Survol de l'historique des coutumes juives de la vallée du Rhin
Daniel Warschawski


היזהרו במנהג אבותיכם בידיכם (תלמוד בבלי מסכת ביצה ד')
Prenez garde aux traditions de vos ancêtres qui se trouvent entre vos mains (Talmud de Babylone, Traité Beitza, ch. 4)

Jean Baumgarten a récemment publié aux éditions de l'éclat sous le titre Les traditions qui font vivre, une traduction annotée, précédée d'une étude très approfondie des traditions des juifs ashkénazes, du Livre des coutumes (ספר המנהגים) du Rabbin Simon Guinsburg.

A l'occasion de l'anniversaire de la mort du Maharil zatza"l ainsi que de celui de mon père, le grand rabbin Max Warschawski, qui tombe le même jour (à près de 580 ans de différence), j'ai pensé rendre hommage à la fois à celui qui, après l'épidémie de la peste noire, a compris la nécessité de mettre par écrit les traditions du judaïsme ashkénaze pour sauver "nos traditions" qui étaient en voie de disparaître, et à Papa zatza"l qui a compris qu'après la Shoah il était nécessaire de conserver nos traditions quelles qu'elles soient, en refusant l'idée d'un "מנהג אחיד" (une seule et même tradition pour tous) prônée par le grand rabbinat d'Israël. Pour mon père, notre force doit se trouver dans nos différences, et le devoir de chaque juif est de conserver sa tradition.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais définir géographiquement ce que l'on entend par ashkénaze quand on parle de minhag. Il s’agit des communautés ayant adopté les traditions ashkénazes dans le nord de la France ( מנהג צרפת) et de la vallée du Rhin (מנהג ריינוס), formant ensemble le minhag askhénaze.

Définition du minhag

Certains sociologues ont essayé de confondre "traditions" et "folklore" ou encore "mode de vie". Cette approche restrictive du minhag est repoussée par la plupart des chercheurs traditionnels (voir la position du Rabbin Salomon Benjamin Hamburger dans sa conférence donnée à l'occasion du dixième anniversaire de l'association qu'il a créée et dont il est à la tête - "תורת חכמי אשכנז" (Les théories des sages ashkénazes), parue sur le site de l'Institut Herzog).
Pour le Rabbin Hamburger, confondre la tradition avec le folklore est minimiser la tradition et en faire "une curiosité ayant des racines populaires".

D'autres chercheurs, principalement des juristes confondent le minhag avec le "droit coutumier" (en droit français) ou encore la "Customary law" (en droit anglais). Cette définition, comme la précédente voit dans le minhag un ensemble de coutumes ayant pour but de combler les lacunes qui existent dans la loi.

Pour notre étude, nous choisirons comme définitions du minhag celle proposée par le Rabbin Hamburger : "tout phénomène qui se répète avec une certaine fréquence" ou plus précisément : "une collection de prières, de rituels et de pratiques qui ponctuent l'année juive" (Baumgarten). Il s'agit donc de phénomènes religieux ayant leur place à côté de la loi stricto sensu et pouvant même se heurter à la loi.

Sources de la validité du minhag

Source biblique : loi écrite

Selon le Rabbin Professeur Daniel Sperberg dans son Encyclopédie sur les traditions d'Israël (מנהגי ישראל כרך א'), la justification des traditions est fondée sur le verset 14 chapitre 19 du Deutéronome : "Ne déplace pas la borne de ton voisin telle que l'auront posée les prédécesseurs". Ce verset est interprété ainsi par le Yalkouth Shimoni : "ne change pas le minhag ancestral". Cette interprétation a été reprise par Philon d'Alexandrie dans son livre Sur les lois spéciales : "Cette interdiction a pour but le maintien des traditions ancestrales, non écrites, les minhagim, qui sont des lois orales, des règlements humains datant de temps anciens… Les enfants ont hérité de leurs parents, en sus de leurs biens, leurs traditions paternelles, qu'ils ont "bus du sein maternel" et le fait qu'ils [les règlements] n'ont pas été mis par écrit n'entrave rien à leur valeur."

