Façades de maisons juives à Metz |
Le 6 août 1567, le gouverneur de Vieilleville autorise quatre Juifs – Isaac, Mardochée, Michel et Gerson – à résider définitivement à Metz moyennant paiement annuel d'une somme d'argent importante et le respect d'un certain nombre de conditions, parmi lesquelles l'interdiction d'habiter sur les rues principales et les places de la ville.
Ils semblent être logés dans une bâtisse qui avait hébergé au Moyen-Âge les changeurs lombards, entre la rue des Murs et la rue d'Enfer ; les comptes de la ville gardent la trace du versement du loyer d'Isaac, Salomon et Mayer dans les années 1580.
Mais l'un d'eux habite déjà un autre quartier : celui de Saint Ferroy ; en effet, « Michel le Juyf » s'y acquitte en 1575 de la taxe du douzième sur les vins nouveaux. Ce quartier, un peu à l'écart du centre ville, est coincé entre les remparts, la Moselle, le couvents des Carmes et celui des Sœurs Colettes, et la rue de la Boucherie Saint Georges qui mène vers le centre-ville ; à cette époque, il est encore peuplé d'artisans bouchers, boulangers, cordonniers, tonneliers, vignerons et bien sûr bateliers.
Petit à petit les Juifs se regroupent et l'on trouve dans la liste des habitants des paroisses Sainte Ségolène et Saint Ferroy payant une taxe sur le vin en 1594, à côté de quelque cent dix autres contribuables, les noms de neuf chefs de famille juifs.
Dans une ordonnance de police règlementant leur activité, le duc d'Epernon, gouverneur des Trois-Evêchés, tolère désormais la présence de 58 ménages juifs à Metz au lieu de 24 précédemment, mais ils ne pourront habiter hors du quartier où ils se sont établis, quartier qui sera clos de « bornes et fermetures ». Autre élément nouveau : les Juifs auront dorénavant le droit d'acheter des maisons ; nombreux sont ceux qui interrompent leur contrat de bail et proposent à leur propriétaire de lui racheter la maison qu'ils occupent. En 1632, les Juifs possèdent une soixantaine de maisons ; en 1678, une centaine. Petit à petit le nombre de Chrétiens diminue, et la paroisse de Saint Ferroy est incluse dans celle, voisine, de Sainte Ségolène.
Malgré l'ordonnance de 1614, on ne trouve à Metz rien d'aussi strict que dans les ghettos véritables comme ceux de Venise, Rome, Prague ou Francfort ; la présence d'un chaîne bouclant le quartier n'est pas vraiment sûre, et seule la présence de deux bornes posées dès 1617 rue Saint Ferroy et rue de la Boucherie Saint Georges semble marquer la limite du quartier juif.
Le quartier garde les mêmes limites jusqu'en 1791 ; on imagine aisément la surpopulation qui devait en résulter à la veille de la Révolution : 2500 personnes dans une rue mesurant à peine trois cents mètres de longueur … De multiples rapports officiels font état de ce manque de place tout au long du 18ème siècle, que les habitants cherchent à compenser en rehaussant les maisons existantes ou en utilisant les parcelles non-bâties, comme les arrière-cours.
Après avoir hésité pendant deux années, l'Assemblée Nationale prend en 1791 le décret d'émancipation des Juifs, qui leur offre notamment la liberté d'habiter désormais où bon leur semble. Les Juifs n'investissent que très progressivement les autres quartiers de Metz ; par contre, un nombre important de jeunes couples s'établit dans d'autres localités maintenant accessibles en Moselle et au-delà : Thionville, Luxembourg, Pont-à-Mousson, Toul, Nancy, Lunéville, et bien sûr Paris.
Plan de la ville de Metz |
Réalisé en couleur avec une grande précision sous le maréchal de Belle-Isle, gouverneur de la province, ce plan est conservé à la Médiathèque de Metz. La mention du nom de chaque propriétaire sur chaque immeuble permet ici de connaître les limites du quartier juif et sa configuration exacte :
Cliché de la bibliothèque-médiathèque de Metz
Des dossiers classés par rue conservent pour la ville de Metz les
demandes d'autorisation de travaux sur les immeubles : travaux d'alignement
pour le passage des chariots, réfection d'une façade,
percement de nouvelles fenêtres, reconstruction partielle ou abattage
de l'ancienne maison pour en édifier une nouvelle ; ces demandes
sont parfois accompagnées d'un plan de la façade tracé
par l'architecte.
Ces dessins représentant des maisons aux façades généralement
étroites, comportant souvent cinq niveaux ; dans les exemples choisis
ici, il a été possible de localiser l'immeuble sur le
plan de 1738.
Archives Départementales de la Moselle, C 308