La typographie hébraïque à Metz


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8. Recueil de prières de Soukoth
En France, l'impression de textes en caractères hébraïques se développa sous le roi François Ier ; l'hébreu était enseigné au Collège de France et l'imprimerie royale publia plusieurs ouvrages dans cette langue. Mais ces publications étaient le fait de Chrétiens qui avaient étudié la langue hébraïque, notamment auprès de rabbins en Italie (tel François Tissard, disciple du rabbin de Ferrare) ; d'autres, comme Paul Paradis, étaient des Juifs convertis à la foi catholique. Cette typographie hébraïque déclina sous Louis XIII et avait pratiquement disparu sous Louis XIV.

La première imprimerie hébraïque de France à Metz en 1764

La première imprimerie en France uniquement consacrée aux livres hébraïques est créée à Metz en 1764 par Moïse May.
Le ghetto de Metz comptait alors plus de deux mille habitants et une école rabbinique réputée ; pourtant tous les livres nécessaires à l'étude devaient être importés, en général de Francfort.
Moïse May n'a pas de diplôme d'imprimeur, c'est un banquier messin issu d'une famille instruite : il compte parmi ses ancêtres un ministre-officiant, un juge du tribunal rabbinique, un rabbin circonciseur, et son propre grand-père était un sofer réputé, qui écrivit plusieurs rouleaux de la Torah. Soutenu par le grand rabbin de Metz, Samuel Hellman, il rachète le fond d'un imprimeur de Rödelheim (faubourg de Francfort), Moïse Lévy, et commence immédiatement la composition d'ouvrages à Metz, aidé par cet imprimeur et son contremaître.
Pour ne pas augmenter le nombre d'imprimeurs autorisés à exercer à Metz (fixé à deux) et nuire à cette corporation, le Parlement de Metz tolère l'activité de Moïse May à condition que les livres soient composés dans le quartier juif puis tirés chez un imprimeur breveté, en l'occurrence chez Joseph Antoine.
En neuf années, Moïse May publie en tout dix-sept titres, essentiellement des rituels de prières, des commentaires du Talmud, une grammaire, un calendrier, une haggadah (texte lu à Pessah, la fête de Pâque) et trois volumes du Talmud de Babylone.

Imprimeur par autorisation royale en 1775 : Goudchaux Spire-Lévy

En état de faillite, Moïse May interrompt ses publications en 1773 et part pour Hambourg ; son gendre Goudchaux Spire-Lévy, un banquier cousin des Worms, cherche à rétablir l'imprimerie ; il obtient une licence à son nom le 14 juin 1775 et installe les ateliers à l'intérieur du ghetto.
Entre 1775 et son décès en 1789, Goudchaux publie vingt-huit ouvrages : des calendriers, des rituels de prières, un Talmud, des commentaires talmudiques dont notamment le Touré Even rédigé par le grand rabbin de Metz de l'époque, le célèbre Lion Acher Günzburg dit Schaagath Arieh.
Les fils de Goudchaux, Abraham et Salomon, s'associent et font paraître un journal politique hebdomadaire en yiddisch de 1789 à 1790 ; avec leur grand-père Moïse May rentré de Hambourg, ils publient en 1792 un commentaire du Talmud, mais les événements révolutionnaires bouleversent la donne et, faute de commandes, l'imprimerie familiale ferme en 1794.