Sources talmudiques : loi orale

Dans le Talmud (loi transmise oralement), les minhagim ont force de loi lorsqu' il existe une lacune dans la loi. On trouve dans le Talmud de Babylone (voir entre autres le traité Erouvim 14:2) le principe "פוק חזי מאי עמא דבר" ("sort et voie comment le peuple se comporte"), c'est à dire que dans le cas où la loi n'est pas fixée ou a été oubliée, le comportement des gens face à la question non résolue a force de loi.
Pour le Talmud, qui est lui-même une loi orale transmise de génération en génération (avant d'être mise par écrit), le minhag serait au Talmud ce qu'a été le Talmud pour la loi écrite.

Le minhag et la halakha (la jurisprudence religieuse)

Dans le Talmud de Babylone (Traité Ta'anith 26:2), au sujet de la bénédiction des prêtres, il est écrit :
"Rav Yehuda dit au nom de Rav que la loi va d'après l'opinion de Rabbi Meïr, et Rabbi Yohanan dit que la loi n'est pas comme le dit Rabbi Meïr mais les gens se comportent (נהגו, même racine que מנהג) comme Rabbi Meïr, alors que pour Rava le minhag est comme Rabbi Meïr".
Il y a donc trois opinions différentes :

  1. La position de Rav Yehuda au nom de Rav qui pense que l'opinion de Rabbi Meïr a force de loi et qu'on a l'obligation de l'enseigner comme telle en public.
  2. La position de Rava : le minhag correspond à l'opinion de Rabbi Meïr et ce minhag est valable ("כשר הוא"), ce qui veut dire qu'il existe des minhagim non valables. Ce type de minhag peut servir de référence à un particulier et à sa demande.
  3. L'opinion de Rabbi Yohanan : si une personne pose la question (l'initiative ne vient pas de l'érudit mais de l'élève), on ne doit pas lui dire de se comporter comme Rabbi Meïr, mais au cas où il ne demande pas mais agit comme Rabbi Meïr, on ne le critique pas.

Les différents minhagim selon le Rav Hamburger
Il existe selon le Rav Hamburger plusieurs sortes de minhagim. Les plus importants, dans leur ordre d’importance, sont les suivants :

Conditions exigées pour qu'un minhag devienne obligatoire

Dans le Talmud de Jérusalem (Traité Yevamot 12:1) il est écrit que le minhag "annule la loi" (מבטל הלכה). La même idée apparait dans le talmud de Babylone (Baba Kama 117/2) : "le minhag déracine la loi (עוקר הלכה)". Mais pour le Rabbin Barouch Efratti (dans son article "Sur la validité des minhagim" publié sur le site Daath), trois conditions complémentaires sont nécessaires pour qu'un minhag ait une raison d'être:
1. Qu'il soit une tradition publique et non individuelle (se basant sur les Responsa du Reem).
2. Qu'il soit "ancien " (se basant sur le חוות יאיר de Rabbi Yair Bacherach).
3. Qu'il soit fréquent (תדיר, se basant sur les Responsa du Remah).

Après avoir défini ce qu'est le minhag, nous allons essayer de comprendre l'approche de la tradition ashkénaze envers ses propres minhagim, approche que l'on peut comparer à celles de Pinhas et Dieu, à savoir "jalouser la cause des traditions" au point de n'accepter aucune concession dans l'application des minhagim.

L'approche de la tradition ashkénaze
Pour comprendre les liens particuliers entre le juif ashkénaze et ses traditions, référons-nous à la genèse du judaïsme ashkénaze.

1. Genèse du judaïsme ashkénaze :

1.1 Les traditions légendaires :
Le début de la présence de juifs en Ashkénaze reste flou. Des traditions légendaires prétendent que la présence daterait de l'époque du premier temple, d'autres prétendent que les juifs seraient arrivés en Ashkénaze à l'époque du second temple. Cependant, aucune trace de présence juive en Ashkénaze à l'époque du premier ou second temple n'existe.
Selon les chercheurs (A. Grossmann dans son livre sur les premiers érudits ashkénazes, חכמי אשכנז הראשונים) ou Asher Frishmann dans son livre sur les premiers ashkenazim (האשכנזים הראשונים) pensent que ces fables avaient un double but : en premier lieu de prouver aux non juifs la présence juive sur place depuis de nombreux siècles et, en second lieu, de prouver qu'ils n'avaient aucun lien avec la mort de Jésus.

