Merci à chacun pour cette belle soirée de partage et de fraternité (14 février 2017 à Saverne)
Merci à chacun des intervenants pour cette belle rencontre, pour leurs apports solides et pour les possibles, ouverts…
Prière à plusieurs voies… prière à plusieurs voix
Temps de prière interreligieuse ? Temps de prière en fraternité humaine ?
Association Cultures et Religions 67700 Saverne

Ceci n’est pas directement un compte-rendu uniquement de notre dernière rencontre, et doit être reçu comme aussi une étape du chemin de réflexion engagé après la demande de membres de l’association :
"Ne pourrait-il pas être possible à Cultures et religions, d’envisager des temps de prière ensemble ?"

"Prière à plusieurs voies"
"Ô qu’il est bon pour des frères, d’être ensemble" - 14 février 2017 Foyer St Joseph Saverne

Le travail de réflexion engagé "Prière à plusieurs voies", la soif exprimée, d’une prière au cœur du dialogue interreligieux, nous conduisent à tracer ici quelques pistes à notre mesure …

Participants :

Extrait de l'introduction

On ne vous cache pas que nous étions assez pessimistes (voir le nombre de chaises préparé) … On se réjouit du nombre, non pas parce que ça fait du nombre, mais parce que ça veut dire que le thème intéresse et que vous êtes d’accord pour contribuer à la réflexion engagée sur ce thème de la prière interreligieuse. Alors merci à chacun…

… Prière à plusieurs voies". Voies : V O I E S chemin, et non pas (ou pas encore) voix : V O I X son.
C’est le titre choisi par les membres du CA de Cultures et Religions, pour marquer aussi que nous ne sommes ce soir que dans une étape d’entre-connaissance de l’autre et de réflexion ensemble.

Quand on aborde un thème-question à plusieurs, dans l’interreligieux notamment, il y a des questions de vocabulaire, de ce que chacun met sous le mot donné et qui n’est souvent qu’une traduction. Au milieu des mots, église, tradition, religion, communauté, confession, œcuménique et interreligieux, pour m’arrêter là, le mot de prière et celui de culte le vérifient.

Prière et cultes se vivent au cœur de nos communautés de foi, au cœur de nos lieux de culte et de prière, au cœur de nos vies comme individu croyant.
Ce soir nous acceptons de courir le risque de s’expliquer mutuellement ce que nous mettons sous ces mots.

Il est aussi important dans ce prélude de préciser que deux rencontres ont précédé celle de ce soir.
La première a pris la forme d’un temps d’échange et de partage qui nous a donné le sentiment que nous n’étions pas si loin les uns des autres en ce qui concernait notre expérience du vécu de la prière et la place de la prière dans nos vies à chacun. La deuxième fut une rencontre de travail essayant de cerner les questions soulevées en envisageant une prière interreligieuse à Saverne, avec un point d’interrogation. Nous avons évoqué quelques expériences, plus près ou plus loin de nous dans le monde. Nous en sommes restés à la question de qui "avait le droit" en quelque sorte d’en prendre l’initiative. Cultures et Religion ? Les responsables religieux ? Ensembles… Dans quelle situation ?

Ce soir nous avons des invités, extérieurs à Saverne. Et nous leur sommes très reconnaissants d’avoir accepté de se déplacer. Nous leur avons demandé de nous aider à poser quelques jalons. Ce que nous rapportons ci-dessous est sous notre responsabilité et correspondent à nos prises de notes et à un langage oral.

Extrait de l’intervention de Saïd Aalla
Président de l’EECAM (Espace Européen des Cultures Arabo-Musulmanes).

De tous les actes d’adoration que le musulman doit accomplir, la prière demeure de loin l’adoration la plus importante au regard de l’islam. Non seulement parce qu’elle est considérée comme le deuxième pilier de l’islam, qui arrive juste après la confession de foi, mais également parce qu’elle établit la relation la plus directe, la plus intime, la plus intense du croyant musulman avec Dieu. De ce point de vue la prière est l’adoration que le musulman accomplit durant toute sa vie et à chaque instant. Pendant les moments de joie, de tristesse, d’épreuve, en voyage comme chez soi, le musulman ne cesse de prier.
Cette conception de la prière est très large. Elle se manifeste sous forme… d’invocation… de méditation… de rappel… Mais ce n’est pas de ce sens large dont je vais vous parler ce soir. Je me contenterai du champ restreint de la prière à savoir les cinq prières canoniques et quotidiennes, celles du vendredi et accessoirement les deux prières des deux fêtes religieuses.
Je vais donc, comme il a été souhaité pour vous en parler, m’appuyer sur un lieu de culte qui est la mosquée qui est considéré comme le lieu de prière musulman par excellence pour évoquer avec vous la question de la prière selon la religion musulmane.
Le mot mosquée… signifie le lieu de prosternation, un geste que répète le musulman plusieurs fois dans chaque prière, celui de poser son front sur le sol, signe d’humilité du musulman face à son créateur.