Le 19ème siècle : d'Ephraïm Hadamar à la librairie Even

En 1813, Ephraïm Hadamar, natif de Metz, obtient de l'administration impériale un brevet d'imprimeur ; il rachète les locaux et le matériel vétuste de l'imprimerie Spire-Lévy, et fait venir de Francfort un choix de nouveaux caractères hébraïques.
En seize années d'activité, il inscrit trente-trois titres à son catalogue ; à côté des livres à caractère religieux traditionnellement publiés par ses prédécesseurs (rituels de prières, Haggadah, calendrier hébreu, etc), il développe une librairie pédagogique : catéchisme du culte judaïque, traités de lecture et de grammaire hébraïques, dictionnaire hébreu-français, instruction religieuse et morale à l'usage de la jeunesse.
En 1830, il suspend ses activités pour raison de santé et s'installe à Paris, où son fils Amédée sera également imprimeur ; lui succède à Metz son associé Prosper Wittersheim, puis le gendre de celui-ci : Joseph Mayer Samuel, un petit-cousin des frères Lévy-Spire. L'atelier messin forme à l'époque de nombreux apprentis dont beaucoup iront faire carrière dans les imprimeries parisiennes. Des livres scolaires continuent à être publiés, notamment les Exercices élémentaires sur la langue hébraïque à l'usage des écoles israélites de France (1842).
L'imprimerie passe à un autre petit-cousin à la fois des Lévy-Spire et de Mayer Joseph Samuel : Gerson Lévy, lequel a de plus épousé la sœur de Prosper Wittersheim ; on peut dire que l'imprimerie hébraïque messine est une vaste affaire de famille ! Gerson Lévy (1784-1864) est professeur de littérature et de langues orientales ; il s'associe son gendre Moïse Alcan et publie ses ouvrages sous l'appellation « Librairie Gerson Lévy et Alcan », établissement qui devient simplement par la suite « Librairie Alcan ».
L'ancienne imprimerie Even à Metz, rue Ambroise Thomas à l'emplacement de l'actuelle librairie Hisler-Even, n'était autre que l'imprimerie de Félix Alcan (fils de Moïse Alcan) à laquelle elle avait succédé en 1870. En effet, à l'arrivée des Prussiens, Félix Alcan avait transféré son activité à Paris ; ce messin fut l'un des fondateurs des Presses Universitaires de France.

Livres prêtés par M. le Rabbin Maurice Bamberger
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    1. Livre d'Esther



    2. Talmud Berakhoth



    3. Talmud Nida



    4. Prières de Shabath



    5. Commentaire talmudique



    7. Hagada de Pâque

    Recueil de prières quotidiennes choisies pour la fête de Pourim
  2. Parmi les textes contenus dans cet ouvrage, le livre d'Esther, une jeune juive déportée à Babylone qui devint l'épouse d'Assuérus, roi des Perses, et sauva son peuple de l'extermination programmée par Haman, le vizir du roi.

    Imprimé à Metz chez Ephraïm Hadamar en 1817.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  3. Talmud de Babylone : Masseches Berakhoth (traité des Bénédictions)
  4. Dans la préface de ce troisième volume du Talmud de Babylone publié à Metz, Moïse May parle du succès que ses publications ont obtenu, notamment le Pentateuque, et explique que de toutes parts on l'a sollicité d'entreprendre l'édition complète du Talmud de Babylone ; il conclut son texte par un appel à la générosité des souscripteurs, car le nombre d'exemplaires vendus ne sera pas suffisant pour couvrir les frais de publication très élevés. L'appel ne fut guère entendu et Moïse May, en faillite, dut suspendre ses travaux au milieu du volume suivant.

    La Loi, transmise oralement depuis Moïse fut mise par écrit dans un volume nommé la Michna vers 200 après J-C ; les commentaires de la Michna furent élaborés entre 200 et 500 après J-C et portent le nom de Guemara. L'ensemble de ces écrits (texte et commentaires) forme le Talmud, qui signifie enseignement.

    Le texte figure dans une présentation désormais classique depuis l'édition de Bomberg à Venise en 1520 :

    En haut à gauche, le numéro du feuillet est figuré en caractères hébraïques ; les chiffres arabes sont utilisés au verso de la page, en haut à droite. Le caractère hébraïque indique donc le feuillet (il faut ensuite préciser recto ou verso), tandis que la caractère arabe indique la page. Les éditions messines ont la particularité de présenter le Talmud par demi-page

    Imprimé par Moïse May chez Joseph Antoine, imprimeur du roi, Metz 1770.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  5. Talmud de Babylone : Masseches Nida (traité de la Purification des femmes)
  6. Aucun sujet n'échappe au Talmud car aucun sujet n'est en dehors des lois religieuses, lequelles règlent du moment de sa naissance au jour de sa mort tous les instants de la vie d'un Juif pratiquant. Le Talmud est divisé en six ensembles, et chaque ensemble en traités ; ceux-ci sont au nombre de soixante-trois.

