De précieux témoins de la vie juive :
les Mohelbücher
par Avraham Malthête
Epigraphiste-Paléographe, en charge des collections de manuscrits hébreux et des fonds de livres hébreux anciens à l'Alliance Israélite de Paris
Extrait de KOUNTRASS Nº 132 Siwan - Tamouz 5769, Juin - Juillet 2009


En charge des manuscrits hébreux et des fonds de livres hébreux anciens à la bibliothèque de l'Alliance israélite universelle à Paris, c'est principalement en explorant les fonds de livres anciens que j'ai découvert plusieurs listes de circoncision de différents pays. Elles dormaient sagement sur les rayons de notre institution en attendant que quelqu'un veuille bien les exhumer et se pencher sur elles.

Dépouiller ces listes de circoncision manuscrites et les publier sont véritablement à mes yeux l'accomplissement d'une grande mitswa. En effet, ces Mohelbücher sont les témoins vivants de communautés aujourd'hui disparues ou, pour la plupart, anéanties pendant la Shoah. Et c'est en quelque sorte les faire revivre que de les dépouiller, identifier les nimolim et les publier.

Il ne m'est pas de plus grande joie que de retrouver des descendants de ces garçons, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, en Israël ou ailleurs. Mon salaire sera la joie et l'émotion ainsi procurées.

Comment se présentent ces recueils ?
En général, les circoncisions sont inscrites par le mohel sur des feuilles blanches prévues à cet effet à la fin de certains petits ouvrages bien connus des mohalim :

  1. ספר סוד ה' (Séfer sod haChem) (1) de rabbi David de Lida, imprimé à Amsterdam pour la première fois en 1680 et réimprimé de nombreuses fois.
  2. 2. קונטרס מכזירי מילה (Qountras makhchiré mila) (2), imprimé et édité à Livourne en 5553/1793.
  3. 3. זוכר הברית (Zokher habrith) édité à Amsterdam en 1714 par Salomon-Zalman London et qui n'a jamais été réimprimé(3).
Des difficultés sont inhérentes à ces ouvrages : déchiffrement pas toujours aisé, identification des localités, systématiquement notées en jüdisch-taitsch en ce qui concerne la sphère ashkénaze, des patronymes (quand il y en a), problèmes posés par des dates mal notées, des oublis de prénoms, etc.

Je voudrais présenter ici, parmi les découvertes extraordinaires que j'y ai faites, quelques "célébrités" et quelques "curiosités" :

Dans le manuscrit ER 141 de l'Ecole rabbinique de France, Mohelbuch d'Ocher Blumenthal d'Altenschönbach, Basse-Franconie, Bavière, j'ai eu l'immense émotion d'y découvrir l'acte de circoncision du Würzburger Rov, "Herr Doktor Rabbiner" Séligmann-Ber Bamberger :

144 - Le 6e jour, veille du saint Shabath, le 12 Mar′hechvan [568] (4), j'ai circoncis le prépuce d'Isaac-Dov,
surnommé Séligmann-Ber, fils de son honneur le rav Sim′ha, de Wiesenbronn. Qu'Hashem le fasse grandir pour
la Torah, la ′houppa et les œuvres charitables, Amen.

Il succédera à une autre célébrité allemande à la tête de la communauté de Wurzbourg, le rav Abraham Bing, qui figure aussi dans ce Mohelbuch, au N° 291, folio 25 recto ; voici ce que dit cette notice :

"Le lundi 18 Kisslev [580], (5) moi et l'Av Bet-Din et rav de Wurzbourg avons circoncis la ′orla de Nathanaël, fils de son honneur le rav Yissakhar Halévi, surnommé Ber, de Markscheinfeld.
L'Av Bet-Din et rav, notre Maître et rabbin rabbi Abraham Ségal (= Abraham Bing) a procédé au ′hitoukh, et moi j'ai fait la peri′a. Qu'Hashem le fasse grandir pour la Torah, la ′houppa et les œuvres charitables".
A cette date, et depuis 1814, il est donc à Wurzbourg. Je n'ai pas encore réussi à identifier le père du garçon, mais il se pourrait qu'il soit un parent d'Abraham Bing, puisqu'il est Lévi comme lui.
Les circoncisions de trois frères aînés et d'un frère cadet (6) de Séligmann-Ber Bamberger et de ses quatre premiers fils (7) y figurent également. Toutes ont eu lieu à Wiesenbronn.

