Le Cimetière israélite de Hattstatt-Herrlisheim
Jean-Pierre WEILL
Doyen du Consistoire Israélite du Haut-Rhin

Le cimetière de Hattstatt - photographie ancienne, coll. © M.& A. Rothé

Inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques par arrêté du 7 septembre 2004 pour sa partie ancienne, propriété du Consistoire Israélite du Haut-Rhin, le cimetière israélite de Hattstatt- Herrlisheim, est situé sur le ban de la commune de Herrlisheim près Colmar, sur le coteau ouest de la colline dite Elsbourg, au bord de la rivière Lauch, à l’extérieur du village.

Sa création intervient après la Révolution française, en l’an II de la République (1794) donc bien avant la loi du 23 prairial de l’an XII (1904) qui faisait obligation aux communes de mettre à disposition un lieu d’inhumation de chacun des cultes présents. Les communautés juives de ces deux villages représentaient d’après le recensement de 1784, 41 familles soit 229 personnes pour Hattstatt et 36 familles soit 160 personnes pour Herrlisheim. Structurées et vivantes à l’époque, elles ont entièrement disparues après la deuxième guerre mondiale. Leurs belles synagogues du 19ème siècle ont été totalement détruites par les occupants vandales.

Ce champ de repos mérite une attention particulière car, dans un paysage bucolique, en plein vignoble, ilest entouré d’un mur de clôture en maçonnerie de pierres et contient environ huit cent tombes. Les plus anciennes, de 1774 à 1804, ont été détruites par une inondation, en avril 1984, occasionnée par la rupture d’une canalisation de la station de pompage installée sur la colline Elsbourg. Il en reste quelques vestiges pratiquement non identifiables.
Une cinquantaine de stèles en grès, datant approximativement de 1804 à 1840, adoptent des formes différentes : arc surbaissé avec décrochement, fronton de forme trapézoïdale, triangulaire ou rectangulaire décoré à l’aide de motifs récurrents tels que mains de Cohen, couronne du souvenir, aiguières des Lévy, floraux, soleil…, avec ou sans encadrement, avec ou sans colonnes à fût lisse, surmontés de chapiteaux simples ou à volutes.
Deux stèles rappellent le style Louis XVI avec des motifs floraux. Une dizaine en grès des Vosges constituées d’une dalle monumentale posée verticalement, datant des années 1830, se caractérisent par un arc en plein cintre avec encadrement décoré d’une urne particulière.
L’épitaphe est parfois encadrée entre deux colonnes qui peuvent être pilastre.
Le reste est nettement plus conforme aux modèles existants par ailleurs dans le département. Grandes dalles en grès ou en marbre style néo-classique ou néo-gothique avec des formes traditionnelles de la seconde moitié du 19ème et du début du 20ème siècle : obélisque drapé ou colonne brisée.
Un ensemble de petits obélisques similaires en grès décoré d’une couronne constitue le modèle funéraire pour les enfants décédés dans la même période.
Les tombes à épitaphes entourées de colonnes ou de pilastres sont une particularité de ce cimetière et ne se retrouvent pas dans les 22 autres lieux de sépulture du département.

Géré par l" ’Association des Bienfaiteurs du cimetière de Hattstatt-Herrlisheim", créée en 1954, il l’est maintenant par le Consistoire Israélite du Haut-Rhin, l’association ayant été dissoute en 2014 étant donné l’âge avancé de ses membres et le manque d’intérêt des plus jeunes.

Le cimetière en 2004
De nombreux évènements tragiques sont à garder en mémoire. Après chacun d’entre eux les monuments touchés ont été reconstruits grâce à l’efficacité de cette association et du consistoire.
La première profanation a eu lieu sous l’annexion allemande entre 1940 et 1945 (date imprécise).
La deuxième profanation a eu lieu en 1967 : multiples monuments dégradés, inscriptions injurieuses et antisémites.
La troisième profanation a eu lieu le 30 août 1992 : 193 stèles renversées, 53 stèles brisées.
Le 26 décembre 1999 une tempête particulièrement violente a dévasté le cimetière renversant et brisant 115 monuments funéraires.
La quatrième profanation a eu lieu le 30 avril 2004 : 127 tombes profanées, inscriptions nazi "Juden Raus" ou "einVolk, ein Reich, ein Führer", croix gammées…

Son appellation de "cimetière historique" n’est de loin pas usurpée.
Grâce à un bénévole, Roger Harmon, américain non juif résidant en Suisse, pratiquant la religion juive comme un Hassid, un inventaire de toutes les tombes avec photo individuelle a été établi en 2017. Un protocole, pour chacune d’entre elles, ainsi qu’un dictionnaire épithaphique, sont en cours et seront terminés d’ici la fin de l’année courante. Ces deux ouvrages sont sensé être publiés, toutefois les descendants connus de ces deux communautés sont très peu nombreux et les frais entraînés par cet important travail sont au-dessus des possibilités financières de ce cimetière. Des subventions et des dons sont donc indispensables pour le mener à bonne fin.


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