SCHIRMECK - LA BROQUE - WISCHES

LA COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE ET LA SYNAGOGUE
par Paul Loison
extrait de L'ESSOR,
Revue trimestrielle des Anciens du Cours Complémentaire de Schirmeck, n° 214 - juin 2007 - 77ème année


S'intéresser à l'histoire d'un lieu de culte, ce n'est pas seulement s'intéresser à l'édifice mais rechercher aussi quelles familles ont pu le fréquenter, relever leurs origines, les domiciles et les professions qu'elles exerçaient.
Sans entrer dans l'histoire du judaïsme en Alsace, qui a fait par ailleurs l'objet d'une abondante littérature, on peut rappeler qu'en 1807, l'Alsace-Moselle comptait plus de 55% de la population juive en France avec 22576 âmes et que 176 synagogues y furent construites entre 1791 et 1914, sur un total de 256 en France.

D'autres documents et autres sources nous apprennent :

A partir de ces quelques données, nous avons voulu, d'une part, poursuivre le travail qui avait été entrepris auparavant dans notre revue (1) et, d'autre part, profiter des travaux réalisés en 2006 sur l'édifice religieux pour en tirer une synthèse à l'intention de nos lecteurs. Nous aborderons donc notre étude avec le compte rendu des recherches effectuées dans les cimetières, au Consistoire Israélite de Strasbourg et dans les mairies concernées.

Le cimetière de Schirmeck-Barembach


Deux tombes anciennes, au fond de la première rangée
cliché © Paul Loison
Ouvert à la communauté juive en 1895, il renferme 55 tombes. La plus ancienne date de naissance relevée sur les épitaphes remonte à 1832 ; la plus ancienne date de décès en 1898 et la plus récente en 1979. Quelques tombes nous rappellent le domicile des défunts, à savoir : Zellwiller, Wisches, Thann, Wolfisheim, Westhoffen, Balbronn, Ranspach et Schirmeck.

Le carré réservé à la communauté, formé de trois rangées, comprend 16 sépultures pour la première située immédiatement à droite du portail d' accès ; 17 pour la rangée intermédiaire et 22 pour la troisième.

Les patronymes relevés intéressent les familles, LANG - WEILL - ALEXANDRE - BLOCH - MAYER - DREYFUSS - SIMONIN - LEVY CAHEN CAHN- ELIKANN - BETTMANN - LHEMANN. (2)

Recherches effectuées au Consistoire Israélite de Strasbourg

Elles consistaient surtout à vérifier l'existence de sépultures antérieures à l'ouverture du cimetière de Schirmeck en 1895 et appartenant aux communautés de Wisches, Schirmeck-La Broque. Le relevé extrait du Registre du cimetière israélite de Rosenwiller 1753-1980 publié en 2004 est le suivant :

Enfin, pour avoir une idée de la répartition géographique des communautés alentour et de leur importance, nous avons relevé celle de Diensheim (Dinsheim) avec 7 sépultures, Molsheim avec 44, Mutzig 540, Rosheim 665 et une tombe pour Senones.

Recherches vers la communauté établie à Wisches.


Au croisement de la rue de la Montagne et de la rue Saint-Antoine, la maison où
se réunissait la communauté de Wisches - © Paul Loison
Mais, devant l'ampleur du travail à accomplir en mairie et le peu de temps dont nous disposions, nous nous sommes plutôt intéressés aux seuls mariages dont les derniers relevés semblent, sauf erreur, remonter en 1898...
Voici quelques extraits des actes de mariage enregistrés entre 1835 et 1898 :

On notera par la suite, et jusqu'en 1898, les unions de Efie Dannhauser, né à Saverne, et Esther Jacob, née à Ottrott, le 9.10.1850 ; Isidor Dannhauser, né à Balbronn, et Isabelle Lehmann, née à Ottrott, en 1882 ; Alexandre Daniel Mayer, né à Ottrott, et Henriette Bloch de Wisches, le 6.7.1875 ; Félix Dreyfuss de Bassemberg et Caroline Bloch de Wisches en 1889 ; Arthur Bloch de Wisches et Sophie Hermann de Sélestat en 1890 ; Samuel Weil de Wisches et Henriette Kahn de Kolbsheim le 26.11.1890 ; Karl Kahn de Balsenheim et Sarah Lang de Traenheim le 30.6.1891 ; David Weil de Wisches et Emma Dreyfuss de Saint-Dié 18.8.1898 ; Léon Dreyfuss de Weiler et Léonie Weil de Wisches le 11.5.1898 ; Eugène Weil de Wisches et Julie Lévy de Kingersheim le 14.6.1898.