Les premières mosquées
Le prophète qui reçoit la révélation à la Mecque, alors âgé de quarante ans, … durant cette période mecquoise, on constate l’absence totale de construction de mosquée. Une maison a été mise à disposition par l’un de ses adeptes, servant ainsi à ses compagnons de lieu de rassemblement.
Lorsque le prophète arriva à la ville de Médine… le prophète commence par fonder la première mosquée qu’on nomme jusqu’à présent la mosquée du prophète, le deuxième lieu saint de l’islam.
Cette mosquée avait approximativement 35m de côté… composée de trois parties, la partie nord qui était aussi la partie couverte puis à l’arrière la partie non couverte et à l’est les pièces de vie du prophète et de sa famille. C’est d’ailleurs dans une de ces pièces que se trouve le tombeau du prophète. Cette mosquée a été dotée d’une architecture très modeste, construite à partir de matériaux simples. Il n’y avait encore de mihrab (Indiquant l’orientation vers la Qibla), il n’y avait pas non plus de minaret.
A cette époque, la mosquée était à la fois lieu de prière, siège de gouvernement, lieu d’enseignement, palais de justice, infirmerie et même le lieu de refuge pour nécessiteux. En quelques mots c’était le cœur battant de la cité. Toutes les grandes décisions ont été prises dans cette mosquée.
Pour se situer dans le temps on est en 622, l’an 1 de l’Hégire et le début du calendrier musulman.
Q uelques années après la mort du prophète, quelques mosquées ont été construites… Elles n’avaient ni mihrab, ni minbar (la chaire sur laquelle l’imam se met pour prononcer son discours le vendredi) et pas de minaret.
Cependant aujourd’hui ce sont ces mêmes éléments qui servent de symboles pour identifier une mosquée de l’extérieur, mais également la distinguer à l’intérieur des autres espaces profanes.
Ces éléments historiques que je ne fais que survoler n’ont pas pour but de faire une histoire de la mosquée, mais de rappeler quelques notions qui peuvent guider notre réflexion.

Permettez-moi maintenant de faire un grand saut dans l’histoire pour nous ramener au 20ème siècle.
C’est en 1975 qu’une délégation de savants musulmans se réunira à Strasbourg et c’est la cathédrale de Strasbourg qui leur offrira l’hospitalité et la possibilité de faire leur prière. Il existe une seule photo rapportée par un journal local … à retrouver. C’était un événement et un geste exceptionnel.
En 1977 l’association AEIF, association des étudiants islamiques de France, une association nationale dont est issue aujourd’hui la Grande Mosquée de Strasbourg, créa une section à Strasbourg. Ce sera cette association qui sera à l’origine de la transformation d’une ancienne usine de foies gras en mosquée.
Avant l’acquisition de ce lieu, des étudiants musulmans ainsi que quelques résidents maghrébins ont fait la démarche auprès de l’église protestante St Mathieu de Strasbourg. Le pasteur de l’époque a bien voulu mettre à disposition un local dans cette église pour servir de lieu de prière pour le vendredi.
Les musulmans de Strasbourg et d’Alsace sont toujours reconnaissants à ce pasteur…
D’autres exemples peuvent être mentionnés comme à Koenigshoffen… mais aussi dans le monde comme ce rabbin juif au Texas qui a remis les clés de la synagogue à la communauté musulmane (de Victoria dont la mosquée venait d’être victime d’un gigantesque incendie 28 janvier 2017).

La construction de la Grande Mosquée de Strasbourg

27 septembre 2012 : Discours du grand rabbin René Gutman, représentant de l'ensemble des cultes. Inauguration de la Grande Mosquée de Strasbourg - © Jérémie JUNG/CIRIC/

C’est en 1991 que l’idée de la construction d’une mosquée à Strasbourg a fait son chemin. Plusieurs années de réflexions et de débats étaient nécessaires avant que le projet prenne réellement forme.
En 1998 une déclaration unique dans l’histoire des constructions des mosquées en Europe, les représentants des quatre cultes reconnus signent une déclaration soutenant le principe de cette construction – et je remercie ici le grand rabbin René Gutman qui était un des signataires de cette déclaration – un geste symbolique et historique, que les musulmans ne sont pas prêts d’oublier.
En octobre 2004, la pose de la première pierre de la Grande Mosquée de Strasbourg a eu lieu en présence des quatre cultes reconnus, signataires de la déclaration de 1998, un geste inédit… S’en est suivi un autre geste aussi symbolique et encore plus fort, au moment de l’inauguration… ce jour-là les quatre religions monothéistes parlent d’une voix unique. La photo a fait le tour du monde…
Comme toutes les mosquées du monde, la Grande Mosquée de Strasbourg est orientée vers la Mecque, et donc dispose d’un mihrab, à la différence de la mosquée du Prophète… Ce mihrab situé dans le mur sud de la mosquée indique bien cette orientation… On ignore à quel moment précis cet élément a fait son apparition pour faciliter l’orientation de la prière des visiteurs et des voyageurs.
La prière du vendredi est précédée traditionnellement par un prêche prononcé par l‘imam depuis une chaire appelée minbar. Je rappelle que le prophète n’avait pas de chaire et que c’est un de ses compagnons qui lui proposa un jour de lui fabriquer une avec trois marches. Aujourd’hui, les minbar n’ont rien à voir avec cette simplicité, ce sont de grands monuments en bois généralement, décorés parfois avec du cuivre comme celui de la Grande Mosquée de Strasbourg, et parfois en marbre…
Les musulmans prient derrière l’imam en formant des rangées alignées les unes derrière les autres.
La prière se fait en accomplissant un certain nombre de gestes d’inclinaisons et de prosternations, ce qui exige une propreté des tapis et des moquettes. Cela induit également l’absence de mobilier dans la salle de prière, mis à part quelques chaises pour les fidèles qui ont des difficultés à faire leur prière debout…
Aujourd’hui entre 1500 et 2000 fidèles célèbrent la prière du vendredi à la Grande Mosquée. Il y a aussi d’autres mosquées de quartier…

