Personnalités inhumées à Wintzenheim
par Freddy RAPHAËL et Monique EBSTEIN
Extrait de Cimetières Juifs d'Alsace, un patrimoine à préserver - Rosenwiller et Wintzenheim
avec l'aimable autorisation des auteurs


Lazare Nephtali Hirsch KATZENELLENBOGEN (1750-1823)
Wintzenheim, tombe 128
Voir la page consacrée au rabbin Nephtali Hirsch Katzenellenbogen

Jacob BRUNSCHWIG (1771-1805)
Wintzenheim, tombe 263

Jacob Brunschwig est né le 22 mars 1771 à Durmenach de Raphaël Brunschwig (décédé avant 1784) et de Gertrude Ullmann, décédée à Wintzenheim le 5 janvier 1805. Il épousa le 13 mai 1793 à Wintzenheim Sara Bloch, née en ce lieu le 17 mai 1779. Jacob Brunschwig et son épouse apparaissent dans le registre des prises de nom à Wintzenheim en 1808 avec cinq fils, mais sans aucune indication de profession. Sara décéda à Wintzenheim le 31 mai 1821 (tombe 109) et Jacob le 5 juillet 1844 (tombe 263).

Dans la brochure publiée en 1998 à l'occasion du 250e anniversaire de la Synagogue de Wintzenheim, M. Jacky Dreyfus, grand rabbin du Haut-Rhin, écrit que Jacob Brunschwig exerçait une fonction rabbinique à Wintzenheim "comme cela résulte d'une lettre du 30 juin 1806 dans laquelle il accepte de siéger comme député (du Haut-Rhin) à l'Assemblée des Notables convoquée à Paris par l'Empereur". Cette lettre a été retrouvée par Jean-Pierre Kleitz aux Archives départementales du Haut-Rhin ; elle révèle dès la première ligne qu'elle est écrite par "Jacob Brunschwig, Rabbin à Wintzenheim". Une seconde missive du 5 janvier 1807 informe le préfet de son départ pour Paris pour assister au Grand Sanhédrin qui s'y est tenu à partir du 9 février 1807. Enfin, l'épigraphe de sa tombe au cimetière de Wintzenheim confirme, s'il en était besoin, sa qualité de rabbin.

Ainsi que l'indique le Dictionnaire biographique des rabbins (1807-1905), Lazare Nephtali Hirsch, rabbin à Haguenau, fut également délégué, mais au titre du Bas-Rhin, aux Assemblées de 1806 et 1807. Le 22 février 1809, il fut élu grand rabbin du Consistoire de Wintzenheim. Son poste étant désormais occupé par un autre, Jacob retourna peut-être à des activités civiles ? Deux lettres, datées du 10 novembre 1823 et du 28 janvier 1825, adressées au Consistoire central à Paris par le Consistoire de Wintzenheim, le laissent supposer car elles sont signées par Jacob Brunschwig, en tant que membre laïque de ce dernier.

Rehle-Rosette BERR (1777-1851) et sa famille

Rehle Seligmann Berr, nièce de Cerf Berr, est née à Rosheim en 1777, fille de Seligmann Dov Berr (1742-1779), le plus jeune frère de Cerf Berr (1726-1793). Celui-ci fut, en son temps, une des figures les plus marquantes du judaïsme alsacien. Il fut le préposé "Chtadlan" ou "Parnass et Manhig"  de la nation juive de 1764 à 1788. Il joua surtout un rôle actif dans l'obtention de la citoyenneté française pour les Juifs d'Alsace. La mère de Rehle, Marimlé (Mariam) Netter (1745-1783), est la fille de Lehmann Netter de Rosheim, lui aussi Préposé de la nation juive.

En 1762, Seligmann Dov Berr, "fermier des revenus de la Ville de Rosheim" épouse Marimlé Netter. Ils auront neuf enfants dont Rehle sera la dernière. Elle n'a que deux ans lorsque son père meurt à l'âge de 37 ans, à Paris où il est enterré au cimetière juif de la Villette. Cerf Berr, tuteur de ses neveux et nièces mineurs, est chargé de gérer la fortune de son frère et de régler sa succession.

Trois ans après la mort de son mari, Marimlé Netter se remarie en 1783, avec Jacob Brisac-Charry de Metz. La petite Rehle qui n'a alors que cinq ans vit sans doute avec sa mère en Lorraine. Or, à la fin de sa vie, Cerf Berr quitta lui aussi l'Alsace et s'installa en Lorraine où il avait acheté le domaine de Tomblaine, près de Nancy. Son état de santé se dégrada rapidement, et il perdit presque totalement la vue. En 1792, il déménagea à Romanswiller, et c'est là que nous retrouvons à ses côtés Rehle, âgée de quinze ans, qui seule de la famille prenait soin de lui et écrivait son courrier, Cerf Berr, revenu à Strasbourg pour un court séjour y décéda le 7 décembre 1793. Comme il dotait ses nièces lors de leur mariage, après sa mort, la famille, pressée par David Sinzheim son beau-frère, veilla scrupuleusement à ce que les engagements du défunt soient respectés. Aussi lorsqu'en 1800, Rehle Seligmann Berr épousa Meyer Leib Lévy de Wintzenheim, elle reçut 6000 francs sur la succession de son oncle.