1.2 Les historiens :
Pour le professeur Tim Guidel, les juifs seraient arrivés en Ashkénaze avec l'armée de Titus après la destruction du second temple (voir le livre Les juifs en Ashkénaze). Pour ces historiens, les premiers juifs seraient des mercenaires de l'armée romaine ou des esclaves libérés ou rachetés ou encore des convertis (voir l'article de Jean Baumgarten "La naissance du judaïsme ashkénaze" dans le livre Aux origines du judaïsme). En fait il n'existe de preuve scientifique de la présence juive en Ashkénaze qu'à l'époque l'empereur Constantin (321-331) à Cologne, Regenburg ou encore Trier.
Pour le célèbre décisionnaire allemand Asher ben Yehiel (connu comme le Rosh), "les érudits ashkénazes sont dépositaires de traditions ancestrales depuis la destruction du second temple".

1.3. Les premiers érudits ashkénaze :
Il existe de nombreuses légendes concernant l'arrivée des érudits en Ashkénaze (voir conférence/cours de mon père zatza"l sur le site du judaïsme d'Alsace et de Lorraine). Pour la majorité des historiens, c'est à l'époque des premiers carolingiens, Pépin le Bref et surtout Charlemagne, soucieux de la promulgation de la culture, qu'arrivent deux familles qui seront la base du judaïsme ashkénaze : la famille Kalonimus et la famille Abun, venues d'Italie, en sus de Yehuda Messir Léon, maître du célèbre Rabénou Gerson Meor Hagola, maître de Rabbi Eliézer Hagadol, maître de Rachi, maître des Tossafoth. Pour plus de détails, nous conseillons la lecture de la préface de Rabbi Eliezer de Worms (le Rokéah) sur son livre de prières ainsi que l'article de Rav Benjamin Salomon Hamburger Les érudits à travers les générations gardiens de la tradition ashkénaze.

2. En quoi la tradition Ashkénaze se différencie-t-elle des autres traditions dans le judaïsme ?

Pour répondre à cette question nous devons faire un retour en arrière.
Nous avons vu que les juifs sont arrivés en Ashkénaze après la chute du second temple en l'an 70. Durant des siècles, la loi orale se transmettait de maître à élève. Attendu que le matériau ne pouvait plus être retenus par cœur, et par crainte d'oublier cette tradition, au deuxième siècle en Israël les érudits de l'époque (les Tannaïm) ont décidé de passer outre l’interdiction d'écrire la loi orale et rédigèrent la Michna. Après sa rédaction, la Michna est acceptée par tout le peuple comme loi.

Après sa rédaction, la Michna devint la base de nouvelles interprétations orales, fondées sur les traditions post- mishnaïques locales dont les plus importants étaient celles d’Israël et celles de Babylone. Le même processus qui avait entrainé la rédaction de la Michna a poussé les rabbins à rédiger un complément à la Michna, la Guemara ("Talmud") : celle de Babylone et celle de Jérusalem.

Alors que la majorité des juifs adoptèrent le Talmud de Babylone, les juifs ashkénazes, en cas de désaccord entre les deux traditions, adoptèrent les traditions du Talmud de Jérusalem (voir le livre de Pierre Henry Salfati, Talmud).

Pour le professeur Israël Ta Chema, en Ashkénaze on a mis en avant les traditions orales qui se transformeront en minhagim dont le statut sera le même que celui du Talmud de Babylone face à la Torah écrite. Les Tossaphistes sont allés jusqu'à faire du Talmud un "mode de vie" et non plus un objet d'étude. Pour les ashkénazim, le minhag accompagne le juif dans toutes les phases de sa vie. Pour eux, aucune loi ne peut tenir sans un nombre important de traditions l’accompagnant. Peut-on prétendre que toute tradition adoptée en Askhénaze a force de loi pour la simple raison qu'elle a été adoptée par les ashkénazim ? A cette question répond Rabénou Tam que pour avoir force de loi le minhag doit être basé sur trois pieds : - Le Sefer Halalkhoth Guedoloth et le Sidour d'Amram Gaon
- La tradition de Jérusalem
- Le livre des traditions d'Eretz Israël

Un élève de Rabbi Ytzak Ben Moché (auteur du Or Zaroua) a demandé à son maître : "sur quoi se fondent ces imbéciles qui font le kidoush [la bénédiction sur le vin] à la synagogue alors qu'il ni a pas d'invité de passage?".
Le maître lui répondit : "Je suis désolé pour toi, et j'ai été contrarié et reste perplexe qu'un érudit comme toi ait posé une telle question. Sais-tu combien de génies et saints des communautés de Worms, Spire et Mayence, d’où sont sortis les enseignements pour Israël, nos maîtres, se sont comportés avec le respect des traditions ancestrales, et maintenant tu les traites d'imbéciles ? Toi, le soi-disant érudit, sois plus humble dans tes critiques contre nos maîtres".

