De Gaspard LÉVY aux montres de la marque PIERCE
par Christophe SANCHEZ
Extrait de HEGENHEIM BUSCHWILLER 2012
BULLETIN DU CERCLE D'HISTOIRE DE HEGENHEIM BUSCHWILLER


En 2004 un livre de Catherine Lawton-Lévy me faisait découvrir le fondateur des éditions Bifur, Pierre Lévy. Un article retraçant les grandes lignes de la vie de cet éditeur a paru dans notre bulletin de 2005 page 87.
Je n'avais pas à l'époque fait de recherches plus avancées sur la société Léon Lévy et Frères fondée par les trois fils de Gaspard Lévy tous originaires de Hégenheim.

Hégenheim, berceau de la famille Lévy

C'est à Hégenheim que Gaspard Lévy (1814-1860) épousa en 1849 Henriette Barbe-Schmoll (1820-1895).
Le père d'Henriette, Salomon Schmoll, était journalier et les témoins qui l'ont accompagné à la mairie à la naissance de sa fille s'appelaient Jacques Bloch, marchand de chevaux et Isaïe Moch, journalier. Ils témoignèrent que l'enfant était bien la fille de Salomon et Jeannette, née Picard de Hégenheim.
De l'union de Gaspard et Henriette naquirent huit enfants dont trois filles et cinq garçons dont un mourut en bas âge, tout ceci échelonné sur une période de onze ans. L'aîné des fils, né en 1851, fut prénommé Henri ; le second Moïse, né en 1853, puis Léon, en 1856, et enfin Théodore en 1859.
Gaspard mourut en 1860 inexplicablement à l'âge de quarante-six ans.

Les fils de Gaspard ne tardèrent pas à comprendre que la Suisse représentait une chance d'échapper à un climat antisémite (affaire Dreyfus) et de trouver des opportunités de participer au miracle économique helvète.
Le premier à partir fut Moïse, qui, pour échapper à la conscription en Alsace, s'installa dans le canton de Soleure en 1874 dans la ville de Starrkirch.
Léon et Théodore s'établirent à Aegerten à 10 kilomètres de Bâle.

Léon Lévy &Frères

Aucune source ne permet de savoir comment Léon Lévy a commencé sa carrière dans l'industrie horlogère. Madame Lawton pense qu'il a commencé à se former dans un atelier puis il acheta des ébauches et des fournitures nécessaires à la fabrication des montres avant de créer sa société en 1883 à Bienne qu'il appela "Léon Lévy & Frères".
Il continua son activité achat-vente de fournitures puis une usine fut construite à Moutier pour fabriquer des mouvements.
Léon et ses frères confiants sur leur avenir invitèrent leur mère à habiter avec eux en 1884. Elle restera avec eux et décédera en 1895 et sera enterrée à Hégenheim près de son mari.
En 1886, la société Lévy & Frères employait 700 personnes et fabriquait des montres de A à Z. La même année Léon se maria avec Léonie Grumbach une jeune alsacienne de Colmar. Du mariage naquirent deux enfants, Margot en 1887 et Pierre en 1894.

Publicité de 1907 montrant les mouvements fabriqués par
Léon Lévy et Frères au début des années 1900.
En 1902, l'entreprise est installée au Rockall, Faubourg du Lac à Bienne. C'est une manufacture qui produit des montres cylindre, ancre et Roskopf. La marque Eclipse est utilisée à cette époque. En 1903 déménagement rue Neuve à Bienne et en 1905 l'entreprise devient Société Anonyme.
Elle achète à Moutier pour 21 420 francs suisses un terrain de 23 ares à un banquier bernois pour construire une nouvelle usine. Elle y emploie rapidement mille ouvriers et produit deux mille mouvements par jour.
Elle fabrique des montres courantes et bon marché, y compris les boîtes.

En 1908, la fille de Léon, Margot, épouse Lucien Flegenheimer un négociant en soierie de Genève. La belle-mère de Margot, Clara née Nordmann, était originaire de Hégenheim ; et son père Elias avait été colporteur dans le commerce de rubans.

Dans les années 1920, Léon Lévy & Frères produit une grande variété de mouvements, ancres et cylindres, mais doit faire face à une crise sans précédent dans l' horlogerie. Les exportations sont en chute libre et passe de 325 millions en 1920 à 169 millions en 1921. Les effectifs sont diminués de moitié.


