Merci à Madame Alice ROSENBERG
de nous avoir autorisé à publier ce film

Le Home Laure Weil à Strasbourg
Un entretien avec la Présidente du Comité :
Mme Alice ROSENBERG
Propos recueillis par Alain KAHN (Février 2004)

Racontez-nous l'histoire du Home Laure Weil...

Son histoire est liée à la figure emblématique de Laure Weil qui a fondé en 1908 le "Home Israélite de Jeunes Filles" et c'est pour perpétuer son souvenir qu'en 1953 il fut dénommé "Home Laure Weil" ; c'était juste un an après sa disparition.

Home Laure Weil
Vous propose :
Un hébergement en chambre double ou simple.
Un cadre agréable avec Salle de travail,
Salon Télé, Cuisine collective équipée, Caféteria...
La possibilité de prendre les repas de midi au Restaurant universitaire strictement cacher situé au rez-de-chaussée.

Contacts et informations :
Home LAURE WEIL
11, rue Sellénick - B.P.115
67003 STRASBOURG CEDEX
TEL/FAX : 03 88 24 52 62
homelaureweil100@gmail.com
Comment le home a-t-il été créé ?

Vers l'âge de 18 ans, Laure Weil, qui était née en 1875, fut très vite sensibilisée, elle qui évoluait dans un milieu aisé, par le sort réservé aux jeunes filles juives souvent issues de la campagne alsacienne. Elles n'avaient pas d'autres horizons qu'un travail pénible dans de petits commerces ou un placement dans des familles où leur traitement était souvent révoltant. En 1900, Laure Weil se décida à fonder la Société de Bienfaisance "Les Abeilles", réunissant des jeunes filles de la bourgeoisie qui acceptèrent de participer à un ouvroir. Il s'agissait de confectionner un trousseau complet pour chaque enfant indigent de la communauté. A partir de là, elle voulut aller plus loin en cherchant à aider les jeunes filles venues à Strasbourg, à leur faire apprendre un métier, à leur trouver un emploi correspondant, à les suivre, à les ouvrir à la culture. Et c'est ainsi qu'elle ressentit finalement le besoin de leur offrir aussi un toit.

A partir de quand fut-elle en mesure de concrétiser son projet ?

Laure Weil remua ciel et terre pour atteindre son objectif. Elle réussit à convaincre de nombreux donateurs sur la nécessité de créer un home pour jeunes filles. C'est ainsi que, le 12 janvier 1908, le "Home Israélite de Jeunes Filles" ouvrit ses portes à Strasbourg dans un immeuble vénérable situé au fond de la cour-jardin du n° 7 de la rue du Bouclier.

Combien de jeunes filles pouvaient-elles être accueillies dans cette maison ?

De huit adolescentes à l'ouverture, le nombre de pensionnaires atteint quarante l'année suivante. Le home représentait un véritable foyer pour les intéressées et grâce à sa fondatrice il était possible de voir ce qu'une véritable tzedakah, une bienfaisance authentique et désintéressée, pouvait signifier. Son action répondait en effet à un besoin de justice et d'équité sociale d'autant plus que la priorité était toujours donnée aux orphelines et aux jeunes filles les plus démunies. Malheureusement l'expérience fut interrompue pendant la première guerre mondiale car Laure Weil dut fuir devant les menaces allemandes de l'interner en raison de son attachement à la France. Après ce conflit, le home fut réouvert le 1er octobre 1919 avec l'aide de Irène et de Fanny Schwab qui œuvrèrent avec la même abnégation que Laure Weil.

Cette collaboration était-elle nécessaire en raison du développement du home ?

Oui, bien sûr. En 1920 le home accueillait soixante pensionnaires et les problèmes s'accumulaient. Les locaux s'avéraient désormais trop petits et inconfortables. Certaines pensionnaires étaient aussi des réfugiées d'Ukraine, de Pologne et de Lithuanie qui fuyaient les terribles pogromes qui s'y perpétraient. Il fallait faire face à des problèmes nouveaux et l'équipe en place avait du pain sur la planche. Alors, avec Fanny Schwab, Laure Weil commença à mettre au point, en 1925, un projet de construction d'un nouvel immeuble mieux adapté à la situation.

Le projet concernait-il l'ancien immeuble ?

Non, il n'y avait pas de possibilités à ce niveau. Grâce à leur force de persuasion, Laure Weil et Fanny Schwab obtinrent de la municipalité le don généreux d'un terrain sis au n° 11 de la rue Sellénick . La pose de la première pierre eut lieu en septembre 1926 car des aides déterminantes arrivèrent des Etats-Unis ainsi que des appuis locaux nombreux et conséquents. Finalement, l'inauguration de l'immeuble à son emplacement actuel se déroula en septembre 1928 comme un aboutissement après tant d'efforts enfin récompensés.

Quelles étaient les caractéristiques du bâtiment ?

Alice Rosenberg
(devant le Gd Rabbin Gutman)
Il était conçu selon les vœux de l'équipe qui a porté le projet. Un bâtiment spacieux dans lequel 106 lits étaient prévus ainsi que des locaux propices à l'épanouissement des pensionnaires et à l'instauration d'une atmosphère chaleureuse et familiale. Deux sections avaient été prévues, l'une pour les élèves et apprenties de 10 à 18 ans et l'autre pour celles qui travaillaient ainsi que pour les grandes élèves et quelques étudiantes de plus de 18 ans. A partir de 1933 et jusqu'en 1939, le home fut amené à accueillir également des réfugiées d'Allemagne qui fuyaient la terreur nazie.

Qu'advint-il du home pendant la Schoa ?