3. Les livres des traditions ou ספרי מנהגים (Sifrei Minhaguim)

Au quatorzième siècle, suite à l'expulsion des juifs de France, un nouveau centre est créé en Autriche qui adopte le minhag autrichien, mélange des traditions françaises et de celles de la vallée du Rhin. A partir de ce moment, nous avons deux traditions : la tradition ashkénaze "pure" (traditions de la vallée du Rhin ou minhag Reinuss) et le minhag autrichien qui deviendra le minhag de Pologne.

Avec l'épidémie de la peste noire, les traditions ashkénazes ont eu tendance à être oubliées pour des raisons développées dans notre précédente étude sur la Smikha ashkénaze. Comme à l'époque de la Michna et à celle de la Guemara, les chefs de file du judaïsme ashkénaze ont décidé de mettre par écrit les traditions ashkénazes.

Il y a deux types de livres des traditions:
- Ceux ayant pour but de préserver les traditions et de les transmettre aux générations futures.
- Ceux ayant pour but de guider les communautés, écrits en langue compréhensible à tous, comme ceux d'Isaac fils de Meir Duran, de Haim Paltiel ou celui de Salomon Guinsburg.

Si nous prenons comme point de départ le dernier des Tossaphistes, le Maharam de Rothenburg, son élève "par excellence", Rabbi Haim Paltiel est l’auteur du premier livre des traditions connus.
Mais le premier livre important est celui de Rabbi Abraham Klausner, élève de rabbi Haim Paltiel qui eut deux élèves célèbres: Rabbi Isaac de Tirena, père des traditions autrichiennes ( מנהג אוסטרייך) et le Maharil, père des traditions de la vallée du Rhin (מנהג ריינוס). Les traditions Séfarade et Sfard (Europe de l'est) ont pour racine les traditions autrichiennes alors que les traditions ashkénazes ont pour racine les traditions de la Vallée du Rhin.

L'avenir de nos traditions : ont-elles toujours leur raison d’être après la Shoah et la naissance de l'état d'Israël ?

Après la Shoah et la création de l'état d'Israel, un débat s'est installé entre les partisans d'une "modernisation" de la tradition ashkénaze et son "adaptation" au monde moderne et ceux aui considèrent qu’il est de notre devoir de maintenir nos traditions reçues en héritage depuis la destruction du second temple.

Il existe, à notre sens, deux écoles abordant cette question qui se pose plus particulièrement sur des problèmes liés à la liturgie traditionnelle. La première est représentée par le rabbin Yoel Katan (fils du regretté Moché Katan za"l) rédacteur de la revue Maayan et directeur de l'institut Salomon Uman, partisan du "changement dans la continuité".
La seconde est représentée par le rabbin Hamburger (directeur de l'institut pour le maintien du patrimoine ashkénaze) selon lequel il est interdit "d'abandonner les traditions maternelles (les minhagim ancestraux)" suivant en cela le Hatam Sofer (Rabbi Moché Schreiber) pour qui "tout changement (même des traditions) est interdit par la loi"

Sans enter dans les détails des argumentations de deux maîtres du judaïsme ashkénaze de notre époque (pour les intéressés nous vous proposons de lire l'article du Rav Yoel Katan et la réponse du Rav Hamburger dans la revue Yerouchaténou (Notre héritage) année 5770/2010 volume No 4).

Pour résumer l'approche du Rabbin Yoel Katan, nous dirons qu’il part d'un axiome selon lequel toute tradition même "l'authentique tradition ashkénaze" a changé au cours des temps. Rav Yoel part de l'idée que "notre minhag" a pour source les traditions en vigueur à Jérusalem à l'époque du second temple (Responsa du Roch). Cette authentique tradition a été transmise de pères en fils durant plusieurs générations. Certaines de ces générations étaient moins pointilleuses que les précédentes sur les détails ou les raisons des traditions (par méconnaissance, non par volonté de "révolutionner" la liturgie traditionnelle), d'autres étaient plus érudites.

