Activités des Juifs avant la Révolution
:
de nombreux interdits, des métiers réservés
D'une manière générale, l'activité économique
des juifs était limitée par une double exclusion : de la propriété
immobilière et des corporations.
Pas de terres
L'interdiction d'acquérir des immeubles fut levée à
Metz en 1614, mais elle fut assortie d'une obligation de résider dans
un quartier bien délimité ; ailleurs en Lorraine, on voit les
Juifs devenir propriétaires de maisons progressivement à la
fin du XVIIe et au courant du XVIIIe siècle. Par contre, - à
l'exception d'un jardin attenant à leur maison – ils ne possèdent
pas de terres et se trouvent ainsi exclus des activités agricoles.
Pour faire paître leurs bêtes, ils doivent louer leur troupeau
ou payer pour avoir accès aux prés communaux. Les revenus de
la propriété foncière, qui étaient autrefois les
plus répandus, leur sont inaccessibles. Aux Juifs des campagnes reste
donc le commerce de fourrage, de grains, de vin, de bestiaux et de chevaux
; certains pratiquent le colportage, la boucherie ambulante, d'autres tiennent
un « cabaret » (nous dirions aujourd'hui une auberge). Presque
tous pratiquent le prêt sur gages : c'est en effet la seule activité
qui leur permet d'investir leurs économies, avec tous les risques qu'elle
comporte.
Exclus des corporations
En ville, l'exclusion des corporations leur interdit toutes les branches
de l'artisanat et du commerce de détail ; il leur reste donc là
aussi les métiers de la boucherie, la revente de vêtements et tissus
(friperie), la brocante et les métaux (« marchand de fer »)
et le colportage. Là où il y a des casernes, certains se spécialisent
en fournitures pour l'armée : fourrages, chevaux, sacs de blé
; ils font venir les chevaux en nombre du Palatinat ou du pays de Bade : ces
fournisseurs des armées sont les Juifs qui s'enrichissent le plus.
On les retrouve dans le prêt de fortes sommes d'argent aux officiers,
aux magistrats, aux nobles voire même à certains souverains.
Quelques-uns se consacrent à l'imprimerie, d'autres à la médecine
; les médecins juifs étaient très réputés
: les rois et même plusieurs papes avaient leur médecin juif
attitré. Isaïe Oulman de Metz est connu pour avoir sauvé
de la mort le roi Louis XV de passage à Metz en 1744 là où
des médecins chrétiens, convoqués avant lui, avaient
échoué …
Peu de riches, beaucoup de pauvres
Les Juifs banquiers, négociants et fournisseurs de l'armée royale
représentaient un petit nombre de personnes habitant surtout dans les
villes, Metz ou Nancy en ce qui concerne la Lorraine ; l'essentiel de leurs
coreligionnaires vivait dans des conditions modestes, voire dans la misère,
comme la plus grande partie de leurs voisins chrétiens de l'époque.
Documents
-
Prêt à un vigneron d'Antilly (1714)
Comparaît François BOQUE, vigneron et manœuvre demeurant
à Antilly, lequel a reconnu devoir de bonne et juste dette à
Lajeunesse CAHEN Juif de Grimont, présent et acceptant, la somme de
48 livres tournois pour pareille somme qu'il lui a ce jourd'hui et ci-devant
prêtée et délivrée pour employer aux cultures,
façons, fournitures et entretiens de trois mouées de vigne situées
au ban d'Antilly et une hotte et demie de vin dont il lui a payé aussi
le prix d'avance, en paiement de laquelle somme de 48 livres le dit débiteur
a promis de lui délivrer tout le vin qui proviendra des dites trois
mouées de vigne et la hotte et demie de vin ci-dessus au cours des
vendanges prochaines au prix de la taxe de police de cette ville (…).
Le château et la ferme de Grimont sont sur les hauteurs de Saint-Julien-les-Metz.
Archives Départementales de la Moselle, 3 E
4117, acte 384 du 18 mai 1714.
- Vente d'un cheval à Ars-Laquenexy (1684)
Nicolas JAQUINET, laboureur demeurant à Ars-Laquenexy, confesse devoir
à Jacob CAHEN, Juif demeurant à Vallières, la somme de
quatre pistoles d'or et trois escalins pour une cavalle sous poil noir que
le dit Juif lui a délivrée à son contentement, et le
dit JAQUINET promet au dit Juif de lui payer la dite somme aux fêtes
de Pâques prochaine sous l'obligation de tous ses biens meubles et immeubles
présents et à venir (…).
Quittance sous l'acte, signée le 10 avril 1684 par Jacob CAHEN.
Archives Départementales de la Moselle, 3 E 2687,
acte 48 du 25 janvier 1684.
-
Procuration : l'épouse peut aussi conduire les affaires …
(1682)
Lion CAHEN habite à Vallières depuis quelques années
et conduit son commerce de vente de bestiaux avec son fils Jacob. Le père
signe le 06 février 1682 cette procuration qui donne les pleins pouvoirs
dans ses affaires à sa femme Rachelle ISRAËL «à cause
d'une grande maladie qui le tient au lit depuis un an et demi ou environ».
Beaucoup de Juifs partaient régulièrement pour de longs déplacements
afin de s'approvisionner en marchandises : certains se rendaient même
aux foires de Francfort … ! Pendant ces périodes, l'usage était
que l'épouse ait tout pouvoir pour gérer les affaires courantes
en l'absence de son mari.
Archives Départementales de la Moselle, 3 E 2782,
acte du 6 février 1682.
- L'ancêtre du chèque : le billet payable au porteur (1714)
Israël Zay-Coblence, négociant demeurant à Metz, émet
le 19 novembre 1714 ce billet payable « au porteur à volonté
», d'une valeur de 5300 livres : le prix d'une maison à Metz
en ce temps-là …
Archives Départementales de la Moselle, B 11199.