Cernay
© M. Rothé
CERNAY


Communauté juive très ancienne, Cernay connut toutes les persécutions du 14ème siècle. A partir du 16ème siècle on y parle à nouveau d'une synagogue. En 1784, on trouvait 138 Juifs à Cernay, et c'est au milieu du 19ème siècle que la communauté connaîtra sa population la plus importante, avec 344 âmes.
La synagogue, datant du 18ème siècle (1752), fut détruite en 1846 pour être remplacée par le bâtiment qui existe encore, rue Haffner. Après la première guerre mondiale, la communauté, qui avait beaucoup diminué, vendit la synagogue pour en construire une autre, plus petite, rue Poincaré. Celle-ci fut profanée par les nazis. Elle est aujourd'hui désaffectée et sert de remise de stockage de grains.
En 1878, le rabbinat d'Uffholtz fut transféré à Cernay. Il fut supprimé en 1910, mais on le maintint cependant jusqu'au départ du rabbin.

A PROPOS DE LA RUE DE L'EGLISE ("JUDAGASSLA") ET DE LA RUE DE LA SYNAGOGUE...
Société d'Histoire et d'Archéologie de Cernay et Environs

La rue de la Synagogue à Cernay sur une carte postale ancienne - coll. © A. et M. Rothé
Comme beaucoup d'autres villes et villages d'Alsace, Cernay abritait autrefois une importante communauté israélite, qui a laissé son empreinte sur la toponymie de notre ville : une rue de Cernay porte le nom de "rue de la Synagogue" et la rue de l'Eglise est encore connue de nos anciens sous le nom dialectal de "Judagassla" (ruelle des juifs), qui est son nom originel.

C'est vraisemblablement au cours de la seconde moitié du 13ème siècle que les premiers Juifs s'établirent à Cernay, qui venait d'être fortifiée et promue au rang de ville. Cette première communauté fut persécutée en 1309 (chronique de Thann), en 1338 (par les hordes sanguinaires de l'illuminé Armleder) et en 1348-49 (pendant la Peste Noire, dont on rendit les Juifs responsables !). Elle se reconstitua cependant peu après, puisqu'en 1365 un Juif de Cernay nommé Mathis s'établit à Bâle, suivi en 1371 par la veuve Trine (Catherine) de Cernay et sa famille.

Les Juifs de Cernay faisaient surtout le commerce d'argent au moyen-âge, le prêt à intérêt étant interdit au Chrétiens sous peine d'excommunication : en 1332-36 des Juifs de Cernay figuraient parmi les créanciers de la comtesse Jeanne de Katzenelenbogen-Montbéliard, à laquelle ils avaient prêté de l'argent, et en 1374 Jeckhlen, Juif de Cernay, acheta à un de ses coreligionnaires de Colmar des créances sur des bourgeois de Cernay. Mais ils savaient rendre d'autres services à la communauté à l'occasion : en 1442 le Grand-Bailli d'Alsace donna pleins pouvoirs au Juif Eberlin de Cernay pour se charger du courrier de la ville.

Au 15ème siècle, la communauté juive de Cernay devait être relativement importante puisqu'une rue de la ville portait le nom de "rue des Juifs" ("der Juden gassen", charte de Lucelle) dès 1404. C'est l'actuelle rue de l'Eglise, rebaptisée au 19ème siècle. La synagogue qui se trouvait dans cette rue ("die Juden Schule") est citée dès 1537 en même temps que l'école qui était à côté. Les Juifs de la ville devaient un cens annuel d'un pot d'huile à l'Eglise de Cernay pour "leur école" ("Irem Schulhus"). Il est également question d'un "cimetière juif" ("der Juden Kilchhof") à Cernay dès 1542 (terrier de Schoenensteinbach). Il se trouvait au bord du "chemin d'Uffholtz" (rue du repos) et servit de lieu de sépulture aux Juifs de la région jusqu'au milieu du 17ème siècle. Il fut désaffecté après la guerre de Suède au profit de celui de Jungholtz ; quant à la synagogue de la rue des Juifs, elle tomba en ruine pendant cette même guerre (1632-1648) et le couvent d'Oelenberg, auquel les bâtiments appartenaient alors, ne permit pas aux Juifs de la rebâtir au même endroit. Entretemps, les Juifs de Cernay avaient été expulsés de la ville en exécution d'une ordonnance de la Régence autrichienne d'Ensisheim. De 1574 à 1648, plus aucun Juif ne fut autorisé à habiter à Cernay. Ceux qui s'étaient établis à Uffoltz continuèrent cependant à fréquenter les marchés et les foires de Cernay, comme par exemple le marchand de chevaux Isaac Schwab et ses fils Isaac et Jaegle (1620-1630).