Dans un autre Mohelbuch de la même région, celui de Hirsch Katz-Neumann de Sulzdorf an der Lederhecke, Basse-Franconie, Bavière, on trouve également des circoncisions de familles rabbiniques allemandes bien connues, dont celles des fils du rav Moses Sonn, de Schweinshaupten. Voici l'acte de circoncision de son fils Nathan/Natel, qui sera 'hazan dans la communauté de Mönschsdeggingen et qu'il quittera vers 1875. Il épousa Sara Sternberger, née à Mönschsdeggingen le 13 mai 1829 ; elle était la fille du ′hazan Hirtz Sternberger.

N°29, folio 4 verso – Schweinshaupten (verticalement, dans la marge)
29 - Le 6e jour, veille de Rosh-'Hodesh Tamouz 584, j'ai circoncis cet enfant,
Nathan, surnommé Natel, fils de son honneur le rabbin Moché Schweinshaupten
(= Moses Sonn). Qu'Hashem le fasse grandir pour la Torah, la ′houppa et les
œuvres charitables. Le 25 juin 1824 (vendredi).

Sortons un moment du monde achkenaze et transportons-nous en Italie, à Livourne. Dans l'exemplaire unique de מכשירי מילה קונטרס  (Qountras makhchiré mila) (8) que nous possédons, j'ai trouvé une liste de circoncision, courte, puisqu'elle n'a que 34 notices, du 23 mai 1844 au 8 mai 1847. Le mohel, que je n'ai pu encore identifier, opère principalement à Livourne et Lucques, mais cette liste offre également quelques surprises : grâce à elle, j'ai appris qu'il y avait une communauté juive dans l'île d'Elbe (rendue célèbre par Napoléon Ier), car notre mohel prend le bateau pour aller y exercer son art ; voici cette notice, dans une très belle écriture italienne :

N° 18, folio 3 recto – Le mercredi 5 Nissan, qui est le 1er avril [1846],
j'ai circoncis, dans l'île de Portoferraio(9), Raphaël-Albano, fils de
l'honorable sieur Mordekhaï Larras (10).

En faisant une recherche approfondie sur les Juifs de l'île d'Elbe, j'ai découvert qu'il y avait deux cimetières juifs dans cette île, un ancien et un "moderne" !

Et puis, je ne peux m'empêcher de citer encore ici une autre notice de ce même registre de circoncisions, tellement elle est émouvante :

N° 21, folio 3 verso – Le [mardi 29 Sivan], qui est le 23 juin [1846], jour où
j'ai quitté mon pays, le pays où je suis né, pour me rendre en Turquie, j'ai circoncis,
à son domicile, Abraham, fils de l'honorable sieur Mordekhaï Bedarrida (11) - Livourne.
La notice suivante vient nous informer que notre mohel est parti s'installer à Salonique, terre grecque faisant partie de l'Empire ottoman et grande métropole juive méditerranéenne.

Revenons à présent dans la sphère ashkénaze et plus particulièrement en Alsace. Un autre manuscrit de la bibliothèque de l'Ecole rabbinique de France, inventorié sous la cote ER198, est une mine pour les familles alsaciennes, principalement du Bas-Rhin. Il contient 2106 actes de circoncision, qui vont du mardi 25 mai 1816 au dimanche 4 septembre 1870. Il se divise en deux parties : du 25 mai 1816 au 27 décembre 1842, 883 circoncisions opérées par Moïse Blum (12), barbier chirurgien à Bischheim et, du 28 juillet 1843 au 4 septembre 1870, 1223 circoncisions opérées par Simon Blum (13), marchand horloger à Bischheim et fils du précédent.

