par Claude HEMMENDINGER

Extrait du BULLETIN DE NOS COMMUNAUTES - 1967


Il y a trois mille ans, la Parole retentissait du haut de cette montagne au milieu du désert et nous sommes aujourd'hui tous unis, toute la maison d'Israël, autour du Sinaï en ce jour de 5727 anniversaire de la Révélation de la Loi. Jamais l'enseignement de nos sages nous apprenant que toutes les générations d'Israël étaient potentiellement présentes, quand le Seigneur parlait, ne nous est apparu plus éclatant de vérité.

La lecture de la Loi de Shabath prochain nous décrit le départ des Enfants d'Israël du Mont de la Révélation et leurs premières tribulations sur la route du désert qui les conduisait en Canaan. Nul besoin de forcer les textes dans leur sens obvie pour qu'ils nous parlent comme si en ce moment même le Seigneur s'adressait à nous.

Au moment où les cohortes des Enfants d'Israël s'ébranlaient, Moïse disait : "Lève-toi, ô Seigneur ! Que tes ennemis soient dispersés, et que ceux qui te haïssent s'enfuient devant ta face !
Quand elle (l'arche) s'arrêtait, il disait : Reviens, ô Seigneur auprès des myriades des milliers d'Israël !" (Nombres 10:35-36)

La forme insolite de cette exhortation poétique, aussi bien que sa situation, ainsi que les signes massorétiques qui l'encadrent ont suggéré bien des études à son sujet et la Loi orale s'en explique abondamment (Shabath 116 a - Pessahim 6b). Rabbi Juda, le compilateur de la Michna, envisage même l'hypothèse suivant laquelle ces versets constitueraient un Livre particulier de la Loi révélée, partageant les Nombres  en deux, et qu'il y aurait ainsi non pas cinq Livres de Moïse mais sept.

Les signes massorétiques, scrupuleusement recopiés par les scribes de toutes les générations depuis les temps les plus reculés, qui entourent l'appel de Moïse au Seigneur, sont des NOUN – 14ème lettre de l'alphabet hébraïque - inversés.
Là encore, l'exégèse des maîtres de la synagogue suggère de profondes réflexions qui ont des résonances d'une bouleversante actualité.

Que signifie ce NOUN, pourquoi est-il renversé ?
Rabbi Yohanan s'interroge (Berakhoth 4b) sur l'absence du NOUN  en tête d'un des versets du fameux chapitre des Psaumes, le 145ème, ACHREI,  celui que nous récitons trois fois par jour lors des offices quotidiens. L'importance de ce psaume est en effet d'exprimer exhaustivement tous les sentiments de reconnaissance du te psalmiste envers le Seigneur. Pour ce faire, il fait débuter, chacun de ses vingt-et-un versets par une lettre de l'alphabet hébraïque.
De ALEPH jusqu'à TAV, de A à Z, toutes les lettres successivement et dans l'ordre rythment l'exaltation du poète inspiré qui veut ainsi témoigner de la participation de tout son être à son enthousiasme sacré. Toutes... Rabbi  Yohanan nous apprend que c'est parce que le NOUN estla lettre de la chute – nafal : tomber - et qu'elle évoque la chute.

Les uns, les altruistes ouverts sur le monde, pensent a la chute des nations. Les autres - on les appellerait aujourd'hui les nationalistes – se refusent à insinuer, même provisoirement,  l'abaissement d'Israël. Tous font observer que le NOUN est inversé et de s'interroger s'il n'y a pas la une allusion à une simultanéité ambivalente de la chute et de relèvement.

Les  maîtres mystiques (Kedouchath Lévi) font observer que la gra­phie du NOUN nous montre cette lettre repliée sur elle-même, symbolisant en quelque sorte l'humilité et la retenue qui doivent conduire l'homme dans toutes ses démarches. Ce serait par excellence la lettre symbolisant la crainte du Seigneur, expression première et caractéristique du peuple d'Israël.
Lors de sa marche dans le désert, lors de son approche de Canaan,  les Enfants d'Israël devaient révéler leur fonction essentielle qui était de proclamer face aux Nations l'entrée du Seigneur dans l'histoire, L'éclat de ces vérités, pour reprendre les termes mêmes des maîtres de la 'Hassidouth, les "étincelles" de sainteté qu'il fallait projeter pour éclairer le monde s'accommodaient plus du repli sur soir, de la réserve que symbolise la lettre NOUN, Quand l'Arche se mettait en marche, donnant le signe du de part à la caravane d'Israël, seul dans le désert des Nations, le NOUN de la modestie, de la retenue devait s'inverser.

C'est un NOUN renversé qui désormais exprime l'ouverture au monde, l'entrée  dans le concert des Nations. La gloire du Seigneur auréole la marche d'Israël vers Canaan.


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