DORNACH

Synagogue de Dornach
Dornach, petite commune de la banlieue de Mulhouse, s'agrandit au cours du 19ème siècle, et remplaça, après 1850, sa première synagogue par le bâtiment qui existe encore aujourd'hui.

Dornach deviendra le siège d'un rabbinat en 1919.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, sa synagogue délabrée sera délaissée au profit d'un oratoire aménagé dans une maison voisine. Celui-ci sert surtout de lieu de culte pour les Juifs de stricte observance.

La communauté israélite de Dornach
par Jean-Yves CERF
Extraits de LE ROMAN DE LA PAROLE, ch.2 Thèse de Doctorat d'Ethnologie
Soutenue le 5 décembre 2008


L'oratoire actuel de Dornach ; on distingue la synagogue à droite
Dornach, attachée au royaume de France par le traité de Westphalie (1648), a eu une histoire distincte de Mulhouse, puisque celle-ci était jusqu'en 1798, une entité indépendante. Comme d'autres bourgades proches de Mulhouse, Dornach a abrité une petite communauté juive. On y comptait onze familles, soit 57 Juifs, en 1784 (1). La synagogue aujourd'hui fermée y a été édifiée au 19ème siècle, en signe de l'expansion et de l'ambition de la communauté et d'un bourg qui s'urbanisait et s'industrialisait au rythme de sa dynamique voisine.

C. Bloch, rabbin de Dornach dès l'enfance de Sylvain Grumbacher (2) et jusqu'à l'invasion nazie, était proche de la CISTO (3) et collectait des fonds pour le foyer juif en Palestine. La synagogue eut sa toiture endommagée par des tirs en 1914. Avec l'argent des dommages de guerre, on préféra aménager un oratoire, au rez-de-chaussée de la maison communautaire voisine. Dornach avait été absorbée administrativement par Mulhouse en juin 1914. La commune propriétaire n'avait plus de raison d'entretenir deux grandes synagogues. "La petite synagogue de Dornach, demeurée en activité, assure également des offices le Shabath et les Fêtes" affirmait en 2002 un bulletin édité par le rabbin mulhousien E. Hayoun, intitulé La Communauté juive de Mulhouse (4). Par "petite synagogue", il faut donc entendre l'oratoire, la maison communautaire qui se trouve rue des Juifs. Cette pratique ne recouvre plus depuis la Libération une réalité géographique. Dornach est alors devenue une communauté traditionaliste officieuse, qui s'est perpétuée par le choix de quelques juifs mulhousiens de marcher longtemps pour assister aux offices du Shabath (4). Mais ceci n'a pas été écrit dans le bulletin communautaire.

(…) La "petite synagogue" de Dornach (à l'origine c'était un oratoire aménagé dans la maison communautaire) a pris le relais après l'abandon de la synagogue construite au milieu du 19èmè siècle et endommagée en 1914. Elle est restée en fonction jusqu'à nos jours, tandis que toutes les autres synagogues des villages proches de Mulhouse ont perdu leur activité rituelle. Une famille juive de marchands de bestiaux a continué son activité à deux pas de la boucherie Grumbacher jusque vers 1980. (…)

 Au début du 20ème siècle il y avait trois groupes juifs à Mulhouse. La communauté principale de la rue des Rabbins, celle des juifs orientaux, et enfin la CISTO, autour de familles refusant l'évolution des conservateurs, en particulier l'installation de l'orgue rue des Rabbins. Un schisme semblable s'était produit à Strasbourg, mais la "petite communauté", dont le père de Jo Bollack a fait partie, était liée aux orthodoxes allemands, alors que celle de Mulhouse avait des correspondants en France. Dornach, commune encore séparée de Mulhouse jusqu'en juin 1914, avait sa propre communauté, comme du reste Pfastatt, et d'autres bourgades à peine plus lointaines.

Ces communautés périclitent après la première guerre mondiale. La seconde guerre mondiale va frapper durement les juifs mulhousiens. Le rabbin Hirschler meurt en déportation. Le rabbin Bloch de Dornach meurt en 1942 à Aix-les Bains. La maison communautaire de Dornach est tombée en ruines. Après la défaite nazie, les oppositions entre les orientaux et les alsaciens sont effacées. La CISTO a disparu, mais une dynamique orthodoxe animée par des jeunes s'affirme à nouveau à Mulhouse. Josi Samuel (frère de Marguerite Kohn) reprend le flambeau de l'orthodoxie comme ministre-officiant et le groupe fréquente désormais Dornach, en compagnie des familles juives locales, qui gardent la présidence communautaire.

Vers 1951, le rabbin Schlammé, gendre de M. Kohn formé dans une yeshiva orthodoxe anglaise, y est nommé. Après son oncle, Jacques Kohn devient ministre-officiant. Les trois offices du Shabath et ceux des fêtes sont célébrés devant quinze ou vingt hommes. A la fin de la guerre d'Algérie, des familles juives de rite séfarade, arrivent à Mulhouse et l'accueil est un peu chaotique. Plusieurs familles sont secourues par des coreligionnaires à Dornach et la fréquentation des offices rue des Juifs s'en trouve renforcée. Une solution à la question des différences rituelles est trouvée plus tard avec la nomination supplémentaire à Mulhouse d'un rabbin séfarade. La plupart des séfarades délaissent alors Dornach.

Dans les années 1970, Monsieur Grumbacher est secrétaire de la petite communauté. Un dernier rabbin orthodoxe, Monsieur Elkaïm, vient à Dornach, sans y résider, dans les années 1990. Après sa disparition, on a continué à célébrer à Dornach l'office du Shabath matin et ceux des fêtes, sous la conduite de Monsieur Wisman, ministre-officiant. André Wallach a été le président de la petite communauté juqu'à sa disparition, un an avant celle de Sylvain Grumbacher. En faisant appel à la solidarité de membres de la communauté mulhousienne, les responsables actuels maintiennent encore avec difficulté le minyan pour l'office du samedi matin et celui des fêtes.


Vestiges de l'intérieur de la synagogue
Synagogue de Dornach
intérieur de l'oratoire actuel

Notes

  1. Selon le "Dénombrement général des Juifs d'Alsace" ordonné par le gouvernement du roi Louis XVI, dont des extraits copiés sont visibles aux Archives municipales à Mulhouse.
  2. Sylvain Grumbacher est un petit-fils de marchands de bestiaux, fils de boucher et boucher lui-même à Dornach. Il était connu pour ses moschelich (ses bons mots) dont on peut voir un exemple en cliquant ici (n.d.l.r.) 
  3. CISTO, communauté israélite de stricte observance ; à noter qu'il s'agit d'un acronyme français. D'autres CISTO ont existé en France.
  4. Le mot communauté a une charge affective pour les juifs ; il est souvent abrévié en Com. Ce mot désigne en général un groupe dont les membres se reconnaissent des intérêts communs. Précisément l'appartenance à la communauté juive locale est une adhésion annuelle, non seulement symbolique, mais aussi financière. J'ai entendu des Mulhousiens se reconnaître comme juifs, tout en précisant "Je ne paie plus depuis longtemps ma cotisation à la Com. !"
  5. Par respect de l'interdiction de se déplacer en véhicule pendant le Shabath. Trois kilomètres séparent les centres de Mulhouse et de Dornach.
Photographies : © M. Rothé

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