WEITERSWILLER

 

La synagogue ancienne

Dès le début du XIXe siècle, on trouve trace de l'existence d'une synagogue à Weiterswiller dans quelques actes notariés comme l'inventaire après décès de Jacob Haehnel établi par le notaire Dieterich le 22 mars 1808 qui nous apprend que le défunt détenait «deux bancs dans la synagogue».

Ces quelques mots attestent de la présence dans le village d'une synagogue ancienne, sans doute construite vers la fin du XVIIIe siècle sur la parcelle F 216 du cadastre napoléonien.

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La maison qui sur la matrice cadastrale de 1834 est située sur la parcelle F 216 appartient à « la veuve d'Isaac Lévy ». Cette parcelle correspond à celle désignée par le numéro J 52 sur le Grundsteuer révolutionnaire dont le propriétaire était Nahum Levi, qui devint, en 1808, Joachim Lévy après les changements de noms imposés par Napoléon. Originaire de Hatten, et marié depuis 1778 à Rachel Michel, il s'était installé à Weiterswiller après son mariage et était «négociant». Il se bâtit une fortune conséquente sous la Révolution et l'Empire.
Dans son testament, on lit que sa maison est «sise à Weiterswiller, d'un côté Jacques Gerlinger, de l'autre la synagogue, par devant la grande route, par derrière le chemin communal». En fait la maison d'habitation et la synagogue formaient un seul édifice.

À la mort de Joachim Lévy, sa veuve, Rachel Michel, en hérita. Elle décéda en 1828.
À la suite du partage de la succession entre ses enfants, Isaac Lévy, négociant, comme son père Joachim, en devint seul propriétaire, l'ayant rachetée à sa sœur Jeannette Lévy pour une somme de 1200 francs.
Il habite la maison avec sa seconde femme, Jeannette Katz, et ses enfants mais meurt en 1833, la même semaine que ses deux frères Simon et Jonas. Sa veuve se remarie l'année suivante avec Jacques Franck, courtier, originaire de Struth.
Au recensement de 1836, la maison est habitée par Jacques Franck, Jeannette Katz et leurs enfants.

En 1841, la famille Franck a quitté Weiterswiller. Deux familles, sans doute locataires, habitent la maison. D'une part, un instituteur d'origine allemande, arrivant de Lembach et nommé à Weiterswiller, Reinmund Cerf Moïse, et sa femme, Philippine Gutmann, également d'origine allemande, leur fils Wolf et un domestique Jacques Franck.
D'autre part, Herz Haehnel, marchand de veaux, sa femme Sara Samuel et leurs enfants Marie Anne et Joseph.

En 1846, les Reinmund sont toujours là. Une autre famille habite la maison, composée de Veit Lévy, marchand de veaux, sa femme Barbe Weil et leurs enfants.
Les deux familles occupent toujours la maison en 1851. En 1861 et en 1866, il ne reste plus que le couple Reinmund et leur domestique, Jacques Franck.

En juin 1867, après plusieurs décennies de services rendus à la communauté pour la célébration de son culte, le sous-préfet de Saverne, Auguste Guynemer, décrit ainsi la synagogue : « La synagogue de Weiterswiller est une vieille masure qui menace ruine. Elle est d'ailleurs trop petite pour la population israélite et n'est plus susceptible d'aucune réparation.

La construction d'une nouvelle synagogue

Cette description justifie que la communauté israélite du village, alors forte d'environ 120 personnes, ait souhaité remplacer ce lieu de culte très dégradé par un bâtiment neuf.

Une construction de cette nature nécessitait de requérir les avis des autorités administratives et religieuses et d'obtenir les autorisations et les subventions sans lesquelles un tel projet ne saurait aboutir : le sous-préfet de Saverne, le préfet du Bas-Rhin, le Garde des Sceaux, ministre des cultes, le consistoire israélite de Strasbourg et la commune de Weiterswiller furent donc sollicités par les représentants de la communauté qui reçurent chaque fois un accueil favorable.

L'autorité administrative en la personne d'Auguste Guynemer ayant donné son feu vert, le soin d'élaborer un projet de construction fut confié M. Fürst, l'architecte d'arrondissement, qui soumit ses plans aux parties concernées le 8 mars 1866.

Le devis estimatif du coût de la construction du nouvel édifice s'élevait à 15000 F. Pour réunir cette somme, la communauté usa des moyens habituels en ces circonstances :

- le montant d'une quête organisée sous l'égide du consistoire israélite de Strasbourg rapporta 7000 F.
- la municipalité, bien qu'engagée dans la construction d'un corps de garde, d'une remise de pompe, et d'une salle de mairie décida une subvention de 200 F par délibération du 25 novembre 1866.
- un groupe de cinq habitants israélites du village, Moritz Meyer, Hertz Haenel, Marx Michel, Marx Lévy et Marx Marx s'engagea à apporter une somme de 3000 F aussitôt après l'achèvement des travaux par une lettre dont les signatures furent légalisées par le Maire de Weiterswiller le 12 mars 1867.
- enfin, l'état octroya par décision du Garde des Sceaux du 12 mars 1868 un secours de 4000 F sur les fonds du budget des cultes. Ce secours devait être ordonnancé le moment venu d'en faire emploi.

Le 15 septembre 1868, le commissaire administrateur de la communauté israélite de Weiterswiller informait le consistoire de Strasbourg que les travaux étaient terminés et qu'il restait 8200 F à verser à l'entrepreneur. Les fonds du budget des cultes pour 1868 étant épuisés, l'ordonnancement du secours de l'état, pourtant demandé dès le 9 mai 1868 par le préfet, ne fut effectif que le 27 janvier 1869.

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Construite sur l'emplacement de l'ancienne, la nouvelle synagogue est un bâtiment de forme octogonale présentant trois faces de 4 m de longueur à l'avant et trois autres de mêmes dimensions à l'arrière. Ses deux faces latérales ont une longueur de 12 m.
L'arrière de l'édifice n'est séparé de la maison la plus proche que de quelques centimètres ce qui occasionna un litige avec le garde champêtre Michel Husser et sa femme Elisabeth Gerlinger qui l'habitaient au moment de la construction.
On ignore comment se termina ce que le consistoire de Strasbourg qualifiait de « litige d'un intérêt si minime ».

La synagogue fut inaugurée le 7 octobre 1868, en présence de représentants de toutes les confessions.

Une autre vie

Désaffectée en 1923 en raison de l'exode rural de la communauté juive, puis vendue en 1950 par le consistoire de Strasbourg à des personnes privées, le bâtiment servit de maison d'habitation à partir de cette date.

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La synagogue de Weiterswiller possédait une arche sainte qui fut transférée à Mommenheim, puis à Strasbourg, à la synagogue de l'esplanade, où elle se trouve actuellement.
Elle est répertoriée dans l'inventaire préliminaire des monuments historiques de 1996.

Devenue propriété de la commune en 2004, elle a été rénovée et entièrement restaurée en 2011-2012.
A l'extérieur la toiture a été entièrement refaite ainsi que le crépissage à la chaux des façades.

A l'intérieur l'isolation, les changements de fenêtres, le renforcement de la structure porteuse de l'étage, l'ajout de deux piliers posés et sculptés par André Dorschner, les peintures des murs et la réfection du sol ont réparé les dommages du temps et restitué un décor proche de celui d'origine.

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Cette restauration en a fait un centre culturel ayant vocation à accueillir les associations, un lieu de rencontre, ou encore un lieu d'exposition. Elle accueille aussi des stands - bien abrités - lors des marchés de Noël.

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François SCHUNCK - décembre 2007
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