Les cimetières

Un patrimoine exposé

Les cimetières forment, avec les synagogues, un des éléments les plus visibles du patrimoine juif ; ils ont été de ce fait particulièrement exposés aux événements historiques tels que les guerres ou les persécutions. Si des dégradations volontaires survenues ces dernières années et rapportées par les médias sont hélas à déplorer, il convient de reconnaître que le climat et la pollution sont deux facteurs négatifs essentiels. Le ruissellement de l'eau et le gel fragilisent la pierre, l'envahissement de la végétation et la prolifération des racines soulèvent les stèles et les déséquilibrent jusqu'à provoquer leur chute. Dans le cas des cimetières en pente, les pluies répétées pendant des dizaines d'années voire des siècles érodent le sol et causent progressivement des glissements ou des effondrements du terrain ; certaines stèles couchées à même le sol sont lentement recouvertes de végétation et disparaissent à la vue. Les inscriptions gravées s'effacent au fil des ans, attaquées par les mousses et les lichens …
Une prise de conscience s'est faite ces dernières années et un effort d'entretien et de restauration de ces lieux a commencé.

Des vestiges parfois très anciens

Il subsiste une quarantaine de cimetières juifs en Moselle, dont une partie est encore utilisée par les communautés du département. D'autres sont fermés et plus aucun défunt ne peut y être enterré ; ce sont les plus anciens, qui datent en général des 17ème et 18ème siècles. C'est à cause de l'interdiction religieuse de suppression des tombes que certains cimetières possèdent des stèles vieilles de deux ou trois siècles.

Les rites funéraires

Après le décès, les funérailles ont en général lieu le jour même voire le lendemain, sauf s'il s'agit du Shabath ou d'un jour de fête : le défunt est alors enterré le jour suivant. Dans certaines communautés, c'est la Hevra Kadisha (confrérie du dernier devoir) qui organise l'enterrement ; ses membres préparent le corps, qui est revêtu d'une tenue blanche (le sargueness) et placé dans un cercueil. Le corps est ensuite amené au cimetière où une oraison funèbre est prononcée ; la cérémonie se termine par un Kadish (hymne à la gloire de Dieu et appel au rétablissement de son Royaume sur terre).

Après l'inhumation commence la période de deuil, divisée en trois temps : pendant une semaine, la famille ne quitte pas la maison du défunt, où sont dites des prières quotidiennes ; pendant trois autres semaines, la famille observe un deuil intime comportant un certain nombre de règles rituelles ; et enfin pendant l'année qui suit le décès, on récite le Kadish chaque jour. Par contre, pour éviter le culte des morts, il n'est pas conseillé de rendre visite aux défunts plus d'une fois par an. C'est seulement un an après le décès que la famille pose la pierre tombale (autrefois : la stèle) ; la sobriété est de mise, et les vieux cimetières juifs frappent par la simplicité uniforme de leurs stèles. L'incinération est rigoureusement interdite par la religion juive.

Dans les cimetières, les tombes doivent être alignées par rangées, orientées de façon à ce que le corps soit placé dans la direction ouest-est et que la stèle regarde vers Jérusalem. La coutume juive interdit les fleurs sur la tombe ; il est donc d'usage de déposer un petit caillou sur la stèle ou la dalle comme marque de visite.

Motifs particuliers sur certaines stèles

L'usage veut que l'on grave dans certains cas sur la stèle un motif particulier rappelant l'activité du défunt au sein de la communauté :

Documents

Un bail de cimetière : l'exemple de Vantoux (1736)

Avant la Révolution, les communautés juives qui voulaient ouvrir un cimetière étaient obligées de s‘adresser au seigneur du lieu qui le cas échéant, leur octroyait un terrain, en général à l'extérieur de la localité, moyennant le versement d'un loyer annuel et perpétuel. Quelques-uns de ces actes ont été découverts dans les liasses des notaires conservées aux Archives Départementales.

Jusqu'en 1736, la communauté juive de Vantoux, Vallières et Méy devait enterrer ses morts au cimetière de Metz-Chambière ; devant l'augmentation du nombre des familles, il fallait trouver une solution plus pratique …

Claude Pagel, avocat au Parlement de Metz, seigneur de Vantoux, accepta d'abandonner à titre de cens perpétuel aux 26 familles de Vantoux, Vallières et Méy et à leurs descendants « un terrain carré, fermé de murailles, situé au ban de Vantoux, lieu-dit au Préfond de Saulcy, au-dessus du jardin du pâtre », terrain que le dit Pagel fit entourer d'un mur à ses frais, à la demande des Juifs. Ce terrain devait leur servir de cimetière, moyennant quoi les Juifs s'engageaient à entretenir le mur d'enceinte et à payer annuellement entre les mains du mainbourg (représentant) de la communauté des habitants de Vantoux 26 sols tournois, lequel mainbourg reversait 18 sols au seigneur de Méy et 8 sols à la communauté des habitants de Vallières ; à cela s'ajoutait le versement annuel de 60 livres tournois de cens seigneurial à délivrer au sieur Pagel et à ses successeurs seigneurs de Vantoux.

Archives Départementales de la Moselle, 3 E 5423, 31 octobre 1736.

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Fragment du plan
Enquête sur un assassinat (plan)

Ce document exceptionnellement conservé a été élaboré pour servir à l'enquête sur l'assassinat de Lazare Lévy de Créhange, survenu le 28 janvier 1720.

Y sont figurés les villages de Haute et Basse-Créhange et d'Elvange, avec leurs châteaux, église et chapelle respectifs, et surtout les maisons. La représentation de celles-ci est très schématique, mais leur situation sur le plan se veut précise pour la conduite de l'enquête et la reconstitution de l'itinéraire de la victime et de celui des suspects interrogés par la justice.

La victime, qui voyageait avec son cheval, est un commerçant juif qui rentrait chez lui à Créhange un dimanche soir de janvier ; on peut supposer qu'il était à Créhange pour le Shabath précédent, et donc qu'il était parti en tournée pour la journée de dimanche. Comme son cheval a été retrouvé par les témoins, Lazare Lévy a sans doute été assassiné pour l'argent qu'il transportait.

Archives Départementales de la Moselle, C 29/11

Autre circonstance exceptionnelle : la stèle de Lazare Lévy existe toujours, et elle figure parmi les plus anciennes du cimetière israélite de Créhange. Voici la traduction du texte gravé en hébreu :

Ici est soustrait au regard
le martyr, notre maître, l'honorable Leizer
fils de Moshe qui a été trouvé dans l'eau le
19 Shebat
et qui a été enterré le
28 Shebat 480 du petit comput
puisse son âme être liée au faisceau des vivants
Notes :

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Photographies : © Luc Dufrène
© A . S . I . J . A . - Conseil général de la Moselle