    Le traité présenté ici est relatif aux gestes et comportements rituels imposés lors de la période des règles chez la femme (vêtements à porter, obligation du bain rituel en fin de période, etc) ; les règles à suivre après l'accouchement sont aujourd'hui incluse dans ce traité. Ce volume est accompagné d'approbations des rabbins de Worms, Glogau et Schwabach.

    Imprimé par Moïse May chez Joseph Antoine, imprimeur du roi, Metz 1770.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  7. Livre de prières de Shabath
  8. Avec commentaires des rabbins Isaac Luria et Shlomo Zalman de Londres ; Isaac Luria est un talmudiste et kabbaliste réputé qui vécut en Palestine au 16ème siècle.

    Le chandelier à sept branches (ou menora) représente l'œuvre de sept jours de la création, et sa lumière dans le Temple symbolise la présence divine. Après la destruction de Jérusalem en l'an 70, l'empereur romain Titus emporta dans son butin le grand chandelier à sept branches qui se trouvait dans le Temple ; on en retrouve l'image dans un bas-relief de l'arc de triomphe élevé à Rome en son honneur. La menora est un motif constant de l'art juif.

    Imprimé à Metz chez Ephraïm Hadamar en 1820.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  9. Commentaire talmudique
  10. Ce volume contient des commentaires du Talmud, l'un portant sur le traité de la purification des femmes et un autre sur les offrandes d'oiseaux à l'occasion de naissances (offrandes volontaires, actions de grâces, …). Leur auteur, Salomon ben Aderet (1235-1310), était grand rabbin à Barcelone ; talmudiste renommé, il est plus connu sous son acronyme « Rashba ».

    Imprimé à Metz chez Goudchaux Spire-Lévy de Sarrelouis (nommé ainsi car Sarrelouis était sa ville natale) en 1776 « par la bonté de notre maître le grand roi Louis XVI de France » (texte hébreu de la dernière ligne de la page de titre).

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  11. Livre de prières pour le premier et le second jour de Shavouoth (Pentecôte)
  12. Destiné aux rites ashkénazes et polonais.

    La fête de Pentecôte a lieu cinquante jours après Pessah (la Pâque juive) et dure un ou deux jours ; elle commémore le don de la Loi (Torah) fait par Dieu à Moïse sur le Mont Sinaï.

    Au folio trois de ce recueil, à la ligne quatre, on peut lire une bénédiction qui ne se prononce qu'à Metz et nulle part ailleurs dans tout le monde askénaze : « à Metz on ajoute : Béni soit notre Dieu, roi du monde, qui relève les humbles ».

    Imprimé à Metz chez Ephraïm Hadamar en 1817.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  13. Haggadah de Pessah
  14. La fête de la Pâque (Pessah) est la célébration de la sortie d'Egypte. Le temps fort est le séder, cérémonie célébrée dans chaque foyer, à la table familiale, le soir de Pâque. L'essentiel du séder consiste en une lecture de la Haggadah, ouverte par une bénédiction (kiddoush), et interrompue par le dîner et le dessert. Cette cérémonie, à laquelle les enfants sont activement associés, a une évidente fonction pédagogique : elle contribue à façonner la perception du temps, de l'histoire et de la conscience nationale du peuple hébreu ; raconter et expliquer la sortie d'Egypte aux nouvelles générations est une prescription biblique.

    Les livrets de Haggadah sont souvent illustrés. L'exemplaire présenté ici est ouvert à une page figurant le passage de la Mer Rouge.

    Imprimé par Moïse May chez Joseph Antoine, imprimeur du roi, Metz 1767.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

  15. Recueil de prières de Soukoth, la fête « des Cabanes »
  16. La fête de Soukoth rappelle l'Exode des Hébreux après la sortie d'Egypte, en l'occurrence leur campement sous la tente dans le désert : d'où l'obligation faite aux fidèles d'édifier des cabanes et d'y résider – dans la mesure du possible – pendant les sept jours de la fête.

    Imprimé par Moïse May chez Joseph Antoine, imprimeur du roi, Metz 1767.

    Prêt de M. le Rabbin Maurice Bamberger.

 

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Photographies : © Luc Dufrène
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