FORBACH
par Jean-Bernard LANG
page réalisée avec le concours de Pascal FAUSTINI


Synagogue de Forbach

Les premiers juifs arrivèrent à la fin du 17ème siècle, mais en petit nombre (deux frères Cahen en 1687, l'un est prénommé Feiz ou Feich, originaires de Wesel (Allemagne). Ils n'étaient guère plus nombreux ensuite (quatre en 1723, appartenant aux mêmes familles). En 1753, ils étaient huit dont six sont descendants des deux premières. Un premier oratoire fut installé vers 1733 dans un appentis au fond de la cour d'une maison près de la Porte Inférieure. Plus tard un petit quartier juif se constituera rue Fabert.

En 1776, le tribunal fut saisi d'une plainte d'un habitant de Spicheren contre quatre personnes dont deux étaient juives, qu'il accusait de falsification de créance et de subordination de témoins. L'un des juifs, Abraham Lévy, de Grossbliederstroff, fut acquitté, mais l'autre, David Isaac, du même village, condamné à être marqué au fer rouge sur l'épaule et envoyé aux galères à perpétuité. L'un des chrétiens fut blâmé, l'autre banni.

XIXème siècle

En 1789, le cahier de doléances se plaignait de ce qu'il y avait dans la ville une vingtaine de familles, alors que les règlements du duché, toujours théoriquement en vigueur, n'en autorisaient que sept. Ils étaient colporteurs, marchands de bestiaux, bouchers, mais on trouvait aussi deux épiciers, un marchand de chandelles et un fabriquant de tabac.

La Révolution amena d'immenses bouleversements puisque, dans la dernière année du Consulat, en 1799, l'administration préfectorale nomma à titre provisoire un "agent municipal" faisant fonction de maire, en la personne de Lion Cahen. Ce dernier, négociant, fut ainsi le premier juif à administrer une ville d'importance moyenne dans notre région, même si cela n'était qu'à titre provisoire, puisqu'il fut remplacé dès mai 1800. Il ne porta d'ailleurs pas le titre de maire.

En 1834, il y avait 314 juifs sur 2 958 habitants. Les tribunaux furent saisis de nombreuses plaintes vers le milieu du siècle, émanant d'habitants de la région, notamment de Stiring, qui accusaient les colporteurs juifs de Forbach de se faire recevoir par des épouses d'ouvriers pendant que les maris étaient à la forge, et de les pousser à des achats déraisonnables en leur faisant l'étalage de marchandises rutilantes et bon marché, ce qui provoquait des querelles dans les ménages. Le maire de Stiring tenta de les empêcher de pénétrer dans la plus grande partie de la ville en arguant de ce que celle-ci était une propriété privée de la famille de Wendel. La sous-préfecture de Sarreguemines annulera ces procès-verbaux.

Il existait une école juive qui devint communale dès la première moitié du 19ème siècle, mais en 1854, son instituteur se plaignait amèrement au consistoire de ce que de nombreux parents envoyaient de préférence leurs enfants à l'école catholique. Celui-ci, dans sa réponse, priait fermement le rabbin de Sarreguemines de contrôler le niveau des connaissances religieuses des enfants, faute de quoi, ils ne pourraient acquérir la majorité religieuse, la "bar-mitzwah". On apprend aussi par la même occasion qu'une troisième école, "clandestine"celle-là, accueillait des enfants juifs ... et qu'elle compromettait l'existence de l'école israélite communale. Sans doute, une école dans la tradition du "heder”.

Une jeune fille de Forbach, Esther Cahen, épousa en 1845 le rabbin Isaac Libermann, alors en poste à Lauterbourg. En 1846, il fut nommé à Haguenau, puis en 1854, remplaça à Nancy son cousin Salomon Ullmann devenu grand rabbin de France. Singulier destin que celui de cette famille de rabbins alsaciens. Le père d'Isaac, Eliézer Samson David, dit Lazard Libermann, rabbin à Saverne eut sept fils et trois filles. Samson, l'aîné, né en 1790, devenu médecin militaire, épousa une juive de Mayence, nièce du grand Rothschild. En 1825, tous deux se feront baptiser à Strasbourg. Ils seront suivis dans cette voie par leur frère et beau-frère Jacob, né en 1802, qui avait fait ses études à l'école rabbinique de Metz. Cette même année 1825, Jacob devint le "Vénérable" François Libermann, qui sera le fondateur de la Congrégation des Pères du Saint-Esprit, un des pionniers de l'évangélisation de l'Afrique Noire. Comme Samson, Jacob sera maudit et excommunié par leur père. Ce dernier suppliera alors son plus jeune fils, Isaac, qui se destinait à la banque, d'opter pour le rabbinat.

