Tou biShvath dans les années 1930
Extraits de :

  Le quinze Chevat  
La Tribune Juive, 10 février 1933
Anonyme

L'amandier qui fleurit le quinze Chevath
Ainsi que l'année passée, le quinze Chevat tombe celle fois-ci le sabbat, dont la Sidra nous raconte le passage miraculeux à travers la mer. Le sabbat du Cantique de la mer (Chira) coïncide avec une fête de la nature, le nouvel an des arbres.

Chamicho ossor est la fête des arbres. On a déjà souvent dit que les hommes ressemblent aux arbres, les habitants de la ville, à une forêt. Comme parmi les hommes, il y a dans la forêt des arbres élancés et solides, qui réjouissent l'œil de l'observateur, à côté de bois coudé, médiocre, tordu et chétif. Un magnifique et fier chêne touffu s'élève au milieu d'une place sombre, arrêtant le soleil, bravant la tempête, jetant au hasard mille superbes rameaux ombrageant et ne tolérant autour d'eux que de maigres arbrisseaux. Les grands et les forts qui sont l'objet de notre admiration, ils se développent aux frais des petits qui minent, à l'abri de leur activité et de leur mérite. une existence modeste,  peu glorieuse, mais tout de même utile.

Ainsi le veut la loi de la nature. La fable nous enseigne qu'il ne faut pas envier ceux de qui la tête est voisine au ciel, mais on conviendra qu'ils sont créés pour montrer aux humbles la force du créateur et un modèle propre à être imité et à faire naître eu nous le vœu intime de l'égaler.
Ce même chêne nous donne l'image de la caducité de la vie humaine. La hache du bûcheron ou la foudre des nuages l'abattent facilement, et ce qui distingue sa chute de celle de ses pauvres voisins, c'est qu'elle fait plus de bruit. Leur fin est la même.
Mais bien que les hommes ressemblent tant aux arbres, le nouvel an des arbres n'a pas la signification chargée de mélancolie qu'inspire le commencement d'un Tichri. Chamicho ossor est une fête d'une joie pure et profondément juive.

Au milieu de la mauvaise saison, qui fait régner la pluie, le froid, la neige, la grippe, nous nous détachons de toutes ces petites misères pour fêter le printemps de la nature qui, dans le pays de nos ancêtres et dans les colonies de nos pionniers, fait monter les premières sèves des racines jusque dans les rameaux. En réalité la neige et la grippe n'existent pas ou presque, ce qui existe, c'est notre espoir toujours jeune et immortel de voir annuellement se renouveler la force vitale du peuple de Moïse.
Nous mangeons des fruits provenant de nos plantations palestiniennes pour éveiller dans le cœur de nos enfants le désir de s'enrôler dans la chaîne humaine qui relie la dispersion au pays des arbres au quinze Chevat.

Ce qui distingue essentiellement le Juif, c'est qu'il nie le froid et la misère, la douleur et la mort même pour trouver la réalité, la vraie, dans le rêve d'un espoir aussi verdoyant que le printemps d'Erets Israël.

  Le quinze Chevat chez les Éclaireurs juifs  
La Tribune Juive, 25 janvier 1935
Anonyme

Oranger
Le 15 Chevat, nouvel an des arbres, est la journée officielle du Scoutisme juif international, et la fête du Secteur des Eclaireurs juifs de Strasbourg.

Aussi, comme toutes les années précédentes, le secteur grand complet, s'était donné rendez-vous à 14.30 heures au restaurant "Henriette" à Wolfisheim. pour, en une réunion toute intime à  laquelle n'étaient invités que les membres honoraires du conseil de chef, fêter le printemps palestinien.
Et cette réunion fut cette année particulièrement bien réussie.

Après des paroles de bienvenue par le commissaire de secteur, F. Hammel, et un aperçu général sur le travail de l'année écoulée, les Petites Ailes de l'envolée des Chardonnerets   présentèrent une amusante petite pièce : "La fête des oiseaux", qu'elles exécutèrent avec énormément d'entrain. Puis vint un sketch comique sur : "Le Journal du secteur"  suivi par "Nos amis d'Erets- Israël", plusieurs tableaux dans lesquels les louveteaux de la Meute David, par des chants et des danses,  montrèrent ce qu'est le 15 Chevat dans une colonie d'enfants en Palestine. Pour finir la première partie du programme, un groupe d'Eclaireurs de la base "Avodah" exécuta avec beaucoup de savoir "Un vendredi soir chez un rebbe hassid", chant hassid mimé, qui eut le plus grand succès de l'après-midi.

Il est  naturel que tous les membres du Secteur firent grand honneur au goûter qui suivit et qu'ils mangèrent avec beaucoup d' appétit les fruits distribués par la section "Erets Israël" après la présentation de son numéro intitulé "Le 15 Chevat".

Puis vint une petite pièce de théâtre, d'après un conte de Hanoucca,"La famille Gerson", par des Eclaireurs de la troupe Cerf-Beer, et enfin par des Eclaireurs de la patrouille des Piverts et quelques Eclaireuses, "Le Seder à Madrid en 1400", qui nous conduisit dans un intérieure de Juifs marranes aux temps de l'Inquisition.

Ces présentations, toutes très bien interprétées, gagnaient encore en valeur par le fait que c'étaient les jeunes eux-mêmes, qui non seulement avaient réglé la mise en scène, mais qui avaient également composé les scénarios.
Il était 18 heures passé, quand le commissaire de Secteur, en quelques mots, concernant le travail futur, clôtura cette petite fête, qui laissa sur tous les assistants une très forte impression.

