avancées et Tensions) est un discours du rabbin américain Eric Yoffie de mars 2000 qui traite uniquement des relations entre juifs et catholiques et évoque à peine les protestants. Il résume de façon très intéressante le regard qu'ont pu porter les juifs sur l'évolution de la pensée catholique sur les juifs depuis 1945, et sur ce qu'il faudrait faire de part et d'autre "pour aller plus loin".

Dabru Emet - déclaration juive sur les chrétiens et le christianisme (2000)
Dabru Emet - déclaration juive sur les chrétiens et le christianisme (2000) (Dabru Emet) est une déclaration élaborée par des "savants juifs" américains dont le titre, "Dites la vérité" en hébreu, évoque Zacharie (15). Partant du constat de l'importance des avancées de la pensée chrétienne à l'égard du judaïsme, ce texte se veut une réponse juive à ce phénomène :
Nous croyons que ces changements méritent une réponse juive approfondie. Parlant uniquement en notre nom propre, en tant que groupe intercommunautaire de savants juifs, nous croyons qu'il est temps pour les juifs d'être au courant des efforts que font les chrétiens pour rendre honneur au judaïsme. Nous croyons qu'il est temps pour les juifs de réfléchir à ce que le judaïsme peut dire du christianisme à présent. A titre de premier pas, nous présentons huit brèves propositions concernant la manière dont juifs et chrétiens peuvent être en relation les uns avec les autres.
Emmanuel Lévinas
Emmanuel Lévinas est un philosophe né en Lituanie en 1905 qui a étudié à partir de 1923 à l'Université de Strasbourg. Difficile liberté est un recueil de textes écrits entre la Libération et 1976, dont le point commun est exprimé par l'auteur dans son Avant propos de 1976 :
Au lendemain des exterminations hitlériennes qui ont pu se produire dans une Europe évangélisée depuis plus de quinze siècles, le judaïsme se tourna vers ces sources [les commentaires talmudiques]. C'est le christianisme qui l'avait jusqu'alors habitué à considérer ces sources comme taries ou submergées par des eaux plus vives. Se retrouver juif après les massacres nazis signifiait donc prendre à nouveau position à l'égard du christianisme, sur un autre plan que celui où se plaça souverainement Jules Isaac.
Mais le retour aux sources s'ordonna aussitôt à un thème plus haut et moins polémique. L'expérience hitlérienne a été pour bien des juifs le contact fraternel des personnes chrétiennes qui leur ont apporté tout leur cœur, c'est à dire qui ont tout risqué pour eux.. Devant la montée du tiers-monde, ce souvenir demeure précieux. Non pas pour se complaire dans les émotions qu'il suscite. Mais il nous rappelle un long voisinage à travers l'histoire, l'existence d'un langage commun et d'une action où nos destins antagonistes se révèlent complémentaires.
Raphaël Draï : Lettre au Pape sur le pardon au Peuple juif
Raphaël Draï est un universitaire, Professeur à l'Université de Droit, d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille. Cet ouvrage, Lettre au Pape sur le pardon au peuple juif, est comme son titre l'indique une lettre adressée au Pape, en réponse à la publication de Nous nous souvenons. Il y dresse le bilan des relations entre les juifs français et le Vatican et l'Eglise de France. Il met en lumière les inquiétudes des juifs face aux atermoiements, aux déclarations au ton changeant, aux scandales et aux crises. Un long passage est consacré au Carmel d'Auschwitz qui a fait craindre un temps pour l'avenir des relations judéo-catholiques (16).

Armand Abécassis

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Plus qu'un ouvrage précis, c'est toute une partie de l'œuvre d'Armand Abécassis qui participe au dialogue interreligieux, non par des appels théoriques, mais par un travail d'exégèse ainsi que par une étude midrachique (17). La confrontation du texte évangélique à la tradition juive est en effet l'essentiel du projet de cet universitaire philosophe qui anime également des cours shabatiques très suivis à Strasbourg.
Nous étudions ici deux extraits des introductions de ses ouvrages En vérité je vous le dis, Une lecture juive des Evangiles et Judas et Jésus, une liaison dangereuse où l'auteur présente sa démarche et son projet.
Armand Abécassis définit très nettement les voies de ce dialogue. Dans la lignée de Lévinas, il refuse les déclarations généreuses et vagues qu'il considère comme dépassées, mais appelle à l'étude commune des textes (18). Le préalable nécessaire au dialogue est la fin de toutes formes de violence à l'égard des juifs et du mépris des juifs pour les chrétiens :

Les violences, devenues purement spirituelles à travers certains discours des plus hauts membres du clergé, certains actes symboliques comme la croix du Carmel (19) et les canonisations douteuses, doivent désormais disparaître. De même le mépris, la haine et le refus que la plupart des juifs continue à garder dans leur cœur et dans leur esprit, même s'ils furent compréhensibles tout au long des siècles – et légitimes – ne peuvent plus cependant entraver leurs relations avec les chrétiens.
Le temps est arrivé de l'ouverture, de l'accueil, du respect réciproque, de l'amitié et de la fraternité.
Le dialogue passe par l'étude du Talmud (20) et même du Zohar (21), des voyages en Israël et des séjours en kibboutzim par les chrétiens. Pour les juifs il passe par l'étude de la spiritualité chrétienne, des Evangiles longtemps interdite par les rabbins, par l'étude commune des textes et des notions théologiques.


Relations judéo-chrétiennes
 
         

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