La synagogue fut désaffectée en 1836 en raison de son délabrement et de son exiguïté. Elle fut remplacée par un édifice qui coûta 22 000 francs, couverts en partie par une subvention municipale. Construite en matériaux de mauvaise qualité, elle ne tarda pas à donner des signes d'inquiétude et la communauté sollicita en 1853 une subvention gouvernementale pour la restaurer. Une jeune juive, Cécile Cahen, écrivit à cet effet une lettre respectueuse à Eugénie de Montijo, qui venait d'épouser Napoléon III et qui passait pour être soucieuse de l'exercice des religions. La demande fut acceptée. Mais les vices de construction demeuraient: par exemple, le plancher était posé directement sur le sol naturel de sorte qu'il était gravement atteint par l'humidité et les moisissures.

XXème siècle

Une première demande de subvention fut repoussée par les autorités en 1924 pour la raison que les travaux de la synagogue n'étaient "pas absolument indispensables". Elle fut finalement rénovée en 1929, sur le modèle de la synagogue de Strasbourg, située à l'époque Quai Kléber. Pour boucler le plan de financement, on organisa une quête parmi tous les descendants des familles ayant jadis habité Forbach, quel que fut leur lieu de résidence.

Le cimetière contient, selon une tradition locale, parmi ses premières tombes, celle d'une tante de Heinrich Heine.

De 1920 à 1930, le président de la communauté était Adolphe Klauber. Lui succéda jusqu'à sa mort en 1934, Félix Barth, maire de Forbach de mai 1925 à septembre 1934. Homme de gauche, refusant ses frais de représentation, populaire mais autoritaire, c'était un marchand de bestiaux d'origine allemande qui toute sa vie rompit des lances avec la puissante Maison de Wendel. On lui doit la gratuité de l'entrée au Parc Municipal, l'aménagement de la Place de la République et la création en 1927 du "Noël de Joie" pour les enfants nécessiteux. Ce n'était d'ailleurs pas le premier israélite à accéder à cette charge, Marx Haas ayant siégé à la mairie d'octobre 1902 à juillet 1906, mais il avait été nommé à l'époque par le Reichstatthalter à la place du maire Couturier dont il était le principal lieutenant. Félix Barth fut remplacé comme "parness" (président) par le frère d'Adolphe Klauber, Ernest Klauber, qui mourut en 1940 à Saint-Mihiel.

Les ‘hazanim d'avant-guerre furent Lazard Haenel, décédé en 1925 et Henri Kauffmann qui lui succéda. Évacué en 1939 à Angoulême, ce dernier continua son ministère au milieu de la communauté forbachoise qui y était repliée. Titulaire de la Croix de Guerre 1914-18, il était persuadé d'être intouchable mais fut arrêté en 1943 et déporté, connaissant ainsi le sort de cent quatorze autres membres de cette communauté. Une rue de la ville porte son nom.

Après la Libération, la présidence fut détenue par Albert Jacobs (1945-49), puis Max Bloch (1949-59), et Benjamin Cahen (1959-80) dont toute la famille fut sauvée pendant la guerre dans le Maine-et-Loire par la nièce de Monseigneur Heintz, évêque de Metz. Parti en Israël, il fut remplacé par une co-présidence d'Henri Bloch, pharmacien (décédé en 1994) et de Raymond Klauber, aujourd'hui encore président.

Dans l'immédiat après-guerre, la synagogue qui était intacte mais vide de tout ameublement et objets de culte (les nazis l'avaient transformée en morgue), fut remplacée provisoirement par l'oratoire du centre communautaire tandis que les grandes fêtes se déroulaient dans une salle de sports rue Bauer grâce au dynamisme d'un petit groupe de jeunes gens qui avaient pris pour nom Chema Israël (Écoute Israël).

La communauté s'était reconstituée, avait restauré sa synagogue et semblait prospère puisqu'on comptait en 1950 environ cent vingt familles. A l'occasion du 30e anniversaire de l'état d'Israël, en 1978, une grande manifestation fut organisée à laquelle assista M. Shamir, Consul Général d'Israël auprès du Conseil de l'Europe à Strasbourg ainsi que le Consul Général de France à Sarrebruck. En 1980 il y avait encore une centaine de familles, mais par la suite les effectifs s'effondrèrent. Les causes en étaient les mêmes qu'ailleurs : privés à Forbach de débouchés économiques, certains partaient vers Israël, d'autres vers Strasbourg ou d'autres villes importantes. Enfin l'assimilation, consécutive aux mariages avec des non-juifs, réduisait elle les effectifs.

A la Libération, le premier chantre régulier fut Isaïe Deutsch, frère du grand rabbin de Strasbourg puis après 1951, ce fut Erwin Bloch, encore présent dans les mémoires. Il exerça son ministère jusqu'en 1983. Neveu du rabbin Joseph Bloch (auteur du rituel de prières), il était une figure populaire de Forbach, qui avait l'estime de tous, juifs et non-juifs. Avant de prendre sa retraite en Israël, il reçut la médaille de reconnaissance de la Ville de Forbach des mains de Jean-Eric Bousch, maire de la ville. Il est enterré à Grossbliederstroff. Depuis 1983, le ministre-officiant est M. Samuel Klein.

Certains renseignements ont pû être obtenus grâce à Benjamin Cahen, ex-président de la communauté de Forbach interviewé en Israël par Alphonse Cerf.


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