  La fête des arbres  
La Tribune Juive, 7 février 1936
Anonyme

Eucalyptus
Vous savez bien que le 15 Chevath est célébré en Israël comme le "Nouvel an des arbres", fête n'ayant rien de commun avec notre Roch-Hachana, quoiqu'il soit dit dans un conte que c'est le jour du jugement des arbres, où il est décidé de leur vie ou de leur mort. Les arbres tiennent aussi des services religieux. Ils ont leur hazan et font même sonner le chofar.

Autrefois, les arbres ne mouraient que d'une mort naturelle, ils ne craignaient pas la cognée, car celle-ci n'existait pas encore. Ils s'étendaient de toute leur largeur et en profondeur, mais n'osaient regarder en haut vers le ciel. Peu à peu, une nouvelle génération grandit dans la forêt qui, un beau jour, déclara vouloir pousser vers le ciel et le soleil. Les vieux en furent tout effrayés, considérant ce  désir comme une profanation du  ciel saint. Une violente lutte éclata entre les jeunes et les vieux, et aucun ne voulut céder. Les vieux maudirent les jeunes et prièrent le bon Dieu de les punir. Dieu envoya dans la  forêt la grêle let la tempête, et beaucoup de jeunes et de vieux arbres périrent. D'autres subirent la punition de rester sans fruits durant toute leur vie. Dans cette même nuit naquit Tubal Kajiu, le premier forgeron qui
forgea la première hache. Puis le Nouvel-an des arbres fut fixé au mois de Chevath, lorsqu'ils sont encore assoupis dans leur sommeil d'hiver, pour qu'ils ne puissent plus jamais adresser une telle prière au bon Dieu.

En effet, en Europe, le mois de Chevath est en plein hiver, ce qui nous fait sembler bizarre qu'on fête à présent le Nouvel-an des arbres. Mais cette ancienne fête a son origine en Palestine, et là-bas le printemps fait actuellement ses débuts. L'amandier, dans sa robe fleurie, semble recouvert de neige. Monts et vaux sont couverts de milliers de fleurettes violettes, narcisses et autres. Les poiriers et les pommiers, le chêne et comme il s'appellent tous, se réveillent de leur sommeil. Bientôt fleurit aussi le lilas hindou. Les abeilles recueillent le miel des fleurs.

Nos aïeux ont instauré le 15 Chevath comme fête des arbres qui, depuis, était toujours une fête populaire ; c'était le jour de la plantation et de la dune des arbres  fruitiers, Lorsque les juifs furent alors obligés de quitter le pays, ils observèrent la fête qui ne fut célébrée cependant qu'en mangeant des fruits de Palestine et en parlant de ce pays aux enfants dans les écoles. Dans les Yechiwoth, les maîtres passèrent les nuits avec leurs élèves en mangeant des fruits et en lisant des versets s'y rapportant dans la Bible, le Talmud et d'autres livres. C'est en cela que se déterminait leur nostalgie de la Palestine et leur espoir d'y être ramenés un jour.

Et, à notre époque, lorsque le retour dans le pays commença, la fête fut renouvelée. Elle devint la fête de la jeunesse.
Les enfants des écoles palestiniennes partent en cortège avec feuillages et branches fleuries pour planter des arbres. Chaque enfant reçoit le plant d'un arbre qu'il plante lui-même et duquel il prend soin. C'est ainsi que chaque Chamischa-Assar de nouvelles forêts sont plantées. On plante pour la plupart les pins du pays et l'eucalyptus originaire d'Australie, appelé par les Arabes l'arbre des Juifs. En effet, cert arbre ne manque dans aucune colonie juive.

Les arbres sont la source de vie de chaque pays. Comme nos pères avaient veillé pour la plantation d'arbres dans l'ancien Israël ! Ils cultivaient la belle coutume de planter un cèdre à la naissance de chaque fils et un pin à la naissance d'une fille. Nos sages défendirent d'élever du menu bétail pour préserver les jeunes forêts.  De ces grandes forêts quelques vestiges restent seuls, comme par exemple les quarante chênes du Carmel. Il y a aussi, en Palestine, d'autres arbres qui rappellent ceux d'ici. Le mûrier donne des baies semblables aux brimbelles.

Tous les arbres répandent une ombre délicieuse. Ils ne sont que trop peu nombreux. Chaque arbre coûte cher. C'est pourquoi il faut apporter au Kéren Kayémeth beaucoup   d'argent afin qu'il plante beaucoup de  nouvelles forêts en Erets Israël. Car c'est lui qui non seulement achète la terre en Palestine, mais encore s'occupe de la forestation. Il lui reste encore une grande tâche à remplir, car, depuis l'exode des enfants d'Israël, les forêts ont été détruites. Mais èds 1925, déjà le K.K.L. avait planté 350 nouveaux arbres, et aujourd'hui, vous venez en Palestine, vous voyez de très belles forêts à Guinegar, Ben-Chemen, Kiryath-Anawim, Nichomar, Haëmek, au totale de 1 million 1/2 d'arbres.

  Hamicha ossor bichevatt  
La Tribune Juive, 14 janvier 1939
Paul KLEIN alias Moché CATANE


Chêne
C'est aujourd'hui qu'en Palestine
Les arbres se défont des  chaînes
Hivernales et que les chênes
Sentent frémir leurs fleurs prochaines.

C'est aujourd'hui qu'en Palestine
Reverdit l'herbette jaunie
Et que la prairie infinie
Chante joyeuse et rajeunie.

C'est aujourd'hui qu'en Palestine
Les petits oiseaux aux armures
Multicolores de murmures
Emplissent toutes les ramures.

Mais c'est demain qu'en Palestine
Renaîtront les choses. passées,
Quand les douleurs seront chassées
 Par le Messie et effacées.

 

© A . S . I . J . A .