Toute prière doit être précédée par une purification rituelle … ou ablutions. Chaque mosquée dispose d’un espace dédié à celles-ci. Le musulman doit se déchausser avant de pénétrer dans la salle de prière.
En général il y a un espace réservé aux femmes (mezzanines ou espace à l’arrière de la salle).
Le muezzin ou la personne qui fait l’appel à la prière peut être l’imam lui-même comme il peut être un simple fidèle ou une personne chargée officiellement pour faire l’appel à la prière, indiquant l’entrée de l’heure déclarée de celle-ci.
Traditionnellement, celui-ci se fait du depuis un minaret au travers de haut-parleurs. La grande mosquée n’en dispose pas. L’appel se fait à l’intérieur de la salle de prière, même si l’architecte a dessiné un minaret. Les mosquées d’Europe et de France, comme celle de Paris, Evry, Lyon… disposent toutes d’un minaret, mais cet élément architectural est beaucoup plus un élément décoratif symbolique qu’un élément fonctionnel.
Aucune de ces mosquées ne prétendent l’utiliser un jour pour faire l’appel à la prière.
Certaines manifestations à l’intérieur de la salle de prière suscitent quelques critiques de la part de fidèles.
Il est installé dans l’esprit des musulmans que la mosquée doit être dédiée exclusivement à la prière. Toute autre manifestation est de nature à souiller cet espace qui doit demeurer un lieu de prière, de recueillement, de méditation… Les visites de non-musulmans sont parfois sujets de polémiques bien que certains pays comme la Turquie soient beaucoup plus tolérants à cet égard… C’était le cas en Syrie avant… et c’est le cas dans certaines mosquées d’Egypte… dans les pays du Maghreb, les mosquées ne sont généralement pas ouvertes aux non-musulmans simplement parce que le général Lyautey, résident au Maroc, a interdit aux non-musulmans d’entrer dans la mosquée pour des raisons, idéologiques, de sécurité, politiques…
Une anecdote… cet été en compagnie de ma femme et de la famille, et j’ai voulu leur faire visiter la mosquée de Al-Quaraouiyine (à Fès-Maroc),… la mosquée-université qui a été fondée par une femme. Cette mosquée est la première université musulmane. Elle a formé et continue de former des générations de savants et de théologiens (en l’an 859 avec une très ancienne bibliothèque, fréquentée par Ibn Arabi, Ibn khaldun… Maïmonide… Gerbert d’Aurillac futur Pape Sylvestre II, et qui vient d’être rénovée par l’architecte Aziza Chaouni). Quand je suis rentré dans l’espace de cette mosquée, j’étais un peu étonné non qu’on interdise aux non-musulmans de rentrer, mais parce qu’on interdit aussi aux femmes de rentrer… parce que ma femme on lui a interdit de rentrer dans l’enceinte de la mosquée, ainsi qu’à ses cousines… ça m ‘a choqué… une mosquée fondée par une femme… c’est paradoxal…
A la Grande mosquée de Strasbourg, dès la première heure, nous avons pris l’initiative, pas toujours comprise, d’ouvrir la mosquée à l’ensemble de nos concitoyens car l’on considère que c’est une mosquée citoyenne ouverte sur la cité et que chaque citoyen a le droit de s’y rendre au moins pour la visiter. Tradition qui continue à ce jour, malgré certaines manifestations comme les Sacrées Journées qui suscitent quelques réticences.

Je vous remercie de votre écoute… Saïd Aalla (Propos rapportés à partir des prises de notes de C et R)

Extrait de l’intervention de René Gutman
Grand rabbin de Strasbourg et du Bas-Rhin

Plusieurs voix ou voies… me fait penser à l’histoire d’un Robinson Crusoé juif… et lorsque les marins sont arrivés sur l’ile, ils ont constaté qu‘il y avait deux synagogues, deux lieux de cultes… On a demandé à ce juif, "t’es tout seul et il y a deux synagogues"… il répond : "il y a celle où je vais pour prier le Shabath et l’autre je n’y mets jamais les pieds !"
C’est une boutade, mais qui relativise peut-être d’entrée de jeu la question du lieu de culte.

Avant de poursuivre… Invoquer quelques versets du Psaume 133 "Hine matov… Ô qu’il est doux, qu’il est agréable pour des frères de demeurer ensemble, dans l’unité, la prière… » (Versets qui ont été chantés)… qui traduisent tout à fait ce que l’on vit ce soir.

