La marque de montre UTI, UTINAM
une origine très sundgauvienne
par Christophe SANCHEZ
Extrait de HEGENHEIM BUSCHWILLER
BULLETIN DU CERCLE D'HISTOIRE DE HEGENHEIM BUSCHWILLER


Tombe d’Hector Lévy
au cimetière du Père Lachaise
La Fabrique d'Horlogerie Charles Couleru-Meuri semble avoir été créée en 1848 à la Chaux-de-Fonds et a été l’instrument qui a permis le lancement de la marque UTI des années plus tard. Elle produisait toutes sortes de montres et de compteurs, dont le cyclo mètres "Mascotte" qui se montait sur les roues de vélo. Elle produisait aussi des montres "8 jours", sous la marque OCTO, marque qui fut reprise par Ernest Tolck et qui existait encore dans les années 1960.

Hector Lévy, l’homme d’affaires

Hector Lévy reprend l’entreprise de Couleru-Meuri en 1901.
Hector Lévy a épousé en 1876 Alice Meyer. Il a été reçu en 1881 en tant que membre adhérent à la société horlogère de Paris.

Alice Meyer est d’origine alsacienne de Durmenach et Hégenheim. Son ascendance est la suivante : Abraham Meyer né à Durmenach entre 1792 et 1802 et décédé à Paris en 1860. Il est marié à Babette Babé Pavy Lévy (1779-1864) dont le père Isaac Bloch est originaire de Hégenheim (1763-1823). Leur fils aîné Hippolyte Meyer (1822-1883) et son épouse Célestine Bloch (1830-1903) donneront naissance à Alice en 1854, Valentine en 1859 et Georges en 1865.

Hector continue son expansion et prend la suite d’Antoine Redier inventeur du premier réveil-matin, avec qui il collaborait. C’est à Georges Meyer son beau-frère qu’il demande de diriger cette entreprise jusqu’à sa vente en 1904 pour acheter une société parisienne d'horlogerie, GRIVOLAS.

Il construit également au début du siècle une usine à la Chaux-de-Fonds et ouvre un magasin à Paris.
Au printemps 1906, malade, il cède sa place à Georges Meyer qui a fondé entretemps la société UTINAM (traduction du latin : "Si Dieu le veut") et décède l’année suivante.

Georges Meyer, le créateur

Georges est également connu dans le monde de l’horlogerie comme son beau-frère.
En 1897, il avait présenté une montre à répétition pour aveugles, combinant une sonnerie et des plots de repérage pour les minutes, qui avait fait l'objet d'un article élogieux dans la Revue Chronométrique.

Avec UTI, il obtient une médaille d'or à Liège et Paris en 1900. Suivront des distinctions à Londres, Turin, Besançon. Bien vite, UTIMAN va être plus connu sous le nom de UTI, mais, pour faciliter les choses, les marques UTI, UTINAM et Établissements Georges Meyer vont être utilisées conjointement jusqu'en 1940.

Georges construit également une usine à Besançon qui sera achevée peu après le décès d’Hector. Une partie de la production et les bureaux demeurent à la Chaux-de-Fonds jusqu’à la fin des années 20 pour être plus qu’une entreprise française.

Comme son prédécesseur, il s'oriente vers des produits haut de gamme.
Parmi les innovations, l'on voit apparaître dès 1912 des bracelets-montres pour hommes et femmes, des mouvements "de forme" ainsi que l'utilisation du radium afin de rendre luminescentes les aiguilles des réveils proposés à la clientèle.
UTI propose à cette époque également de magnifiques montres de gousset ou des chronomètres régulateurs de chemin de fer.
En 1912, Georges est fait Chevalier de la Légion d'Honneur.

Henri et Eugène Blum, la continuité

Henri Blum
En 1918, Henri Blum directeur technique de l'entreprise jusque-là reprend la direction d’UTI. Il est né à Scherwiller en 1882 d’Alexandre Blum et Joséphine Mayer.
Il est secondé par son frère cadet de huit ans, Eugène Fernand.

Les deux frères se sont mariés. Henri épouse en 1913 Marie Anne Didisheim, née à Saint-Imier en 1891. Eugène Fernand convole avec Suzanne Didisheim, sœur de la précédente, née en 1893 à la Chaux-de-Fonds. Le père de Marie-Anne et de Suzanne n’est autre qu’Arthur Didisheim (voir article sur Gabriel Didisheim).

En 1937, Henri Blum décède. Son frère Eugène lui succède.

Dès l'été 1940, la défaite étant passée par là, les premières mesures antisémites sont appliquées en zone occupée. En septembre, l'entreprise change définitivement de nom et devient UTI S.A.

Le 21 septembre 1942, deux ans plus tard presque jour pour jour, Eugène est interné à Pithiviers, d'où il part vers la déportation. Sa belle-sœur, Anne-Marie Blum Didisheim, sera déportée à Auschwitz le 15 février 1943, via Drancy, par le convoi 48. La femme d'Eugène, Suzanne, survit à la guerre et s'éteint à Besançon en 1953. Quant à ses enfants, ils ont trouvé refuge chez des membres de la famille à Périgueux jusqu'à la fin de la guerre. Après-guerre, la famille Blum s'est retrouvée dans la grande maison familiale de Besançon difficilement récupérée, les FFI qui en avaient chassé les Allemands ne voulaient pas partir.

Gilles Hippolyte et Jacques Meyer, le retour des Meyer

Gilles Hippolyte Meyer (1901-1950) est le fils de Georges Meyer. Il a un fils : Jacques.
Marié à une américaine, Rose Magdeleine Weil, Gilles Meyer a pu trouver refuge pendant les hostilités aux États-Unis ou en Suisse. Il est certain qu'il a survécu à la guerre, car on trouve trace de son décès à Paris en 1950.

C'est alors que Jacques Meyer, son fils, âgé de vingt ans seulement, accède au poste de Directeur Général des établissements UTI, avant d'en devenir le P.D.G en 1956.
Il occupera plusieurs postes importants en tant que PDG de Matra horlogerie, Jaz SA et Yema SA, Seiko mais également de Rotary (voir Article sur Rotary dans le Bulletin 2016).

Il achète en 1975 l’usine d'horlogerie Jaccard Frères à Villers-le-Lac et ouvre en 1977 une nouvelle unité de fabrication de cadrans de montre.
Ils avaient aussi une unité de production à Josselin dans le Morbihan (France) et BELUX-TIME en Belgique pour la distribution dans le Benelux.
Des années cinquante à leur fin, en 1984, les établissements UTI auront continué à œuvrer avec les plus grands joailliers, particulièrement Van Cleef et Arpels.
UTI a également collaboré avec de plus ou moins célèbres manufactures horlogères dont Breitling, et a également produit des chronomètres et des montres sous son seul nom.

L'entreprise s'est également faite connaître, comme avant la guerre, en produisant un nombre incalculable de pendules, d'horloges, de montres de bureau, de table, de voyage et de réveils, soit seule, soit en association avec d'autres marques telles Jaz, Jaccard ou Swiza.

UTI, absorbé par Matra, ne présente plus la moindre attractivité. Ce sera la fin d'une marque qui aura tenu sa place pendant les trois quarts d'un siècle entre les mains d'une dynastie familiale.

La renaissance

La marque Utiman est depuis 1993 à nouveau utilisée sous le nom de “Utinam Besançon” par le designer Philippe Lebru.

Sources :
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