Quelques notes historiques
Joseph Bloch
Extrait de la plaquette éditée à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle Synagogue de Soultz-sous-Forêts et de la maison des Jeunes, septempbre 1962


Soultz sur une carte postale ancienne - coll. M.&A. Rothé
Comme c'est le cas pour presque toutes les communautés juives rurales de l'Alsace, on peut constater pour celle de Soultz-sous-Forêts, que ses origines remontent au moyen-âge, que la consolidation date de la fin du 18e siècle, son apogée du milieu du 19e siècle, et que son déclin reste continuel depuis l'annexion de nos provinces en 1871.

Voici le mouvement de la population juive de Soultz-Fleckenstein (c'est ainsi que l'endroit est encore appelé dans le premier Dénombrement de 1784) :
- 1784 : 164 âmes juives (= 34 familles)
- 1851 : 370 âmes
- 1866 : 304 âmes
- 1905 : 172 âmes
- 1936 : 116 âmes
- 1950 : environ 50 âmes.

Des Juifs avaient déjà habité cette localité au moyen-âge. D'après Schoeplin, l'empereur Charles IV accorda en 1348 à Soultz, devenue ville deux ans auparavant, le privilège de recevoir quatre juifs (1). Elie Scheid, dans ses livres historiques sur les Juifs d'Alsace, nous fait connaître quelques Juifs et Juives soultzois du 16e et du 17e siècle.
En 1784, la communauté paraît être organisée, car le Dénombrement connaît un "chantre" Lipman Samuel qui, dans son acte de décès de 1811, est désigné comme rabin (sic).

Le siège du rabbinat était à Surbourg et non à Soultz, comme ce fut le cas plus tard. Nous y trouvons en 1795 le rabbin Mayer Rothschild, dont la circonscription était composée des communautés de Surbourg, Soultz, Hatten et Kutzenhausen. Depuis 1831 les rabbins touchaient un traitement de l'Etat, celui de Rothschild s'élevait à 400 frs par an. Un de ses successeurs, le rabbin Joseph Bloch, fit transférer, en 1884 le siège rabbinique à Soultz, chef-lieu du canton.

Les synagogues

La première synagogue, dont nous avons connaissance, avait été construite en 1827 sur l'emplacement où se trouvera plus tard le jardin de l'école juive, dans la rue des Chiens, qui s'appelle aujourd'hui "rue de l'Ecole". La communauté israélite possède encore actuellement un autre lopin de terre, dans la rue du Château, où se trouvait la maison du bedeau, avec le bain rituel (mikvéh) dans la cave. Etait-ce peut-être aussi l'emplacement d'une plus ancienne synagogue ?

Dans l'Etat des synagogues existant dans le Bas-Rhin, dressé par le consistoire le 15 juin 1842, la synagogue est classée "en état d'entretien", et dans une correspondance des Archives israélites de septembre 1844 il est dit : "Il y a à Soultz-s.-Forêts une belle synagogue". En 1868 une réparation considérable pour laquelle le conseil municipal avait voté une subvention de 500 frs, fut exécutée, après que la communauté israélite ait reçu une subvention communale de 100 frs, pour une réparation moins importante en 1860.
Cette synagogue a été démolie en 1897, année de l'inauguration de la synagogue actuelle qui eut lieu le 5 novembre. Elle est construite sur le terrain le plus élevé de la localité, et, avec ses deux tourelles, elle domine toute la région.

La dernière guerre mondiale, avec ses dévastations (disons même, destructions) méthodiques de presque toutes les synagogues alsaciennes, ne l'a pas ménagée non plus. A notre retour de l'exil, il n'en restait que les murs extérieurs avec toit et tourelles gravement endommagés. La reconstruction n'a laissé à la synagogue proprement dite que la moitié de sa surface antérieure et a supprimé aussi la galerie des femmes. Par contre, on a installé, au premier étage, un beau logement et aménagé sous le toit une vaste salle faisant fonction d'auberge de jeunesse. Momentanément une trentaine d'enfants algériens réfugiés y ont trouvé un asile.