… Parler effectivement de ce caractère relatif du lieu de culte, pour nous rappeler que dans le Premier Testament, dans la Torah, dans la Bible on ne trouve pas de lieu de culte. … Parce que Dieu apparaît dans le récit de la Genèse tout proche de Adam (Adam et Eve) et que plus tard il parle de manière très familière avec les Patriarches, Abraham, Isaac Jacob, d’ailleurs quand Abraham est en prière, en conversation avec Dieu, à un moment il lui dit il faut que j’aille accueillir trois visiteurs qui sont là sous la chaleur du jour, la tradition nous dit qu’Abraham interrompt sa prière, son dialogue avec Dieu pour aller à la rencontre de ces trois personnes. On ignore totalement l’idée qu’il faille s’adresser à Dieu dans un lieu spécifique.
On le voit ensuite à travers les autres patriarches, mais on le voit surtout dans le fameux épisode du Buisson ardent, la révélation a lieu là où on s’y attend le moins. Devant une scène tout à fait énigmatique de ce buisson qui brûle sans se consumer
… Tout cela me laisse à penser que si l’on veut savoir ce qu’est la prière, peut-être faut-il la dissocier de l’espace dans lequel vous vous êtes enfermé…
D’ailleurs j’ai pas besoin de vous rappeler certains passages de la Bible, en particulier dans Isaïe (66:1) où Dieu s’adresse ainsi en disant "Y a-t-il un temple que vous pouvez me construire… pour m’adorer alors que je remplis la terre entière."
Effectivement la tradition rabbinique dit que "là où deux ou trois personnes sont rassemblées – on ne parle même pas d’une adhésion à une même foi – en mon nom (en référence à la transcendance) je suis au milieu d’eux" (aussi dans Mathieu 18:20).
De même il est également dit (Psaume 16:8) : "je garde le Seigneur devant moi toujours" comme si la prière n’était pas entendue comme une fin en soi, mais comme un viatique pour aller à la fois à la rencontre de Dieu et à la rencontre du prochain.
C’est la raison pour laquelle, dans la tradition talmudique, rabbinique, pour illustrer le temps des prières (il y a un temps comme dans toutes les religions)… si l’on veut savoir à quel moment le matin il est permis de commencer la prière du matin, quand est-ce que le jour commence. Réponse : lorsque je reconnais mon prochain, mon vis-à-vis.
… le lieu, l’espace religieux n’est pas la condition sine qua non pour que l’on puisse continuer la prière
Encore une fois, sans vouloir trop donner de citations, dans Exode 20:24, Moïse transmet cette parole de Dieu "En tout endroit où mon nom sera appelé, je viendrai moi pour te bénir ». Encore une fois, il y a cette idée de spontanéité, cette idée assez audacieuse pour nous qui dissertons autour de l’espace, lieu, l’architecture et d’autres choses encore, puisqu’on verra que même la synagogue, comme les autres lieux de culte avait aussi une orientation.
Mais on voit qu’avant que les religions aient édicté une économie de la prière à travers le temple, la synagogue, la pagode, l’église ou la mosquée, on voit qu’à l’origine, ce n’est pas ça, mais c’est essayer de chercher un visage.

Comment prier ensemble ?
Maintenant, je voudrai aller un peu de l’avant puisque que la question qui est posée au niveau de la prière à plusieurs – voix, voies – … C’est clair qu’on ne peut pas faire l’économie de se dire que nous sommes tous héritiers d’une tradition multiples sur le plan culturelon pourrait comprendre que chacun d’entre nous, a sa mélodie particulière, a sa façon de parler à Dieu et que personne parmi nous ne pourrait s’arroger d’avoir la vérité intrinsèque. Mais par contre chacun reconnaitrait dans l’autre sa vérité ce qui permettrait que chacun dans sa spécificité, on puisse ensemble nous rassembler et ensemble prier.
Je dirai ça sur le plan de notre expérience culturelle historique. On ne peut vivre de façon solitaire… "Il n’est pas bon que l’homme soit seul" … nous sommes appelés à vivre ensemble, à agir ensemble et à prier ensemble. Je le crois profondément.
Par contre, comment prier ensemble ? Là se pose un problème théologique assez complexe.
Le verbe, le logos, la parole, ne se prête pas à l’universel. Je vais m ‘expliquer là-dessus. Qu’est-ce que c’est que la parole de la foi ? … Chacun d’entre nous, chaque croyant… Je dirai que la parole de la foi reflète l’inspiration intime, privée et paradoxalement inexprimable d’un individu avec son créateur, et la façon dont il a à se relier avec Dieu, sa relation privée avec Dieu. Je ne le dis pas simplement sur le plan de ma religion par rapport à une autre religion, je le dis par rapport à des croyants qui partagent la même religion. … Quelque chose d’inexprimable et qui ne peut pas être compris même par la personne qui serait la plus proche de moi-même. Comme si y avait quelque chose qui ne pouvait pas se transmettre de façon universelle, parce que le domaine de la foi c’est quelque chose d’extrêmement intime,… y a un caractère lumineux … que seul chaque croyant peut mesurer à son niveau.
Si je pose comme hypothèse que le langage de la foi est quelque chose d’intime et de personnel qui reflète ma vie intérieure, qui ne peut pas être exprimé vers l’extérieur, comment peut-on poser la possibilité des communautés qui ont elles aussi des engagements particuliers, des fois particulières, sur le plan théologique, sur le plan spirituel, … comment peut-on imaginer que des communautés de foi puissent se rassembler pour partager … quelque chose qui est par définition si personnel. Je n’ai pas de réponse à cette question. C’est une question extrêmement difficile.
C’est une raison pour laquelle dans la prière… juive, il y a des passages qui sont dits à haute voix et des prières qui sont dites à voix basse. Il y a des prières collectives et des prières individuelles. Je n’ai pas de réponse à cette question qui est théologique, mais j’ai un élément de réponse : de suggérer qu’entre les communautés religieuses, comme j’ai mis comme hypothèse que le message divin était quelque chose d’incommunicable qui échappe aux moyens de communication standard habituel, on est pas dans le domaine de l’information, de la communication, de la discussion, de la conversation… c’est en nous-même que ça se passe, je dirai que s’il y a une possibilité de s’avancer entre ces voix/voies … en partageant ensemble des projets et des actions, des initiatives qui tendraient à réparer ce monde, à le rendre meilleur. À adopter des plans qui permettent à notre société de la rendre digne de la vocation pour laquelle le monde a été créé.
Pas dans le domaine de la foi, mais au risque de vous choquer, dans le domaine des structures profanes de la laïcité et en particulier dans le domaine de l’humanitaire. Dans le domaine où on peut se dévouer à l’autre et au monde sans nécessairement passer par la foi.
… Une fois qu’on a prié, qu’on a tourné son cœur vers Dieu… il ne faut pas rester enfermer à l’intérieur de nos synagogues, temples… une religion n’est pas une île…
S’il fallait donner un sens au projet de prier ensemble, je dirai que la prière ensemble ne devrait pas faire l’économie de sa prière à soi… mais en vue de … pour le bien de la communauté humaine
C’est comme ça que l’histoire sainte se déroule, non pas pour imaginer qu’elle se limite à un dialogue entre des hommes et Dieu mais elle se déroule en vue de la rédemption… (fin des temps, parousie) en vue d’une société où nous devenons tous frères ou les rapports entre les uns et les autres sont des rapports de fraternité.
Il faut construire le monde selon les uns par la voix, selon les autres par la voie… mais il faut le construire… c’est à ce projet qu’on peut être amené à œuvrer ensemble.