En dépouillant ce registre de circoncisions, j'ai eu l'une des plus grandes émotions de ma vie, d'abord en y voyant figurer, en judéo-alsacien, le nom de la commune où ont vécu mes ancêtres, les Fix et mes cousins Kraemer d'Oberschaeffolsheim (שעפלסה mais aussi quelquefois écrit שעפלצה),  ensuite en y trouvant l'acte de circoncision de mon arrière-arrière grand-père maternel, Abraham Fix (14), fils de Lazare (Eliézer/Leiser), dont je porte le prénom. Ce Mohelbuch mérite à lui seul une publication, tellement il recèle de richesses merveilleuses.

Il y a quate ans, invité au colloque de la SHIAL (15) à Strasbourg pour intervenir sur mes travaux concernant ce Mohelbuch, j'en avais profité pour aller à Bischheim, rechercher les tombes de Moïse et Simon Blum. Je les ai trouvées.

Dans le Mohelbuch de Simon Blum, on trouve une chose extraordinaire et combien rare en plein milieu du 19ème siècle, au moment où les frères Ratisbonne (de sinistre mémoire) font montre d'un zèle ardent dans la conversion des Juifs au catholicisme : 17 circoncisions d'adultes se convertissant au judaïsme ; le mohel ne donne malheureusement pas la raison, mais on peut supposer que c'est peut-être pour un mariage avec une femme juive. On trouve d'ailleurs dans le Mohelbuch la circoncision d'un fils de quelqu'un qu'il a lui-même circoncis (16).

Mais le plus curieux, sinon le plus extraordinaire, pour les cinq  premiers guérim, Simon Blum les a représentés dans un coin du carnet, à la plume et mis en couleur à l'aquarelle. De plus, pour chacun, Simon Blum indique le temps mis à exécuter la mila.

Voici le premier converti, un soldat au garde-àvous, l'arme au pied, baïonnette au canon ; l'uniforme est de l'époque Louis-Philippe. Je n'ai pas encore réussi à l'identifier :


N° 176, folio 99r : BISCHHEIM ─ Le lundi 11 Tévèt 611
(= lundi 16 décembre 1850), j'ai circoncis le guer se nommant
civilement Maximilien Botivain. C'est un Français, de la ville de
Rochefort ; de son nom religieux, il se nomme Abraham, fils
d'Abraham notre père.
Il était âgé de 26 ans lors de sa circoncision et était soldat,
voltigeur, au 19e régiment de ligne.
Il est venu à mon domicile de sa propre initiative, sans sandaq.

J'ai effectué le hitoukh et la peria' en dix secondes environ et,
avec l'aide D., le lendemain, il était guéri et il est venu à pied
avec moi jusqu'à Strasbourg.
C'est pourquoi je te loue, ô Très-Haut, mon Père,
Qui résides dans le Ciel, de m'avoir accordé le mérite de cette
grande mitswa.
Qu'Hashem accorde le mérite au guer ci-dessus nommé, à lui,
à sa descendance et à la descendance de sa descendance, de
pratiquer l'ensemble des mitswoth inscrites dans notre sainte Torah.
Amen, ainsi soit-il, Amen.

Le deuxième converti portraituré est un Compagnon itinérant (17) menuisier allemand, que j'ai récemment identifié, les archives de la ville dont il est originaire m'ayant communiqué son acte de naissance, ainsi que d'autres renseignements le concernant. A cause de la transcription en caractères hébraïques et de la prononciation propre aux Alsaciens, l'identification de son nom et de celui de la ville n'ont pas été chose aisée :


N° 182, folio 100r : STRASBOURG ─ Le dimanche, Pourim qatan 611
(= dimanche 16 février 1851), j'ai circoncis le guer se nommant civilement
K/Carl KNODEL (18). C'est un Wurtembergois, de la ville de
Vaihigen an der Enz (19) ; de son nom religieux, il se nomme Abraham,
fils d'Abraham notre père. Il était âgé de 48 ans lors de sa circoncision.

J'ai effectué le hitoukh et la peria' en huit secondes environ. Le lendemain,
il était guéri ; c'est pourquoi je te loue, ô Très-Haut, mon Père, Qui résides
dans le Ciel, de m'avoir accordé le mérite de cette grande mitswa.
Qu'Hashem accorde le mérite au guer tsédeq ci-dessus nommé, à lui, à sa
descendance et à la descendance de sa descendance, de pratiquer l'ensemble
des mitswoth inscrites dans notre sainte et pure Torah.
Ainsi soit-il, Amen, Sélah.