Parallèlement aux recherches en mairie, nos enquêtes auprès de la population ont été plutôt maigres.
En effet, seule, Madame Cuny Françoise, domiciliée à Wisches mais native de Wackenbach, a pu confirmer qu'une communauté se rassemblait les vendredis ou samedis (donc avant la construction de la synagogue) dans la première grande maison située derrière le monument aux morts à l'angle de la Rue de la Montagne et de la Rue Saint-Antoine. Elle tenait cette information de Marie Cuny, née Gagnère, sa belle-mère.

Quant à Monsieur Robert Mélot et son épouse Colette, ils se souviennent parfaitement d'un certain David, boucher, qui vivait avec sa sœur dans leur commerce situé à gauche de la mairie. Partis et revenus après la guerre, ils quittèrent le village pour aller en maison de retraite. Leur maison, achetée par le fabricant de contreplaqué Hughes, fut revendue à un particulier qui la céda à son tour à la mairie en 1996. L'emplacement est actuellement devenu parking avec colonne publicitaire.

La synagogue de Schirmeck.


La synagogue en construction - coll. © M. Sturm
On remarquera que les souvenirs laissés par les communautés juives sont beaucoup moins vivaces dans les mémoires des Wischois que dans celles des Schirmeckois. Mais il est probable que peu de familles retournèrent à Wisches après la deuxième guerre mondiale, l'absence de mariage après 1898 expliquant peut-être cela !
Quoi qu'il en soit, nous savons qu'en 1905, ce sont quelque 78 personnes qui allaient pouvoir se retrouver enfin dans une belle synagogue pour bar mitsvah, mariages, et prier ensemble à Schirmeck. C'est ce qui se passa jusqu'en 1940 car, durant la guerre, 15 000 juifs durent quitter la région, les uns expulsés, les autres partis de leur propre chef.

Fernand Bloch, ministre officiant de la synagogue, dès son retour à Schirmeck, mit toute son ardeur à remettre en état le bâtiment souillé par l'occupant. La "réouverture" eut lieu officiellement en 1946 en présence de nombreuses autorités civiles et militaires (3).
Mais la communauté alla décroissant pour ne plus recevoir en 1978 que les enfants de la colonie de vacances Henry Lévy installée près du Sanatorium.

Puis le bâtiment tomba en déshérence. Qu'allait-il devenir? Qu'allait-on en faire? La question resta posée jusqu'au 6 décembre 1999, date où le Ministère de la Culture et de la Communication arrêta l'inscription de la Synagogue sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques.

L'achat de l'édifice et la destination à envisager furent précisés dans un autre arrêté préfectoral du 21 mai 2004 et, en 2006, surprise... les façades du bâtiment se couvrirent d'échafaudages ; les collectivités territoriales avaient, à leur tour pris, pris le relais. Les travaux entrepris s'élevèrent à 161400 € dont 56 000 € provenant de subventions.

Extrait de l'arrêté

ARRÊTE

Article 1 er :
La synagogue érigée sur le territoire de la commune de Schirmeck (Bas-Rhin) inscrite au plan cadastral, section 2 d'une contenance de 3 ares 18 cesse d'être affectée au culte. Elle sera achetée par la commune au prix de 1 € symbolique.

Article 2 :
Cet édifice a été inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques Les projets futurs devront s'attacher à respecter les dispositions historiques et prévoir une utilisation à caractère culturel.

Contacts :

Catherine Fuchs :
06 83 38 18 07
catyfuchs@gmail.com

Jacky Ruch :
06 13 45 03 08
jacques.ruch@ville-schirmeck.fr

La synagogue a aujourd'hui belle allure, mais qu'en fera-t-on ? Le maire de Schirmeck, interrogé à ce sujet, ouvre les portes à toutes les propositions à condition qu'elles soient conformes aux prescriptions de la décision préfectorale, ce qui signifie que l'intérieur ne sera pas transformé mais remis à son état d'origine. Comme il n'y a plus de communauté israélite à Schirmeck, la question est donc de savoir comment ce monument historique va pouvoir être utilisé.
Assurément, un jour ou l'autre, la question trouvera sa réponse, mais pourquoi dans un premier temps, après la réfection intérieure, ne pas débuter par une conférence et une exposition photo portant sur des membres et commerces de la communauté? Pour Schirmeck ce serait tout trouvé et ce qui sait, pourrait être un exemple. Qu'en pensez-vous ? (4).

Notes :

  1. Numéros 167 - 172 et 191.
  2. Voir aussi ESSOR n° 191 de 2001.
  3. voir le n° 172 : Fernand Bloch et la synagogue, de Nelly Lisek-Boch (1922-1961)
  4. Voir à ce propos les articles détaillés sur la synagogue (n.d.l.r.)

 


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