Shabath Hagadol
Grand Rabbin Max WARSCHAWSKI
Texte d'une allocution prononcée en la Synagogue de la Paix à Strasbourg, au début des années 1980



Détail d'un monument aux victimes de la Shoah,
Yad Vashem, Jérusalem


La communauté juive fête ce soir le Shabath Hagadol, le "grand Shabath", ainsi nommé parce qu'il marqua, il y a trois mille ans, la fin de l'esclavage d'Egypte, à la veille de la libération d'Israël, lors de Pessa'h.

Ce Shabath, nos ancêtres préparaient ce qui allait être l'agneau pascal, rupture avec le polythéisme égyptien, et trait d'union entre les familles et les tribus qui allaient être le peuple d'Israël.

C'est ce Shabath qu'ont choisi les instances du judaïsme français pour commémorer le quarantième anniversaire des mesures discriminatoires du Gouvernement de Vichy à l'égard des juifs, le soulèvement tragique et héroïque des survivants du Ghetto de Varsovie, le destin dramatique des victimes de la solution finale.

Depuis quarante ans, nous essayons de nous souvenir de l'enchaînement diabolique qui, à partir de l'étoile jaune que les bourreaux voulaient infâmante, faisait du Juif un citoyen de seconde zone, puis un paria que ne protégeait plus la loi commune, pour le condamner sommairement à une mort atroce, dans l'oubli de "Nuit et Brouillard".

Si nous évoquons, ce soir, cet anniversaire, alors que nous associons le souvenir des victimes du génocide aux commémorations de nos morts avant les fêtes de Tishri en automne, c'est parce que nous sommes à quelques jours de Pessa'h et que c'est à Pessa'h que se souleva le Ghetto de Varsovie, il y a 40 ans.

C'est parce qu'il nous est impossible de parler de liberté, de liberté physique et de liberté spirituelle, sans penser à tous les hommes qui aspirent en vain à cette liberté, parce qu'ils sont freinés dans leurs droits à l'existence ou à la croyance.

Nous avons connu un esclavage qui a précédé la naissance du peuple d'Israël, et le souvenir de l'oppression en Egypte, rappelé chaque jour de notre existence, devait nous empêcher d'asservir d'autres hommes, de les priver de leur droit à la vie et à la liberté.

Nous qui avons connu l'enfer de l'asservissement et de la persécution du racisme, nous devons clamer à travers le monde le danger qui menace tous les hommes, dès que la moindre discrimination s'exerce envers un groupe quelconque d'êtres humains.

Nous qui avons été victimes de la violence, nous devons nous élever contre toute violence, d'où qu'elle vienne, et lutter pour que la haine n'engendre pas d'autre haine dans une escalade qui ne mène qu'à la mort et à la destruction.

Nous qui savons le prix que l'on paie lorsque le monde se tait devant l'injustice, nous n'avons pas le droit de nous taire, quel que soit le pays où des hommes sont victimes de l'injustice.

Le Shabath HaGadol est le samedi qui qui précède Pessa'h. On estime que cette appellation lui vient d'un verset de la Haftara qui est lu ce jour-là :
"Or, Je vous enverrai Elie le prophète, avant qu’arrive le jour grand (gadol) et redoutable de l’Eternel". (Malachie 3:23)
Le prophète parle du jour de délivrance qui surviendra dans le futur. Pessah, qui, de tout temps, a représenté le jour de la délivrance, est, en fait, l’archétype de cette future rédemption, au cours de laquelle Elie doit jouer un rôle primordial.
Le jour du Shabath HaGadol, les rabbins ont coutume de prodiguer des enseignement ayant trait à Pessa'h et aux prépratifs nécessaires pour la fête. Dans de nombreuses communautés, on lit des poèmes liturgiques ayant trait à ces événements. (n.d.l.R.)


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