La motivation de ce converti reste d'autant plus mystérieuse qu'au mois de novembre de la  même année, il retourne dans sa ville natale où, déclaré toujours célibataire, il fait une demande d'autorisation de quitter l'état de Bade-Wurtemberg pour émigrer en Amérique, selon ce que m'ont indiqué les archives de la ville. Elles me font savoir également que K/Carl Knodel est né le 10 août 1802 à Vaihingen an der Enz, qu'il est le fils de Johann Michael Knodel, bûcheron, originaire de Langenalb, circonscription administrative de Pforzheim, et de Susanne Margarethe Seufert, fille du bûcheron local Seufert.
Ses parents se sont mariés en 1787 à Vaihingen an der Enz et ont eu sept enfants (quatre garçons et trois filles), plus un demi-frère que la mère a eu d'un premier mariage. A son départ vers l'Amérique, en 1851, trois frères et trois sœurs étaient déjà morts.
Les registres nous apprennent également qu'en 1805, son père n'est déjà plus, et que sa mère décède en 1816. D'autres documents nous donnent des renseignements sur lui.

En passant, et pour illustrer les difficultés que l'on rencontre très fréquemment pour identifier les localités, dans le même folio, le N° 183, Boteschwiger, est resté longtemps pour moi une énigme avant que je trouve qu'il s'agissait de Bodersweier, petite localité allemande à quelques kilomètres au NE de Kehl, c'està- dire juste de l'autre côté du Rhin. Moïse Blum y pratiquera 19 circoncisions, entre le 16 avril 1817 et le 25 mars 1838 ; son fils, Simon Blum, également, 3 circoncisions entre le 26 février 1851 et le 26 septembre 1867. Nos deux mohalim, sans doute aussi célèbres et experts l'un que l'autre, étaient non seulement réclamés dans les départements limitrophes (20), mais aussi outre-Rhin !

Autre guer portraituré par Simon Blum et que je n'ai pas encore identifié :


N° 346, folio 115v : BISCHHEIM ─ Le mardi 4 Tishri 615
(= mardi 26 septembre 1854), j'ai circoncis et procédé à la peri'a
sur le guer tsédeq se nommant de son nom civil Beken (21) Schorschel (22),
et de son nom religieux Abraham, fils de Jacob notre père.
C'est un Bavarois, de la ville de Fürth.

Il avait 50 ans lors de sa circoncision et, avec l'aide du Créateur, j'ai exécuté
le 'hitoukh et la peria' en dix secondes environ. Le jour suivant la circoncision,
il est parti se promener, car il était guéri. Et pour cela, je te loue, Très-Haut,
mon Père, Qui es dans le Ciel, de m'avoir accordé le mérite de cette grande mitswa.
Qu'Hashem accorde au guer ci-dessus nommé de mettre en pratique toutes
les mitswoth inscrites dans notre sainte Torah. Amen, Sélah.

Le plus insolite et le dernier des guérim portraiturés par Simon Blum est ce funambule de cirque, représenté en pleine démonstration sur son fil, avec son balancier :


N° 386, folio 120r : BISCHHEIM - Le mercredi, 2e jour de
Rosh-'Hodesh Eloul 615 (= mercredi 15 août 1855), j'ai circoncis
le guer tsédeq se nommant de son nom civil Marcus. C'est un
Français, de la ville d'Alès (23), près de Nîmes. De son nom religieux
Abraham, fils d'Abraham notre père. Il avait 25 ans lors de sa circoncision.
Et pour cela, je te loue, Très-Haut, mon Père, Qui es dans le Ciel, de
m'avoir accordé le mérite de cette grande mitswa.
Qu'Hashem accorde au guer ci-dessus nommé de mettre en pratique
toutes les mitswoth inscrites dans notre sainte Torah. Amen, Sélah.