Je vous remercie… René Gutman (Propos rapportés à partir des prises de notes de C et R).

Extrait de l’intervention d’Etienne Uberall
Curé de St Pierre le Vieux à Strasbourg, délégué diocésain pour les relations avec les musulmans

… Je suis très heureux d’être avec vous ce soir et de me retrouver dans ces rencontres interreligieuses que nous avons l’habitude de vivre ensemble et c’est toujours un plaisir de s’écouter, de partager, d’entendre ce que disent les uns et les autres et de se dire, "tiens c’est parfois comme ça chez moi… , c’est comme ça chez vous …» Et on se ressemble tellement que j’avais prévu de commencer par la phrase, "Là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, je suis au milieu d’eux".
… Justement en parlant de ce lieu ou de cet espace de prière, puisque que c’est un peu le challenge de ce soir, on va parler de la prière des lieux où nous prions et des espaces qui nous sont donnés et je fais bien écho à ce que disait le grand rabbin, tout à l’heure, nous n’avons pas comme chrétien d’abord de lieu de prière, faisant écho à cette parole de Jésus et d’autres paroles dans saint Matthieu, le Sermon sur la montagne, évangile que nous lisons le mercredi des Cendres et qui dit, "quand tu pries, retires toi dans ta chambre, va dans ton coin le plus secret, adresse ta prière au père et ton père qui est là dans le secret va l’entendre."
Donc notre prière personnelle, elle n’a pas besoin d’un lieu particulier et en cela nous prenons modèle sur Jésus qui à la fois nous invite à prier dans le secret et puis pour lequel – vous avez évoqué la montagne comme lieu de rencontre entre Moïse et Dieu – mais c’était aussi dans tout l’évangile dans toute l’histoire de Jésus le lieu de sa rencontre avec Dieu. Combien de fois dans l’évangile, lit-on, Jésus s ‘étant levé de grand matin prier son père sur la montagne ou bien il descendit de la montagne après avoir passé toute la nuit à prier Dieu. Donc il avait ce lieu de ressourcement, même s’il a fréquenté comme tout bon juif qu’il était, la synagogue, mais son lieu de la prière personnelle était la montagne, était n’importe quel lieu où il pouvait s’adresser à son père.

Ce qui fait que notre lieu de prière comme chrétien c’est d’abord tout lieu où vivent les hommes
que ce soit dans les transports en commun, que ce soit au chevet d’un malade, que ce soit dans une prison, que ce soit dans une voiture, … c’est pas une histoire mais c’est ce que nous avons vécu il y a trois jours avec l’équipe pastorale sur les traces de sainte Brigitte en Irlande, dans le minibus nous avons chanté le cantique de Daniel des Créatures et le Notre Père ensemble, nous n’avions pas besoin d’autre lieu que le lever du jour et le soleil qui arrivait pour louer le Seigneur dans sa création.
En même temps, nous avons aussi besoin et c’est peut-être un avantage propre aux traditions catholiques et chrétiennes, nous avons besoin d’un environnement qui porte à la prière. Nous le voyons bien nous avons dans nos maisons … un coin prière, avec une bougie, une icône, une image et en cela nous nous distinguons d’autres traditions religieuses, un lieu qui va porter à la méditation.
Un beau lieu… mais en même temps tout lieu où vivent les hommes devient pour nous un lieu de prière… hôpitaux, prisons… parce que là des hommes vivent quelque chose … ce que nous vivons chaque année, l’ensemble des paroisses du centre de Strasbourg, le vendredi saint, nous faisons un chemin de croix dans les rues de Strasbourg avec une particularité, chaque fois que nous nous arrêtons, nous nous arrêtons devant un lieu signifiant de la vie des hommes et nous prions pour les hommes liés à tel ou tel lieu. Si nous sommes devant la gare de Strasbourg nous prions pour les personnes en difficulté qui sont accueillies juste à côté, lorsque nous sommes devant le musée d’art contemporain nous prions pour les artistes, lorsque nous passons devant un lieu qui accueille les caravanes de Roms ou un lieu d’accueil pour sans abri nous prions pour ces personnes là et tout à coup notre prière est habitée autrement, c’est à dire que nous prions Dieu pour des personnes qui tout d’un coup ne sont pas simplement des idées mais qui deviennent des visages que nous croisons dans la rue.

Après il y a bien sûr des lieux de prière.
Il y a des églises où nous sommes davantage invités à la prière. Je dirai qu’il y a deux fonctions, deux manières d’être un lieu de prière : il y a ce que nous pouvons appeler l‘oratoire du verbe latin orare/prier, ora/la prière, davantage destiné à la prière personnelle et on va y trouver dans notre tradition catholique, une statue, une image, le saint-sacrement, le corps du Christ, les hosties consacrées, qui est pour nous le lieu essentiel de l’église catholique devant lesquels les personnes vont se recueillir et prier, … il y aura de la musique peut-être, il y aura du silence, une lumière tamisée, un environnement qui porte à la prière. C’est l’oratoire, petite chapelle de campagne ou chapelle dans la cathédrale de Strasbourg… un endroit de l’église où on va se retrouver mais qui pourrait être ailleurs que dans une église.