Le 1er Septembre 1939, les juifs d'Alsace furent chassés de chez eux. Laure Weil et aussi Fanny Schwab, qui était directrice du Home à cette époque, trouvèrent refuge à Périgueux où elles se consacrèrent à une action considérable organisée sous le vocable d' "Œuvres d'Aides Sociale Israélite aux populations évacuées d'Alsace et de Lorraine" (O.A.S.I.) Leur réseau d'assistance couvrit finalement la France non occupée toute entière. Leur dévouement et leur efficacité furent mémorables pour toutes celles et tous ceux qui en bénéficièrent en particulier les nombreux enfants qu'elles réussirent à cacher. Les orphelins de Strasbourg et Haguenau furent hébergés à Bergerac dans des conditions satisfaisantes jusqu'en janvier 1944 et personne n'a oublié l'impulsion qu'avait su donner à de telles actions le regretté Grand Rabbin Abraham Deutsch.

Après la guerre, le bâtiment de la rue Sellénick a-t-il pu être récupéré ?

La Gestapo, qui avait occupé les lieux, avait transformé l'intérieur de la maison en y aménageant des bureaux, des salles de torture et des cellules. Laure Weil réintégra ainsi dans la tristesse "sa maison". Elle avait le cœur brisé en contemplant les dégâts et les taches de sang qui maculaient les sols et les murs. De plus, sa santé s'était dégradée et elle put s'appuyer sur Fanny Schwab pour tout reconstruire. Dans un temps record le home fut réparé et réaménagé pour pouvoir à nouveau accueillir des jeunes filles nécessiteuses à la recherche d'un toit. C'est ainsi que le home rouvrit ses portes dès novembre 1946.

Quelle fut alors son organisation ?

La remise en état a été rendue possible grâce à l'aide de l'administration concernée et au soutien de nombreux amis. Le système mis en place par Laure Weil fut reconduit puisque les locaux furent répartis entre les "cadettes" qui occupaient les dortoirs et les "grandes" étaient dans des chambres d'un ou deux lits. Toutes se retrouvaient ensemble dans la salle à manger. Fanny Schwab était animée de la même flamme que Laure Weil et son principe fondamental consistait à dire : "Qu'est ce que vivre sinon agir pour les autres ?". A partir de 1946, ce furent aussi des jeunes filles qui avaient perdu leurs parents en déportation qui fréquentèrent ce lieu qui représentait pour elles en particulier une nouvelle famille et la garantie de pouvoir vivre pleinement un judaïsme authentique. La casherouth était toujours assurée et la célébration du Shabath s'affirmait comme un moment intense et convivial. Les jours de fête d'inoubliables jeux étaient organisés comme par exemple à Hanouka ou à Pourim.

Les jeunes filles de la campagne alsacienne venaient-elles encore à Strasbourg ?

Après la guerre, ces jeunes filles se firent rares car le système éducatif leur permettait désormais de trouver un collège et un lycée beaucoup plus près de chez elle ainsi que des facilités pour les rejoindre en car. C'est ainsi que la section des "cadettes" finit par devenir inutile. L'origine des pensionnaires était très variée. En 1956 des jeunes filles d'Egypte arrivèrent à Strasbourg, puis surtout du Maroc et, en 1962 d'Algérie. Il fallait s'adapter à ces nouvelles situation et c'est l'esprit du Home Laure Weil qui permit de répondre aux attentes si diverses. D'une manière générale, à partir de 1964, la poussée vers les villes amena ainsi des jeunes filles de 17 à 18 ans à venir à Strasbourg pour y suivre une formation professionnelle ou universitaire. C'est ainsi que, sous l'impulsion du Dr Joseph Weill, Président du Consistoire Israélite du Bas-Rhin et de Me René Weil, Président de la Communauté Israélite de Strasbourg, le Comité du Home Laure Weil accepta d'accueillir au printemps 1965 le Restaurant Universitaire tout en maintenant le foyer pour les jeunes filles de plus de 18 ans. A cet égard, il faut noter que 3 ans plus tard les événements de mai 1968 auront profondément marqué les esprits puisque la cité universitaire a été la seule en France à avoir été occupée par les étudiants !

ARIF

Quelle est la situation actuelle du Home Laure Weil ?

Dans les années 80, l'état du bâtiment était dégradé et entraînait de gros travaux. De plus le nombre de pensionnaires avait sensiblement baissé et n'en comportait plus qu'une trentaine. Cette situation a amené le Home à louer l'essentiel des bâtiments à l'ORT qui, pour un loyer symbolique, s'est engagé à prendre en charge tous les travaux et les frais que cela comporte. Si l' ORT est chargée de la gestion des locaux, le Comité du Home Laure Weil poursuit son rôle social auprès des résidentes. Il dispose d'une trentaine de lits et fait bénéficier nombre de jeunes filles d'une aide spécifique, fonction de la situation de chacune de leur famille. Ces jeunes filles trouvent aussi une véritable vie juive et familiale. A l'occasion des fêtes, le Comité organise des rencontres conviviales autour d'un repas.
Heureusement, le Home compte nombre d'amis qui connaissent l'Institution et parmi eux, de nombreuses femmes qui à une époque ou à une autre, ont séjourné dans ce bâtiment. Pour préserver l'avenir de l'œuvre entreprise par Laure Weil et Fanny Schwab, les aides sont indispensables. C'est ainsi que le 16 novembre 2003, le Home a tenu à exprimer toute sa gratitude à l' ARIF (Association pour le Rétablissement des Institutions et œuvres Israélites de France) présidée par Monsieur Philippe Baumann dont la générosité contribue au bon fonctionnement du Home. Il ne faut pas oublier que d'anciennes résidentes participent aussi, par leur action, au bon fonctionnement de l'Institution. Leur exemple doit servir à celles qui vont suivre.


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