LIXHEIM
par Jean-Bernard LANG
page réalisée avec le concours de Pascal FAUSTINI



Synagogue de Lixheim

 

Ville refuge construite en 1608 pour les protestants par des princes allemands, les comtes Palatins, elle sera vendue dès 1623 aux ducs de Lorraine qui s'évertueront à réimplanter le catholicisme. Cette politique sera poursuivie avec encore plus de vigueur par les militaires français qui occuperont la seigneurie au cours des guerres de Louis XIV. Par contre, ces mêmes militaires, conscients de l'état d'extrême pauvreté dû aux guerres incessantes et aux tensions religieuses, favoriseront l'implantation des juifs venus d'Alsace. La première mention les concernant date de 1633, mais rien n'indique à cette époque qu'ils résidaient dans la localité. Il s'agissait sans doute de commerçants de passage.

Une forte communauté se développa par contre dès le 18ème siècle, comprenant de nombreux commerçants et des prêteurs sur gages. En 1721, un édit ducal fixa à quatre le nombre des familles autorisées à séjourner, chiffre porté à treize par le Conseil d'Etat du Roi en 1753 (le "roi" est à cette époque Stanislas, dit roi de Pologne). Un cimetière ne leur est ouvert qu'en 1783. jusqu'à cette date, les inhumations se faisaient soit à Fénétrange soit à Saverne, en Alsace, ce qui, dans ce dernier cas, les obligeait à acquitter un "droit d'entrée" dans cette province.

Les usuriers, détestés par nombre de paysans, feront l'objet d'une véritable émeute en août 1789, où neuf maisons juives seront pillées et à demi-détruites. Il y avait à l'époque une vingtaine de familles dans la ville. Avec les domestiques juifs ainsi que les immigrés plus ou moins clandestins, on frôlait le chiffre des deux cents âmes, soit plus du quart de la population totale qui ne comptait que sept cent trente-et-un habitants. La moitié de ces personnes environ appartenaient aux descendants de deux familles, les Lévy et les Coblentz. Cette communauté fera souvent preuve d'indocilité dans les années suivantes, s'opposant notamment aux rabbins de Nancy auxquels ils étaient affiliés.

Le déclin commença au milieu du 19ème siècle, avec une forte émigration au-delà des frontières, vers l'Amérique surtout, peut-être renforcée par l'hostilité persistante de la population puisqu'une nouvelle émeute y éclata en 1848. Dans la soirée du dimanche 26 mars 1848, à l'annonce de la chute de Louis-Philippe, une bande de deux cents émeutiers environ, en provenance surtout des villages voisins (Brouviller et Hilbersheim) se dirigea vers la ville en hurlant des menaces de mort contre les juifs. Ils furent arrêtés un moment par la courageuse intervention du curé de Vieux-Lixheim qui réussit à en calmer une partie. Mais le reste continua sa route, fit irruption à Lixheim, et avec leurs haches, saccagea la synagogue avant de s'en prendre aux portes des maisons juives. C'est alors qu'intervinrent deux héroïques habitants de la ville, le père et le fils Jespere, qui, armés de fusils, menacèrent les émeutiers et les mirent en fuite.

Au cours de ce siècle, surtout dans sa deuxième moitié, la population juive décrut lentement, surtout à cause de l'émigration en direction de la Californie, préférée à New-York par les jeunes émigrants de la ville. Cette émigration battit son plein à la fin du siècle puisqu'on comptait encore 187 juifs en 1880 mais plus que 137 en 1901, et 83 en 1907. Les cadres communautaires commençaient aussi à manquer. En 1872, il n'y avait qu'un unique candidat au poste de ministre-officiant, M. Léopold Roos, qui était pourtant déjà d'un grand âge.

Une première synagogue construite en 1778, devint en 1862 l'école juive. Pour la remplacer, un deuxième bâtiment fut construit à cette date pour un coût de 25 000 francs dont 3 000 versés au titre de subventions par l'Etat. L'architecte en fut Robert Lévy de Strasbourg qui s'inspira de Phalsbourg et le bâtit en style néo-roman. Il comportait un étage pour les dames, une salle de réunion attenante, un bain rituel et fut richement décoré grâce à l'afflux des dons en provenance de ceux qui avaient émigré aux Etats-Unis, comme dans la bourgade voisine de Hellimer. A l'achèvement des travaux, on pouvait admirer un rez-de-chaussée en pierres apparentes et un étage en crépi avec un oeil-de-boeuf et deux fenêtres arrondies en façade. Le pinacle élevé au-dessus portait une horloge et le portail était surmonté d'un fronton triangulaire classique.

En 1939, il y avait encore dix-huit familles, soit environ soixante personnes qui quittèrent leur ville en 1940, mais le ministre officiant de l'époque, Lazare Gerst, décida, après l'armistice, d'y revenir. Il fut immédiatement arrêté par les Allemands et obligé, sous les menaces et les quolibets de la foule, de nettoyer les rues avec une brosse à dents. Puis, le 24 juin 1940, un officier SS lui ordonna de mettre lui-même le feu à la synagogue dans un délai de 24 heures. Il refusa et se suicida le même jour. Le lendemain, les Allemands procédèrent eux-mêmes à l'incendie. Un habitant ayant vu les incendiaires et ayant relaté les faits à ses amis, dut se rétracter en reconnaissant qu'après tout, il pouvait s'agir de criminels revêtus pour la circonstance d'uniformes de la Wehrmacht. La plupart des juifs de Lixheim étaient réfugiés à Neuvic-Entier, près de Limoges, où fut reformée la communauté avec Robert Kahn à sa tête.

A la Libération, les premiers offices des rescapés eurent lieu au domicile de Maurice Lévy, puis en mai 1947, une nouvelle synagogue fut installée dans une baraque en bois. Tombant en ruine, cette baraque fut démolie en 1962 et pendant un an, les offices eurent lieu chez des particuliers, Mmes Rosenwald. Le consistoire en effet, au vu des effectifs bien maigres de l'antique communauté de Lixheim, hésitait à entreprendre les travaux de reconstruction définitifs de la synagogue. Le devis des architectes s'élevait en effet à 9 500 000 francs, somme supérieure à celle dont disposait le consistoire, tant pour la synagogue que pour le cimetière. Les travaux débutèrent néanmoins en 1962 et la nouvelle synagogue fut inaugurée en octobre 1963 Mais le départ des juifs pour Sarrebourg s'accentuait, et faute de fidèles, la synagogue dut limiter ses activités à un office mensuel de 1966 à 1969.

A cette date, toute activité cultuelle cessa jusqu'en 1990 où l'on rétablit un office annuel jusqu'en 1995. Elle est actuellement désaffectée et sert aux répétitions d'une chorale, le "Brunnenchor”. Son dernier ministre officiant fut Gaston Lévy à l'époque du président Henri David. Ce dernier avait succédé à Robert Kahn et Roger David. Aujourd'hui le correspondant est Alain Lévy.

Avec l'aimable collaboration de M. et de Mme Alain Lévy


Synagogue
précédente
Synagogue
suivante
synagogues judaisme alsacien Accueil
© A . S . I . J . A .