Par ailleurs, en plus de mon menuisier allemand, j'en ai identifié dernièrement encore un autre formellement, le N° 1005, folio 188 verso, dont voici la notice, transcrite avec les confusions classiques dues à la prononciation alsacienne (et allemande) :

1005 - STRB (= Strasbourg) - Le 3e jour, 8 Sivan [627] (24), j'ai circoncis le guer
Schorschel (25) Hanemann, de Korp (26), de l'Etat de Bade. Il avait 22 ans lors de
sa circoncision et de son nom qodech, il se nomme Abraham ben Abraham avinou.
C'est pourquoi je te demande, notre Père qui est dans les Cieux, qu'il mette en
pratique toutes les mitswoth, Amen, Sélah.
Ayant localisé sa ville natale, j'ai donc écrit au service de l'Etat civil de Korb, qui m'a adressé aux archives de l'Evangelische Kirche in Baden. Celle-ci m'a envoyé une copie de l'acte de baptême du converti en question, figurant dans le registre des baptêmes de l'église de Korb :
"Georg Michael, fils de Georg Peter Hanemann, citoyen de la  ville de Korb, cordonnier,
et de Maria Catharina Hummel, baptisé le 4 juillet 1844".
Mais le plus extraordinaire, dans cet acte de baptême, c'est la note portée en marge en 1867, sous son nom, indiquant qu'il s'est converti au judaïsme et que cela a été reporté également dans le registre juif des naissances !

Pour ne pas rester esbaudi par tant de belles choses, il y a, dans les circoncisions opérées par Simon Blum, une seule ombre au tableau, la circoncision d'un mamzer, fruit d'amours adultérines, dont je donne la terrible notice ci-après :

752 - La veille du saint Shabath 27 Tammouz [5622] (27), j'ai circoncis l'enfant Juda, fils de Schinel, de Reichshoffen. L'enfant est un mamzer (le mari est depuis trois ans en Amérique). Son épouse était enceinte d'un autre homme, veuf, se nommant Sélig, de Reichshoffen. C'est pourquoi cet enfant est un mamzer et ne pourra entrer dans le Qehal Israël.

Comme ce Mohelbuch est, à mon sens, exceptionnel par sa richesse, je ne peux m'empêcher d'apporter son dernier folio (211 verso), où une autre main, dans une belle écriture carrée calligraphiée, y a porté les cinq dernières circoncisions que Simon Blum n'a pas eu le temps de consigner :
En haut de la page :
Voici encore des circoncis par la main du mohel expert ci-dessus mentionné, à Strasbourg, 1870, 630 selon le petit comput. En un temps où la ville est assiégée et [sous les] bombardements(28).
Et tout en bas :
Et il y avait une grande guerre entre le royaume de Prusse et Tsarfat-la France, en l'année 630 selon le petit comput.

Curieusement, Moïse Ginsburger, dans la monographie qu'il publie en 1937 (29) à l'occasion du centenaire de la synagogue de Bischheim, ne dit pas un seul mot sur les Blum, père et fils, alors qu'il reproduit les noms figurant sur la pièce posée dans la pierre fondamentale de la synagogue, le 25 octobre 1836 et parmi lesquels figure celui de Moïse Blum (30).

Pour conclure et pour rendre hommage à la mémoire de ces deux figures de la piété alsacienne, je vous présente la tombe de Moïse Blum.

Une seule stèle (31) pour Moïse Blum (32) et son épouse, Henriette Hindel Aron (33). Au milieu, la mention "po temounim". A gauche, le couteau du mohel et la fiole du baume cicatrisant. A droite, une fleur (allusion au patronyme Blum).

Voici celle de Simon Blum qui, dans le texte de l'épitaphe, présente une particularité que je n'ai encore vue sur aucune tombe de mohel, puisqu'il est précisé qu'il a circoncis des guérim par la belle formule "Il a fait enter l'incirconcis sous les ailes de la Shekhina."
Le haut de la stèle porte une décoration intéressante : au centre, la couronne de la renommée avec, à gauche, la fiole contenant le baume cicatrisant, portant les initiales S. B. (33) ; à droite et portant les mêmes initiales, le couteau du mohel. En-dessous, figure un shofar, indication traditionnelle pour un 'hazan ou un shalia'h tsibour.
La tombe de son père, le mohel Moïse BLUM, porte en décoration la même fiole et le même couteau.
Le socle portait une plaque expliquant dans quelles conditions Simon Blum était mort ; elle a été volée.

