Avant qu’il ne soit trop tard, je me dois de dire à ceux qui ne l’ont pas connu, les délices du "Lungewurst". En français : La saucisse de mou. Composée essentiellement de poumon de bœuf assaisonné de diverses épices, quelques oignons, de l’échalote, de l’ail, à laquelle il convient d’ajouter également le gras de l’animal, cette farce contenue dans un boyau approprié, éleva le saucisson de mou au rang des divinités de la gastronomie judéo-alsacienne.

Servi sur un lit de purée de pomme de terre ou trônant sur un monticule de choucroute, le "Lungewurst", malgré la condition modeste de ses ingrédients, rivalisait aisément avec les plats vedettes du repas. Ne dit-on pas qu’il constituait le pendant cachère du boudin de Noel ?

Eh bien, ce prince de nos tables n’est plus.
Cette gourmandise, Delikatesse, a brutalement disparu de l’étal de nos boucheries juives, les seules qui les offraient à la vente. Comme j’en demandais la raison on invoqua la restructuration de la production charcutière, la rigueur nouvelle des surveillants du Beth-Din, le coût excessif de leur fabrication, que sais-je encore ?

Jusqu’au jour où un technicien de la viande m’a livré la clef de l’énigme :

• L’assassin du "Lungewurst" ? mais c’est le vétérinaire des abattoirs, m’a révélé cet homme du métier. Figurez-vous qu’il a décidé en invoquant je ne sais quelle directive de Bruxelles que les poumons du bœuf ne pouvaient quitter l’abattoir pour la consommation humaine.
• Et pourquoi cela ?
• A cause de la cacherouth. Vous savez que nous devons procéder à une insufflation du poumon pour vérifier s’il est sain. On la pratique en général de la façon suivante. Le sacrificateur, le shohèth, introduit l’embout d’un compresseur dans la trachée artère du bœuf abattu ; l’air comprimé se loge dans les alvéoles du poumon. Si aucune fuite n’est détectée, le poumon est cachère.
  
• Parfait. Où est le mal ?
  
• Attendez. Le vétérinaire estime, quant à lui, que l’air tout comme l’embout sont chargés de bactéries qui infectent le poumon et le rendent impropre à la consommation.
• Alors, si j’ai bien compris, un bœuf qui respire s’infecte ?
• Non, il dispose d’une défense immunitaire de son vivant. Une fois mort, c’est fini, la moindre bactérie qui s’attaque à ses poumons va à la victoire…

De quoi vous couper le souffle.
Mais mon détective des carcasses corrige un tant soit peu les conclusions de son enquête.

• Entre nous soit dit, l’on pourrait parfaitement expliquer au vétérinaire la nécessité de l’insufflage et prendre les mesures d’hygiène nécessaires pour aseptiser les embouts. Seulement figurez-vous que tous y trouvent leur compte : la fabrication du "Lungewurst" est longue, onéreuse, peu rentable…

Et voilà pourquoi ce régal de nos dîners d’hiver rejoint la cohorte des espèces disparues.
En France, par les temps qui courent, on manifeste pour moins que ça.

Secrets de la Lungewusrt perdue Si vous cherchez "Lungewusrt" sur Google c’est le néant absolu, le vide sidéral. Il me fallait rétablir cette erreur et donner à Google et au monde (juif ou non) une description fidèle de cette tradition charcutière judéo alsacienne . Alors par où commencer si même le puissant oracle se trouve sans réponse face à cette ineffable saucisse ? Une saucisse me direz vous ? Oui mais pas n’importe laquelle, une Lungewurst, prononcer LOUNEGUE WOURCHT pour les non dialectophones. Savez vous quelle est la différence entre un charcutier et le bon D.ieu ? Le charcutier lui sait ce qu’il ya dans la Lungerwusrt ! Bande de veinards vous allez enfin connaître la vérité et découvrir le chemin de grâce absolu en découvrant ou re-découvrant les secrets de la Lungewusrt perdue. À ce propos, toute ressemblance avec un film d’aventure est tout à fait fortuite, il paraît même qu’un célèbre cinéaste se se serait inspiré de ce titre pour en faire un film à succès, comme quoi la saucisse ça mène vraiment à tout ! Alors pour les mordus de la saucisse retenez que dans une Lungewusrt il faut du gras (beaucoup), du mou ou poumon (veau ou boeuf), du sel du poivre, des épices, et l’ingrédient principal, beaucoup d’amour (vraiment beaucoup) ! Je cesse là de vous tordre les boyaux, je les garde pour ma saucisse ils seront beaucoup plus utiles et vous laisse en compagnie d'André MENDEL qui m’a ouvert les portes de son sanctuaire de la bonne chère... à saucisse bien sûr ! Bon appétit, Dan Leclaire, charcutier, magicien mais pas que ...

Film réalisé par Dan Leclaire en août 2020 avec André Mendel, son épouse et son gendre

Recettes de cuisine

Articles sur la cuisine

© A . S . I . J . A .