Synagogue de Cernay
La synagogue en 1898
Synagogue de Cernay Intérieur de la synagogue en 1899
Après le rattachement de l'Alsace à la France (1648), Cernay rouvrit ses portes aux Juifs. En 1666, cinq chefs de famille, dont un "maître d'école juif" ("der Juden Schulmeister"), payèrent un "droit de protection" au nouveau seigneur de la ville. Au 18ème siècle, la communauté se développa, passant de huit ménages en 1698 à une trentaine de ménages en 1741. En 1784, elle comptait 138 membres. Dès 1752, il est de nouveau question d'une synagogue à Cernay : elle était située dans la rue qui porte encore aujourd'hui le nom de "rue de la Synagogue". Fermée et convertie en magasin à fourrage pendant la révolution (1794), cette deuxième synagogue fut démolie en 1864 et remplacée par une nouvelle construction qui existe toujours (2, rue Haffner).

Au 19ème siècle, la communauté israélite de Cernay continua de croître, au détriment des communautés rurales voisines (Uffoltz, Wattwiller), touchées par l'exode rural. A son apogée, vers 1860, elle comptait près de 300 membres. En 1833 fut créé le cimetière israélite de Cernay, qui existe toujours.

Avant la guerre de 1870, le siège du rabbinat dont dépendait Cernay se trouvait à Uffoltz : Cernay n'avait qu'un ministre-officiant, subordonné au rabbin d'Uffoltz. Après l'Annexion, le rabbin cantonal s'établit au chef-lieu du canton, dont la population israélite était désormais beaucoup plus importante que celle d'Uffoltz. Le dernier titulaire du "rabbinat de Cernay-Uffoltz" fut le rabbin Salomon Bamberger, originaire de Würtzburg en Bavière (1886-1915). Cet homme pieux et généreux, qu'on appelait familièrement "Reb Zalme", sut gagner la confiance et l'estime de toute la population, Chrétiens et Juifs confondus.Lorsque le maire et le curé Cernay furent arrêtés par les Allemands pour intelligence avec l'"ennemi" en août 1914, le rabbin Bamberger intervint en leur faveur auprès du général von Deimling. Son intercession évita sans doute aussi des représailles à la population civile, accusée d'avoir tiré sur les Allemands. Lorsque Cernay fut évacué quelques mois plus tard, le vieux rabbin refusa avec véhémence de quitter la ville sans ses livres sacrés et ceux de la synagogue. Une trêve de 24 h fut convenue entre les commandants allemands et français afin de permettre l'évacuation du rabbin et de sa fille. Le vieil homme mourut peu après au domicile de son fils.

Après la guerre 1914-1918, la communauté israélite de Cernay, qui ne comptait déjà plus qu'une centaine de membres à la veille du conflit, continua à décroître. L'ancienne synagogue, désormais trop grande, fut vendue et une nouvelle synagogue, plus modeste, fut construite rue Poincaré (n° 35). Pendant la seconde guerre mondiale, celle-ci fut profanée par les Nazis, de même que le cimetière israélite dont les pierres tombales furent vendues aux enchères. Dispersée en 1940, la communauté israélite de Cernay, qui paya elle aussi un lourd tribut à la barbarie nazie, ne se reconstitua pas après la guerre.

Cernay
La synagogue de la rue Poincaré, aujourd'hui désaffectée,
sert de remise de stockage de grains. © M. Rothé

Aujourd'hui, Cernay ne compte plus qu'une ou deux familles juives. Seuls les deux synagogues désaffectées et le cimetière du 19ème siècle rappellent l'importance qu'avait la communauté juive de Cernay dans le passé. La "Judengasse" du moyen-âge porte aujourd'hui le nom de "rue de l'Eglise".


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