Tombe de Chim'on BLUM, marchand horloger et Mohel, de Bischheim, né le 7 mars 1819 à Bischheim, fils du mohel, Moché BLUM, barbier-chirurgien, et de Henriette/Hindel ARON. Mort le 9 septembre 1870 des suites d'une blessure causée par un éclat d'obus tombé place Kléber, le 4 septembre 1870, alors qu'il revenait d'une brith mila. Ses prénom et nom forment acrostiche.
Registre du cimetière de Bischheim : N° 439, page 52. C'est la 2e tombe du 7e rang, en partant de la droite.
La 1ère du rang est celle de Zalman SÉGAL (Salomon LÉVY, N° 440, page 52 du registre du cimetière de Bischheim), ministre-officiant habitant à Hoenheim, dont deux fils ont été circoncis par Moïse BLUM : Hayim, le samedi 10 novembre 1827 (folio 38v, N° 418), et Naftaly/Hirtz, le mercredi 8 juillet 1829 (folio 44r, N° 475).
Traduction de l'épitaphe :
Ici  repose celui dont le nom était connu parmi nous de façon élogieuse et glorieuse.
Il exerça la charité et les bonnes oeuvres sans compter.
Toute sa vie, il se maintint dans sa piété.
Il circoncit le prépuce des enfants d'Israël et les fit entrer dans l'Alliance.
C'était un fidèle et un dirigeant de notre communauté.
Le jour de Rodh haShana, il sonnait du shofar d'un son puissant.
Il éleva ses fils et ses filles dans la crainte de D.,
Et il fit entrer l'incirconcis sous les ailes de la Shekhina.
L'ange de l'Alliance se tenait à sa droite pour le soutenir.
Il s'agit de son honneur le rabbin Simon BLUM,
fils de Son Honneur le rabbin Moïse BLUM, de mémoire bénie.
Mort la veille du saint Shabath, le 13 Eloul 640, selon le petit comput.
Que son âme soit conservée dans le faisceau des vivants !
פ ט
שמו נודע לשבח ולתהלה בתוכינו
מעט וּגמִ"ח עשה עד אין מִספר
עמד בצִדקוֹ כל ימי חיותו
והכניס בברית ומל ערלת יַלדי ישראל
נאמן וּמַנהיג היה בקְהִלתינו
בּיו' תרוּעה תקע בשופר קול ברַמים
ליראת ה' גדל בניו ובנותיו
והביא הערל תחת כנפי שכינה
מלאך הברית עמד לימינו לתומכו
הה כה שמעון בן כה
משה בלום זל מת
עשק יג אלול ברית עולם לפק
ת נ צ ב ה

A la fin de ce bref voyage à travers quelques mohelbücher - j'en ai dépouillé bien d'autres et j'en dépouille encore -, nous découvrons une partie de leurs richesses et de précieux renseignements que celles-ci nous dévoilent comme, par exemple, des enfants qui ne sont déclarés à la l'état civil que le jour de leur circoncision, parce que, dans les familles pieuses, on ne prononce même pas le prénom civil avant la brith (35).
On y voit également des enfants de filles-mères dont la circoncision a souvent lieu à l'hôpital, ces jeunes femmes étant souvent des filles de la campagne venues travailler comme servantes à Strasbourg.
On y découvreaussi, concernant l'Alsace et l'Allemagne quelques "perles" dialectales comme "médezin-machor" (médecin-major), "le père de l'enfant est de Chenef " (Genève), et ce fourmillement de petites communautés, voire de micro-communautés rurales, qui tapissent les campagnes alsacienne et allemande.

Dans ce domaine peu défriché des Mohelbücher, engrangés dans des bibliothèques ou sur microfilms centralisés à Jérusalem à l'IMHM (36), on ne peut que se référer à cette Mishna bien connue des Pirqé Avoth (2:15) : מרובה  והמלאכה קצר  היום , que l'on peut rendre ainsi : " les journées sont courtes et la tâche est considérable".


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