Les rabbins
Ont exercé les fonctions rabbiniques :

a) avec siège à Surbourg :

b) avec siège à Soultz :

Les ministres officiants

L'école et les instituteurs

Dans les anciens temps, Soultz, tout comme les autres communautés, possédait son `héder (ce qu'on appelle aujourd'hui : talmud-torah) pour l'enseignement religieux. A partir de 1820, le gouvernement, aussi bien que les communautés, avaient à cœur d'introduire l'enseignement profane à côté du sacré et de lui donner même la première place. Le 'héder se transforma ainsi peu à peu en école communale, entretenue par la commune et surveillée par l'Etat.
Par autorisation du Recteur de l'Académie de Strasbourg du 27 avril 1831, Isaac Goldschmidt devint le premier instituteur juif d'enseignement primaire de la commune de Soultz. Le conseil municipal vota 200 frs par an, à savoir 90 frs supplément de traitement, 100 frs comme indemnité de logement de l'instituteur et de la salle d'école, et comme prix d'encouragement, 10 frs.
En 1835, à la suite des démarches faites par le médecin Lion et le président Aron, cette école devient officiellement communale. Son maître s'appelait Lévy en 1844 ; c'était un ancien élève de l'école normale de Strasbourg. 70 enfants (garçons et filles) fréquentaient son école.
L'école changea de domicile à plusieurs reprises, et ce n'est qu'en 1874 que le conseil municipal fit construire l'école israélite sur l'emplacement de l'ancienne synagogue, emplacement cédé à la commune par la communauté juive.
Le maximum de l'effectif fut atteint vers 1880 avec 90 élèves. En 1929, lors de sa dissolution, on n'en comptait plus que 8 !

Hormis les instituteurs mentionnés plus haut, nous avons repéré les noms de plusieurs autres que nous faisons suivre :
Moïse Kahn (1850) ;     Lazare Meyer (aide-instituteur), de Haguenau ;     Lévy (1856-60) ;     Wiener (1861-69), plus tard à Mommenheim et Phalsbourg ;     Kauffmann (1870) ;     Lemmel de Neuwiller (1885), plus tard à Wolfisheim ;     Emile Frank (1890), plus tard à Grosbliederstroff et Metz ;     Henri Stuffem, de Grussenheim (1900), plus tard à Grussenheim et Horbourg, décédé à Strasbourg ;     Samuel Bloch, de Dambach-la-Ville (1910-14), antérieurement à Duppigheim, plus tard à Wolfisheim ;     Henri Baer, également de Dambach-la-Ville (1914-1929), antérieurement à Weiterswiller, Trimbach et Mutzig.

Le cimetière

Soultz, comme Surbourg et Hatten, utilisait depuis toujours le cimetière de Haguenau. Après celle de Hatten, la communauté de Soultz procéda à la consécration de son propre cimetière, consécration qui eut lieu le 29 août 1891 et fut présidée par le grand rabbin du Bas-Rhin, Arnaud Aaron, enfant de la communauté. Assistait également à la cérémonie le rabbin Aron de Nîmes, de la même famille que le grand rabbin.

Société de Bienfaisance

A ce propos nous lisons dans l'article des Archives, cité plus haut : "Déjà il y a cinq ans (donc en 1839), J. Aron, membre du conseil municipal et frère du grand-rabbin de Strasbourg, qui était "commissaire surveillant auprès du temple", de concert avec Lion (2) médecin cantonal honoraire et membre du comité local d'instruction primaire, avait créé une société pour le soulagement des familles pauvres et surtout des malades indigents."

Les présidents

Les archives de la communauté ayant été détruites par la guerre, nous ne pouvons citer que quelques noms qui nous ont été indiqués par les rares survivants du dernier siècle :
Aron (1844) déjà nommé plus haut.     Rothschild.     Eisenmann Lazare.     Gros Isaac.      Félix Meyer (vers 1880).     Henri Weil (1900).     Bernard Baer.     Isidore Blum.     Benoît Lévy.     Léon Blum (1930-40).     Julien Weil (1945-48).     Charles Reins (1948-50).
La commission administrative actuelle est formée par MM. Paul Heumann, président, Robert Blum et Charles Reins. C'est surtout, grâce au dévouement et aux multiples démarches du président, que la reconstruction de la synagogue a pu être menée à bonne fin. Nous lui souhaitons longue vie en paix et des fidèles unis par la prière et l'amitié.
Jos. BLOCH.

Notes :

  1. Ces détails et maints autres ont été empruntés à un article de feu notre ami Emile Schwarz : Le rabbinat de Surbourg-Soullz-sous-Forêts.
  2. Aron Lion était venu de Furth (Bavière) d'abord à Haguenau, où il figure dans le registre de 1808. Il avait épousé une fille du rabbin haguenovien Hirsch Katzenellenbogen, dont la femme Rachel Feibel Hecht est décédée à Soultz en 1834 et a été enterrée à Haguenau. Son mari était mort en 1823 à Wintzenheim (Haut-Rhin) comme grand rabbin de ce département et président du Consistoire. (Voir Registre des décès à Soultz, N° 67 de l'année 1834 et notre «Cimetière de Haguenau», p. 35 et 36)


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