Ensuite il y a l’église.
Tout à l’heure on a donnée des étymologies : église vient du mot ecclesia qui veut dire assemblée, donc l’église est bien le lieu pour rassembler les chrétiens au nom du Christ. De même qu’il n’y avait pas de synagogue au début de l’histoire du peuple juif, il n’y avait pas d’église au début de l’histoire du peuple chrétien. L’eucharistie était célébrée dans des maisons, on en a de nombreux témoignages dans les écrits de saint Paul, on était chez l’un ou chez l’autre. On a quelques anecdotes … l’homélie de saint Paul était tellement longue que le petit garçon qui était assis sur la fenêtre, s’est endormi, est tombé, est mort et Paul l’a ressuscité… on célébrait l’eucharistie après le repas, mais saint Paul est obligé à un moment de mettre les points sur les i en disant pendant le repas on partage ce qu’on a apporté, on ne mange pas ce qu’on a apporté sans se préoccuper de celui qui n’a pas à manger … on ne peut pas célébrer en vérité le repas du Seigneur sans s’engager à partager ce que nous avons… Saint Paul va faire ce lien là.
Evidemment ensuite lorsque les assemblées deviendront plus grandes on va construire des églises, des lieux réservés à cela qu’on appellera aussi "la maison de Dieu", parce que nous avons une manière d’être accueilli par Dieu dans ce lieu qui est réservé à la prière, qui est dédié à cela, qui est béni pour cela, un lieu qui est consacré pour ça et qui devient le lieu où on ne fait rien d’autre.
Saïd nous parlait des difficultés pour organiser quelques fois d’autres activités dans la mosquée réservée à la prière, l’église aussi est réservée, même si nous sommes le plus accueillant possible, à la prière et à la célébration de l’eucharistie, la messe qui se fait selon des normes précises.

On n'est plus, dans la prière personnelle.
La messe n’est pas l’addition des prières personnelles de tous ceux qui sont là, c’est l’expression d’une prière communautaire. Bien sûr il y a des temps où nous prions personnellement, il y a des temps de silence, mais c’est d’abord l’expression d’une prière communautaire, qui se fait, et c’est peut-être intéressant de dire que la structure de la messe nous vient de la structure dans l’évangile de Luc chapitre 24, la rencontre des disciples d’Emmaüs avec le Christ…
Les deux disciples en train de discuter sur le chemin parce qu’ils sont très tristes après la mort de Jésus, Jésus les rejoint, ils ne le reconnaissent pas, c’est Jésus lui-même qui va leur expliquer dans l’écriture et dans les prophètes tout ce qui le concerne.
Et ensuite, ils se retrouvent à l’auberge d’un village qui s’appelle Emmaüs à deux heures de marche de Jérusalem, … ils reconnaissent Jésus à la fraction du pain, ce geste qu’il a fait le soir jeudi soir avant sa mort, et ensuite ils retournent, ils sont envoyés annoncer cette nouvelle de la rencontre avec Jésus et ça a donné lieu à la structure même de notre messe c’est à dire nous arrivons avec ce qui fait notre vie, nous écoutons la parole de Dieu, c’est à dire, la parole du Christ vient nous rejoindre dans ce que nous vivons, nous le reconnaissons ensuite par ce que nous appelons la fraction du pain, c’est à dire la communion, l’eucharistie et nous sommes envoyés en témoigner.
On comprend bien en regardant cette rencontre des disciples d’Emmaüs avec Jésus combien la messe est un acte communautaire, nous venons individuellement et ensuite nous sommes pris dans cette prière communautaire.
Voilà je ne sais pas si on peut en dire beaucoup plus sur les églises, … mais il me paraissait important de faire la distinction de ce qui est de l’ordre de la prière personnelle, qui peut se faire dans n’importe quel lieu … et le lieu de la prière communautaire qu’est l’église.
Alors on a mis dans ces églises… une expression de l’art… on disait autrefois que rien n’était trop beau pour Dieu. Aujourd’hui quand on construit une cathédrale on est revenu à des choses beaucoup plus modestes parce que on a comme des tensions entre ce qu’on va mettre pour rendre un lieu beau à la gloire de Dieu et l’appel que nous avons à partager avec les autres.
Je peux vous dire que dans notre église actuellement nous refaisons la peinture, et l’autre jour, une dame est entrée scandalisée et a dit à quelqu’un qui était là, comment peut-on mettre autant d’argent dans la peinture, on ferait mieux de le donner aux pauvres. Donc c’est toujours cette tension-là, comment est-ce que nous rendons nos lieux beaux et accueillants sans en faire des édifices tapageurs…

La dernière chose que j’avais envie de dire, faisant écho à ce que vous avez dit, monsieur le grand rabbin, tout à l’heure, nous avons en commun comme croyant, de vivre nos vies en faisant place aux transcendances, ce que les religions monothéistes appellent Dieu, et nous disons que nous avons un seul Dieu, nous nous mettons à son écoute, nous lui parlons selon les accents différents de nos traditions, et lorsqu’on évoquait la question de prier ensemble, je me disais que nous pourrions davantage nous tenir ensemble pour prier que de prier Dieu ensemble… Nous tenir ensemble pour prier dans le silence…
Il n’y a pas si longtemps avec le groupe d’amitié islamo-chrétienne, nous visitions la mosquée de Kehl et c’était juste après un événement dramatique du monde… et nous nous sommes tenus ensemble pour prier, sans mot dire, mais il y avait peut-être encore plus de force dans ce silence commun que dans l’expression de prières parlées.
La marche de la fraternité, et bien d’autres moments où nous nous tenons ensemble révèlent bien que nous sommes unis dans la prière même si elle ne s’exprime pas de manière verbale.