Comment ce mariage avait-il pu se faire étant donnée la distance séparant Rosheim de Wintzenheim (environ 80 km) et aussi la différence sociale qui existait entre les familles Berr et Netter de Rosheim et les Lévy de Wintzenheim ? Il ne faut pas oublier que, d'une part ces évènements se passèrent pendant la Révolution Française, que Cerf Berr avait été ruiné et que, d'autre part, des liens avaient déjà été tissés par des mariages entre les familles Netter et Lévy car, en 1760, la petite-cousine de Rehle, Hendle Netter, épousa Meyer-Lévy de Wintzenheim, et en 1780, Jacob Netter de Rosheim, (petit-cousin de Rehle) avait épousé Sara Wormser. Or, après le décès de Jacob Netter en 1789, sa veuve Sara se remaria en 1791 avec Isaac Leib Lévy de Wintzenheim, le frère du futur époux de Rehle.

En 1808, lors de la prise de patronymes des Juifs d'Alsace, imposée par Napoléon I, Rehle Seligmann Berr devint Rosette Berr, et Meyer Leib Lévy prit le nom de "Ebstein", ajoutant  "Lévy"  à son prénom. Il devint donc Moïse-Lévy Ebstein. Après leur mariage, Rosette et Moïse habitèrent Wintzenheim où ils eurent huit enfants. Rosette mourut à Wintzenheim, en 1851 à 74 ans et Moïse-Lévy, enterré également à Wintzenheim, lui survécut un an.

La froideur des actes de l'état civil ne permet malheureusement pas de connaître en profondeur ces ancêtres dont ils nous font découvrir les noms, les dates et certains évènements importants de leur existence. Comment ne pas éprouver une tendresse particulière pour cette arrière-arrière grand-mère orpheline, qui avait, dans sa jeunesse, réconforté la solitude des dernières années de son oncle autrefois riche et respecté, alors malade et aveugle ? À 20 ans, elle fonda sa propre famille, nombreuse qui contribua activement à animer la vie juive de Wintzenheim.

Un "pasteur" à la fois proche et imposant : le rabbin Joseph ZIVI (1865-1935)
Voir la page consacrée au rabbin Joseph Zivi

Présence d'une "simple fidèle" : Esther MAY née EBSTEIN (1849-1925)

Il est significatif que, dans la mémoire des survivants de la seconde guerre mondiale, l'une des personnalités les plus attachantes de la "kélle", la communauté de Wintzenheim d'autrefois, soit la "Kchérr Aechter"  ("Esther la Vaisselle"). Esther Ebstein, qui figure à l'État Civil sous le nom d'Adèle, est née le 23 avril 1849 à Wintzenheim d'Isaac Ebstein et de Cécile Haas. Elle épouse en 1872 Isaac May qui avait vu le jour à Muttersholz.

Elle parcourait le vignoble au pied des Vosges en poussant sa carriole d'osier pleine de pots, d'assiettes et de casseroles, qu'elle proposait aux villageois. C'était une excellente commerçante : la légende ne dit-elle pas qu'elle avait réussi à vendre à un vigneron un saladier en guise de pot de chambre ?

Elle était également "Chadchen"  (marieuse) expérimentée. On raconte qu'elle était si sûre de la réussite de son entreprise, que lorsqu'elle se rendait à la "pchau" (l'entrevue) où le prétendant rencontrait la jeune fille pour la première fois, elle n'omettait pas d'emporter une assiette. Or, il était d'usage de briser une assiette lors des fiançailles pour signifier que "l'affaire était conclue". On témoignait alors non seulement une gratitude émue alors à la "Kchérr Aechter", mais on la dédommageait aussi en remboursant largement le prix de l'assiette.

Cependant, ce qui caractérisait avant tout Esther c'était une profonde piété, qui ne cédait à aucune ostentation, ainsi qu'un dévouement sans limites à l'égard des malades, des pauvres et des errants. Son respect scrupuleux des rites témoignait de sa religiosité sans faille. Elle était une des rares femmes de la communauté qui, durant la "Convocation d'Automne", se rendait à l'aube à la synagogue pour y lire les  Seli'hoth, (les supplications). À  Yom Kipour, le jour du Grand Pardon, elle n'arborait aucun bijou. Elle allait à la synagogue en simple robe blanche, avec un bonnet en dentelle de même couleur. Ce qui singularisait la "Kchérr Aechter", c'était sa présence active auprès de tous ceux qui souffraient ou qui étaient dans la misère. Elle se rendait au chevet des malades, les accompagnait à l'hôpital. Elle soignait les accouchées, participait à la toilette des morts et n'hésitait pas à les veiller. Lorsqu'une de ses sœurs mourut prématurément, elle recueillit chez elle ses quatre enfants et par la suite elle les adopta. Tous les vendredis, elle entreprenait sa "tournée" : elle se rendait, avec un panier rempli de pain, de vin et de viande, auprès des familles les plus démunies. C'était une femme "très courageuse" qui ne reculait pas devant la tâche. Son époux, Isaac May, homme très bon mais effacé, soutenait sa femme dans toutes ses entreprises. Elle sut s'imposer par sa forte personnalité, son intelligence et sa présence aux autres.


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