Les changements dans la tradition ashkénaze, comme tout changement des traditions qu'elle qu'elles soient (pas seulement religieuses), sont les conséquences "normales" de l'évolution de la société. Ces changements sont non seulement normaux mais nécessaires tant que le noyau de base reste intact. Ou comme l'écrit le Rav Yoel : "Tant que les traditions continuent selon les grandes lignes tracées par les anciens, on est en droit (ou c'est notre devoir?) d’adapter les détails à l'évolution de la société sur la base de l'adage "C'est pour réparer que nous t'avons envoyé et non pour gâcher envers la sainte garde" ( שדרתיך ולא לעוותי כלפי שומרי משמורת הקודש, T.B. Ketouvoth 209:2).

Le Rav Yoel pose la question cardinale suivante au Rav Hamburger : Il est incontestable que les traditions ashkénazes ont évolué au cours des générations. Quels sont les critères qui permettent de décider qu’une certaine tradition est devenue immuable? Qui a le pouvoir de décider depuis quelle génération telle ou telle tradition devient-elle permanente ? Pour le Rav Hamburger la question posée par le Rav Yoel est illégitime et à la limite du sacrilège. La tradition ashkénaze, par le seul fait qu'elle est la suite de la tradition de Jérusalem, est immuable. Elle nous oblige, selon l'adage, à ne pas "délaisser les instructions de ta mère" (Proverbes 1:8). Pour le Rav, "celui qui n'a que la Torah (sans les traditions) n'a même pas la Torah" (מי שאין לו אלא תורה אין לו תורה, T.B. Yevamoth 109:1). On peut résumer la position du Rav Hamburger comme suit : le problème dont parle le Rav Yoel est un faux problème car le tronc de nos traditions, tel que nos maîtres l'on planté, est immuable, et les rajouts faits au cours des générations font partie intégrale de la tradition, dès lors qu'ils ont été intégrés par les érudits et ont été adoptés par les dirigeants des communautés.
Comme il est normal de nos jours où tout est politique, le Rav Hamburger n'oublie pas de faire allusion au fait que le Rav Yoel représente les "Sionistes religieux" prêts à tout compromis alors que lui représente par le parti Agoudath Israël opposé à toute concession concernant la tradition.

Conclusion

"Le temps est venu d'agir pour l'Éternel, on a violé ta loi" (Psaume 119 verset 126). Ce verset est-il un avertissement, à savoir : Dieu agit (punit) le peuple au moment où il a changé la loi (T.B. traité Berakhoth 63:1), ou s'agit-il d'un consentement, voir l'obligation d'adapter les traditions à l'esprit du temps ?

Lors de la rédaction de la Michna les partisans de l'école traditionnelle voyaient dans la mise par écrit des textes, qui étaient transmis jusque-là oralement, comme une transgression grave à la tradition. "Rabbi Aba fils de Rabbi Hiya bar Abba dit au nom de Rabbi Yohanan: celui qui met par écrit la loi (Halakha) est considéré comme une personne ayant brûlé la Torah, et celui qui apprend d'eux n'a pas droit à un salaire" (T.B. Temoura page 14:2). Malgré les critiques, c'est cette rédaction qui a sauvé le judaïsme.

Un des maîtres du judaïsme de la fin du vingtième siècle, le Rav A. Even Israël (Steinsaltz) zatsa"l, a décidé de traduire le Talmud de l'araméen à l'hébreu moderne et par ce biais, de le rendre accessible à tous. Cette attitude a soulevé une violente réaction de l'orthodoxie classique. Après plus d'un demi-siècle, le Talmud Steinsaltz est traduit dans toutes les langues et permet à tous d'étudier notre tradition.

Si je peux me permettre, אני הקטן, de prendre partie dans ce conflit entre les importants maîtres contemporains du judaïsme ashkénaze cités ci-dessus, il me semble que la destruction du judaïsme ashkénaze durant la Shoah est un fait traumatique aussi important, si ce n'est plus, que ceux traversés par les générations précédentes, et c’est une raison suffisante pour justifier des adaptations de nos minhagim qui renforceraient leur pertinence tout en conservant scrupuleusement les grands principes de base de nos traditions. L’inverse conduirait la tradition juive de la vallée du Rhin au musée de l'histoire juive aux côtés du judéo-allemand, langue en voie d’extinction.


Traditions Judaisme alsacien Accueil
© A . S . I . J . A .