Je vous remercie. Etienne Uberall (Propos rapportés à partir des prises de notes de C et R)

Extrait de l’intervention de Dominique Blény
Moine bouddhiste zen

Bonsoir à tous, j’étais très heureux et très intéressé d’entendre tout ce qui s’est dit et j’espère pouvoir vous faire partager un petit peu l’éclairage bouddhiste sur ce qui concerne la prière.
Je vais juste rappeler quelques généralités qui concernent le bouddhisme qui sont importantes pour mieux comprendre la manière dont s’exprime la dévotion dans notre religion.

Pour les bouddhistes, il n’y a pas de créateur et donc il n’y a pas de relation entre la créature et son créateur.
D’autre part, toutes les traditions bouddhistes, qui sont nombreuses, s’accordent sur les grands principes énoncés par le Bouddha, qui sont les principes d’impermanence, d’interdépendance et de non soi, que je ne vais pas développer parce que ce n’est pas l’objet ce soir, simplement ces grands principes, ce sont ce qui réunis toute la grande famille des différentes écoles bouddhistes. Pour ce qui est de l’expression de la dévotion des pratiques religieuses et en particulier de la prière, il y a d’énormes différences entre les différents courants bouddhistes.
Je vais donc vous parler de ce que je connais, la pratique de la prière dans le bouddhisme zen, et encore plus particulièrement dans la pratique du bouddhisme zen sôtô, puisque c’est l’école dont nous sommes les héritiers.

Le Bouddha, donc n’est pas un dieu, c’est l’éveillé,
et ce que nous entendons par dévotion envers le Bouddha, c’est la reconnaissance, la gratitude envers la Voie vers l’Eveil, qu’il a enseigné.
C’est la gratitude envers les patriarches, donc les successeurs du Bouddha, qui successivement de ma[itre à disciple, nous ont transmis cette Voie. La Voie de l’Eveil, puisque l’Eveil, c’est la valeur fondamentale dans notre pratique.
Ce que nous exprimons aussi, au travers la dévotion, c’est la gratitude pour les causes et conditions qui nous permettent de pratiquer la Voie. Ces causes et conditions sont en fait, pour qu’un événement comme cet événement présent puisse se produire, comme le fait d’être simplement ici, on considère qu’il faut l’univers entier. C’est à dire qu’il n’y a pas un seul élément de l’univers qui ne converge vers ce présent que nous vivons. Et dans notre pratique, nous avons comme habitude justement d’exprimer notre gratitude pour le présent tel qu’il est et quel qu’il soit…même s'il n'est pas toujours harmonieux et paisible comme il est justement maintenant.
Aussi à travers de notre dévotion, nos prières, nos rituels, les grandes valeurs du bouddhisme, la sagesse, représenté par le bodhisattva Manjushri ou la compassion représenté par le bodhisattva Avalokiteshvara y sont révérés, y sont reconnus, nous nous attachons à travers les sutras que nous récitons-chantons, à les manifester.

Pour en venir aux lieux de prière et de méditation (puisque dans le zen, la méditation y joue un grand rôle.
Un petit rappel historique, du vivant de Bouddha, il n’y a jamais eu de lieu bâti pour accueillir les moines, les nonnes et ce que l’on appelle la sangha, la communauté qui se réunissait autour du Bouddha.
Le Bouddha était une espèce de SDF qui errait de village en village avec à sa suite, ses disciples et ils étaient hébergés chez les habitants…
Le Bouddha qui a une vie très longue, puisqu’on dit qu’il a vécu plus de quatre-vingts ans, et bien toute sa vie il n’y avait pas de monastère, il n’y avait pas de lieu pour recevoir cette communauté et cela n’empêchait pas qu’il y ait des cérémonies, qu’il y ait toute l’expression de cette religion naissante.

Alors au temple zen de Weiterswiller, nous avons une disposition des lieux, un peu inspirée de la disposition japonaise des monastères, elle-même très codifiée.
Il y a d’une part la cuisine, d’autre part la chapelle bouddhiste et le dojo qui est le lieu pour la méditation. Et c’est entre le dojo, la chapelle et la cuisine que s’articule la plus grande partie de la pratique du zen.
Le dojo, c’est le lieu où nous commençons la journée par la méditation silencieuse, le zazen qui est simplement "l’art d’être présent", l’art d’être ici. La méditation zen est une méditation sans mot, sans pensées, sans mantra, sans visualisation, c’est simplement être ici, posture, souffle, présence.
Puis quand cette méditation s’achève, nous changeons de lieu… dans la chapelle bouddhiste c’est le lieu où s’exprime la reconnaissance, la gratitude dont je parlais tout à l’heure au travers des prosternations, au travers des offrandes… d’encens, de nourritures, d’eau, au travers de la récitation des sutras, les sutras sont pour la plupart des textes philosophiques du bouddhisme et à la fin de la cérémonie, elles sont toujours suivi par une dédicace, et la dédicace c’est une manière d’envoyer les bienfaits de cette pratique à… par exemples des personnes en grandes difficultés, un souhait pour la paix, pour apaiser les conflits,… suivant les cérémonies, ce pourrait être pour accompagner les défunts ou toutes occasions de la vie courante. Ces cérémonies nous accompagnent, nous aident… Tout part du silence de zazen et s’exprime dans la chapelle bouddhiste…
Quand nous quittons la chapelle bouddhiste nous allons prendre le repas et là encore, c’est accompagné de sutras, nous exprimons notre gratitude pour la nourriture que nous recevons.
La nourriture pour nous, c’est un petit peu l’expression des grands principes bouddhistes que j’ai énoncés tout au début, l’interdépendance, c’est à dire cette nourriture, on la reçoit, on ne prend pas la nourriture, et en fait c’est l’univers entier qui nous sert cette nourriture.