Publicité de 1931. On y voit l'usine de Moutier, des mouvements de petites dimensions et des boîtes finement décorées.

En 1930 on trouve mention d'une succursale aux Etats-Unis, à New-York sur Beekman Street.
L'entreprise produit alors une gamme de montres-bracelets sous la marque Rocail et quelques montres de poche sous la marque Darius. Les boîtes sont originales et joliment décorées, bien dans la mode des années 1930, ce qui s'explique sans doute par le fait que l'entreprise en maîtrise la fabrication.

Dès 1933 Léon Lévy & Frères dépose le brevet suisse n°172 127 pour une montre automatique dont la masse bouge parallèlement au mouvement. C'est une solution originale si on la compare au rotor de Rolex ou aux masses oscillantes à butée utilisées par de nombreuses autres entreprises. Elle subira de nombreuses améliorations et sera utilisée pendant plus de 20 ans par la firme de Bienne.

En 1934, Léon Lévy meurt à Paris à l'âge de 78 ans et repose dans le carré juif du cimetière de Montparnasse. Ce sont les fils de Moïse, Henri et Adrien qui reprennent la marque. Adrien va ainsi s'occuper de la gestion commerciale et Henri va gérer la fabrication.

En 1935 les montres automatiques sont équipées de boîtes étanches et un brevet est déposé, n° 195 382, sur un mécanisme d'embrayage de chronographe. Ce sera la naissance du fameux chronographe Pierce à un moment idéal, juste avant les Jeux Olympiques de Berlin.

1939 - Manufacture des Montres et Chronographes Pierce.

Le succès du chronographe Pierce est considérable, et en décembre 1938 la société devient Manufacture des Montres et Chronographes Pierce.
Les premiers chronographes Pierce sont des modèles mono-poussoirs .En 1939 apparaît un modèle double poussoir à poussoirs ronds. En 1943 le chronographe sera doté d'un nouveau boîtier aux anses plus fines et plus longues.
L'autre succès de Pierce est sa montre automatique.

Pierce SA - 1948

En 1948, la société se présente désormais sous le seul nom "Pierce". Les années 1950 sont des années fastes pour Pierce.
En 1952, apparaît une petite montre avec calendrier complet et phases de la lune. Par rapport à la concurrence c'était un peu tardif. Ebauches SA fournissait depuis 1945 à tous les fabricants, des calibres avec calendrier, avec ou sans phases de lune, et des marques bien connues comme Omega ou Record avaient déjà développé leurs propres modèles. La montre calendrier Pierce de 1952.

En 1953, le signe π (pi) apparaît au dessus de la marque Pierce et en 1955 c'est le lancement du modèle Correctomatic. Il nous est présenté dans le Journal Suisse d'Horlogerie de la même année : "Pierce S.A., Bienne, présente à la Foire de Bâle une importante nouveauté, la montre Pierce-Correctomatic (système breveté).II est bien connu que toute montre, et tout spécialement lorsqu'il s'agit de la montre-bracelet, même réglée en fabrique ou par l'horloger au plus près des possibilités, est susceptible de différences de réglage lorsqu'elle est portée. Ces différences de réglage dépendent de la personne qui la porte, des conditions dans lesquelles elle est utilisée, des mouvements plus on moins fréquents et violents de son propriétaire, de la position de repos durant la nuit, du climat, des changements de température et de saison."

Un an plus tard, en 1956, l'entreprise innove à nouveau avec une montre-réveil originale puisqu'elle peut au choix sonner ou vibrer. C'est le modèle Duofon.

Les années 1960 marquent le début du déclin pour Pierce. Les modèles automatiques et Correctomatic poursuivent leur carrière mais un seul nouveau modèle apparaîtra en 1964 : le modèle Intercosmos avec jour et date. L'entreprise cesse de produire ses mouvements et survivra aux années 1970 avec une gamme de montres mécaniques simplifiées. Elle disparaîtra au début des années 1980.

Aujourd'hui un site Pierce existe et présente une collection de montres plutôt banales fabriquées en Allemagne, probablement sur la base de mouvements d'origine chinoise.

Sources :

- "La Maison Léon Lévy & Frères SA", Revue Internationale d'Horlogerie, 1936, p.210 et suivantes
- Journal Suisse d'Horlogerie, 1955, 1-2
- Du Colportage à l'édition, Catherine Lawton-Lévy, édition Métropolis, 2004


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