Chavou'oth, une fête "lactée"
Jacques KOHN

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Ma'hzor (Rituel) de Shavouoth
Un usage très répandu recommande de manger des nourritures lactées le soir de la fête de Chavou'oth. Dans certaines familles la totalité du repas est constituée par des mets à base de lait ; dans d'autres leur consommation est suivie de celle d'un menu carné.
Cette pratique donne lieu à l'habitude, dans certaines familles, de feindre que l'on ne servira du gâteau au fromage traditionnel qu'à ceux qui se seront acquittés comme il se doit de la « supputation » quotidienne des jours de l'Omer.

Cet usage ne laisse pas d'étonner, quand on sait que la consommation de viande est de l'essence même des fêtes et de la joie qui doit les caractériser (Devarim 16, 14), et qu'il n'est pas de véritable joie sans viande (אין שמחה אלא בבשר)

Dans son oeuvre maîtresse, le Séfèr ha-toda'a, le rabbin Avraham Eliyahou Mokotow (1912 - 1976), plus connu sous son nom de plume de Eliyahou Kitov, propose les neuf explications suivantes :

1. De même que l'on devait, à Pessa'h, offrir deux sacrifices : le sacrifice pascal et le sacrifice de 'haguiga, de même à Chavou'oth apportait-on deux pains (שתי הלחם – Wayiqra 23, 17). Les pains qui accompagnent les deux repas sur la table, symbole de l'autel du Temple, représentent ces deux offrandes puisque ces repas sont composés de laitages puis de viande.

2. Une tradition nous apprend que c'est le 6 siwan que Moïse a été sauvé des eaux, et qu'il n'a voulu de lait que d'une femme de son peuple. C'est pour rendre hommage à ce mérite que l'on consomme des aliments lactés.

3. Nos ancêtres avaient le droit, jusqu'au don de la Tora, de manger n'importe quelle viande. Etant donné qu'ils allaient désormais devoir respecter les règles de cacherouth, la vaisselle qu'ils avaient utilisée précédemment était devenue inutilisable. Et comme le don de la Tora a eu lieu un Chabbath, ils n'ont pas été en mesure de la cachériser. Aussi ont-ils été forcés de se rabattre sur des nourritures lactées.

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Moïse (Gustave Doré)
4. Nos ancêtres, avant le don de la Tora, avaient lieu de craindre que la consommation du lait soit interdite au titre de la défense de consommer une partie d'un animal vivant (אבר מן החי), l'une des sept lois noahides. En recevant la Tora qui vante les mérites d'Erets Yisraël, pays ruisselant précisément de lait et de miel, ils ont compris que cette consommation était autorisée.

5. La Tora, à propos de la fête de Chavou'oth, emploie l'expression : לה' בשבעתיכם מנחה חדשה (« oblation nouvelle à Hachem, dans vos semaines » – Bamidbar 28, 26). Or, les lettres initiales de ces quatre mots sont : מחלב (« du lait »).

6. La valeur numérique du mot חלב (« lait ») est quarante, tout comme le nombre de jours que Moïse a passés sur le mont Sinaï.

7. Le mont Sinaï est également appelé הר גבנונימ (« mont des Gavnounim » – Voir notamment Bamidbar rabba 1, 8), expression à rapprocher du mot גבינה (« fromage »).

8. La Tora affectionne particulièrement l'humilité, et rien n'est plus humble qu'une nourriture lactée.

9. Il est écrit : « Du lait et du miel sous ta langue » (Cantique des cantiques 4, 11). La Tora est comparée à du lait et à du miel, car ces deux substances témoignent de son autorité. Tous ceux qui l'étudient perdent leur impureté et retrouvent de la pureté, de la même façon que l'abeille, un insecte impur, produit du miel qui est pur, et de la même façon que le lait, qui n'est rien d'autre qu'un produit issu du sang, lequel est interdit, est lui-même permis, ainsi qu'on nous apprend : « Le sang se décompose et devient du lait » (Nidda 9a).

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