Voilà ce que je souhaitais dire : pour nous, la prière, c’est cette actualisation du fait de partager cet univers dans l’instant.

Dominique Bleny (Propos rapportés à partir des prises de notes de C et R)

Extrait de l’intervention d'Alain Kahn sur la prière dans le judaïsme
A. Kahn est le président de la Communauté juive de Saverne

En quoi consiste, brièvement, la prière dans le judaïsme ?
Un juif pieux prie trois fois par jour
, le matin, l’après midi et le soir. Ces prières sont des moments privilégiés où l’homme s’approche de son Dieu … Mais tout acte de l’existence est un acte religieux, une prière. C’est pourquoi, en plus de ces trois prières, … Les bénédictions avant les repas, le matin au lever et avant de s’endormir.
Le contenu des différentes prières principales, était laissé à la discrétion de chacun… Mais depuis la destruction du temple de Jérusalem, il a été codifié et devenu obligatoire. Il comprend des supplications, des enseignements du Talmud, des évocations historiques et des louanges à Dieu.
Les prières concernent les différents besoins de la société et de l’individu. Autant que faire se peut la prière doit être dite publiquement à la synagogue. Elle peut être pratiquée ainsi dès que sont présents dix hommes adultes.
Dans chaque prière on retrouve une partie centrale commune (on se tient debout d’où son nom) composée de dix-huit bénédictions. Le matin et le soir on y rajoute l’invocation appelée Shema tirée du Deutéronome, "Ecoute,, Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est UN".
Les différentes prières de la journée se distinguent par des hymnes, des bénédictions et des invocations supplémentaires. La prière publique…
Durant la prière du matin, le juif se couvre d’un châle de prière, le talith dont les quatre coins comportent trente neuf torsades…
En outre, il porte sur le bras gauche et le front des boites fixées par des lanières, et contenant de petits rouleaux de parchemins où sont écrits le Shéma… bras et tête symbolisant qu’il n’y a pas d’opposition entre l’action et la pensée…
La prière se récite debout en direction du temple de Jérusalem.
Pour accorder le corps à l’esprit, la prière comme la lecture de la Torah s’accompagne parfois d’un balancement du corps.
On ne peut rentrer dans une synagogue la tête nue… il faut porter une kipa en signe de crainte du ciel.

En ce qui concerne le patrimoine spirituel et moral commun entre chrétiens, musulmans et juifs, il peut se résumer en trois points.
D’abord dans chacune de ces religions, Dieu est le créateur, l’homme vient de Dieu et retourne à Dieu.
Ensuite, Dieu aime celui qui pratique la justice, la miséricorde et le pardon.
Enfin la mort est un passage et non un terme. Cela suppose dans les trois religions, une espérance dans la vie éternelle.

Les croyants de toutes les différentes religions peuvent-ils prier ensemble, et dans une même prière ?
Quel sens peut avoir cette démarche ?
... Il serait possible de prier dans un même lieu mais pas dans une même prière... Par exemple le pape Jean-Paul II a été à l’initiative de rencontre pour la construction de la paix en 1986. Chaque religion et confession priaient dans un lieu différent mais en même temps. S’il n’y avait pas de prière commune, c’était par souci du respect de l’autre et de sa tradition. Il ne s’agit pas de négocier en vue d’un consensus religieux ni de relativiser les croyances religieuses.
… Comment adresser une prière commune à un même interlocuteur ? … Question linguistique ? …
Il pourrait par exemple être envisagé dans ces conditions, une journée interreligieuse, au cours de laquelle chacun pourrait emprunter un parcours pour la paix, en allant prier ou en assistant à la prière dans chacun des lieux de culte.

Alain Kahn (Propos rapportés à partir des prises de notes de C et R)

Quelques extraits des échanges qui ont suivi :

Pour sourire, un texte de Raymond Devos

J’ai lu quelque part : « D.ieu existe, je l’ai rencontré ! »
Cà alors ! Ca m’étonne !
Que D.ieu existe, la question ne se pose pas ! Mais que quelqu’un l’ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend !
Parce que j’ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui !
Dans un petit village de Lozère abandonné des hommes, il n’y avait plus personne.
Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis rentré…
Et, là, ébloui…par une lumière intense…insoutenable !
C’était D.ieu…D.ieu en personne, Dieu qui priait !
Je me suis dit : « qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même ? Pas lui ? Pas D.ieu ? »
Non ! Il priait l’homme ! Il me priait moi ! Il doutait de moi comme j’avais douté de lui !
Il disait : Ô homme ! Si tu existes, un signe de toi !
J’ai dit : Mon D.ieu, je suis là !
Il dit : Miracle ! Une humaine apparition !
Je lui ai dit : Mais mon D.ieu…comment pouvez-vous douter de l’existence de l’homme, puisque c’est vous qui l’avez créé ?
Il m’a dit : Oui…mais il y a si longtemps que je n’en ai pas vu dans mon église…que je me demandais si ce n’étais pas une vue de l’esprit !
Je lui ai dit : Vous voilà rassuré, Mon D.ieu !
Il m’a dit : Oui ! Je vais pouvoir leur dire là-haut : « L’homme existe, je l’ai rencontré ! »

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