Petite communauté dont la synagogue, datant du milieu du 19ème siècle (1850) fut démolie en 1877.
La plupart des anciennes rues de notre village indiquent une destination, par exemple la rue de Bretten, qui vous indique la direction du village de Bretten, ou celles de Diefmatten, de Guewenheim, de Soppe-le-Haut. Néanmoins, comme en grammaire, il y a une exception à la règle : la rue des Juifs. Celle-ci nous indique une origine, car, que nous le voulions ou non, nous sommes tous des fils d'Abraham et de Moïse, c'est-à-dire des juifs. Certes, l'histoire a voulu que nos communautés se différencient par leurs coutumes et leurs traditions, mais ici, à Soppe-le-Bas, je peux vous l'affirmer, pour l'avoir vécu dans ma jeunesse, la communauté juive et la communauté chrétienne ont cohabité en toute harmonie et je dirais même en pleine communion.
En 1850, Soppe-le-Bas comptait parmi les siens une vingtaine de familles juives, c'est-à-dire environ quarante adultes et une cinquantaine d'enfants. Une synagogue, détruite dans les années soixante-dix, leur permettait de pratiquer librement leur culte sous l'autorité d'un rabbin. Leurs activités étaient essentiellement orientées vers le commerce et les métiers de bouche. C'est ainsi que, dans notre village, traversé à l'époque par la route nationale n°83, nous nous honorions d'avoir des marchands de bestiaux, de draps, d'étoffes, de tabac, nous étions heureux d'avoir des épiciers, des courtiers, si bien qu'à l'époque on appelait Soppe-le-Bas dans les villages voisins "Le petit Paris".
Alors qu'aujourd'hui, dans les villes, la cohabitation entre communautés s'avère parfois délicate, ici à Soppe-le-Bas, nos différences étaient comprises et respectées. J'ai moi-même, avec mon père, donné du fourrage au bétail de notre ami Georges Picard, les jours du Shabath. L'esprit d'entraide régnait entre les communautés religieuses, et certains Soppois se souviennent encore d'avoir allumé ou entretenu le feu dans les foyers juifs la veille du Shabath. Ces services étaient empreints d'une estime mutuelle et étaient toujours récompensés par une aide ou une attention particulière. Jamais une foire Sainte-Catherine à Altkirch ne se passait sans que les voitures de Georges, Sylvain ou Alphonse Picard ne servent de taxis, car ils étaient les seuls à posséder des voitures. Jamais un agriculteur ne se trouvait dans une situation financière délicate sans que les marchands de bestiaux ou les épiciers ne leur viennent en aide pour leur faire passer cette épreuve difficile. Alors que la sécurité sociale n'existait pas, combien de Soppois ont pu consulter un médecin, se faire soigner, en demandant une avance chez Georges Picard en attentant que la vache puisse être vendue dans des conditions acceptables ?
Ces petits détails, qui paraissent aujourd'hui anodins, étaient à l'époque de la plus haute importance. Oubliés par les jeunes générations, ces petits détails ont changé l'existence de nos aïeux, c'est pourquoi je me dois, en leur nom, au nom de la population soppoise et de ses représentants au conseil municipal, d'exprimer toute leur reconnaissance à la communauté juive qui fut un élément moteur de notre entité villageoise.
Beaucoup d'entre nous habitent des maisons "juives", et j'ai moi-même grandi dans l'une d'entre elles. Pendant dix ans, une mezouzah ornait le chambranle de ma chambre à coucher sans que je connaisse la signification de cet objet. Aujourd'hui, toutes les traces de ce passage de la communauté juive disparaissent peu à peu dans l'indifférence générale. André Liller me rappelait récemment qu'il avait été question, dans les années 1970, de rebaptiser la rue des Juifs.
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Que cette journée du 3 juillet 2011 soit pour nous tous un moment d'intense émotion et de souvenir. Que cette plaque rappelle, à nos enfants comme à nous-mêmes, qu'au-delà de tous les débats philosophiques, il n'est point besoin d'être de grands théoriciens ou même de grands théologiens pour vivre en parfaite harmonie dans le respect des différences. Il a fallu à nos pères un peu plus de bon sens que nous en avons aujourd'hui pour comprendre que dans la différence partagée et comprise, se trouvait la clef de la prospérité et de la richesse de l'esprit.
Vive la rue des Juifs !
Vive le souvenir éternel envers les juifs de Soppe-le-Bas !
Vive Soppe-le-Bas et vive la France !
Francis GUTTIG
Maire de Soppe-le-bas
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Synagogue précédente |
Synagogue suivante |
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