Histoire de la Communauté juive de Saverne - 2

Le développement de la communauté au cours des 18ème et 19ème siècles

On peut distinguer deux périodes : avant et après la révolution française.

a. Une évolution significative durant le 18èmes siècle, avant la révolution
Cette évolution sera progressive et va permettre la construction d'une première synagogue.

L'évolution progressive

L'ancienne synagogue
L'ancienne synagogue
Le 18ème siècle connaît en effet un accroissement de plus en plus fort de la communauté. En 1706, le Cardinal de Furstenberg permet d'une manière générale aux Juifs l'achat d'une maison "pour leur propre usage" et ceux-ci commencent à s'installer plus facilement en dehors du Judenhof trop exigu et notamment dans des rues toujours à l'écart du centre-ville. En 1716, sept familles sont dénombrées et l'un des chefs de famille, Maier Levi devient préposé des Juifs de Basse Alsace en 1722.

En 1736, un premier "rabbin des territoires épiscopaux", Jacob Kahn, est affecté par le rabbinat de Mutzig, dont il dépend, à cette communauté qui s'est constituée. C'est le 5 août 1751 que se règle clairement la possession du cimetière juif à son emplacement actuel, surplombant la vallée de la Zorn et représentant alors environ un hectare de terrain. Il est définitivement créé à cette date par un contrat avec les autorités de l'évêché, et mis à la disposition d'un groupement de communautés juives alsaciennes (Marmoutier, Otterswiller, Schwenheim, Haegen) et lorraines (Phalsbourg, Bourscheid, Lixheim, Metting, Schalbach, Imling et Mittelbronn). Ce groupement concerne alors plus de 150 familles. Pour Saverne, il ne manque plus qu'une synagogue.

La première synagogue

 

Pa'ho'heth (rideau placé devant l'arche sainte à la synagogue) datant de 1749
et découvert en 2003


Pa'ho'heth
C'est en 1779 que les Juifs de Saverne disposent d' une première et petite synagogue, située, bien entendu, dans "la Cour des Juifs" pour 36 hommes, ainsi que d'un bain rituel. A cette date, Samuel Kahn est nommé "substitut-rabbin" de la communauté. La synagogue est construite sur un terrain offert par Salomon Lippmann, grâce à la gérosité d'un certain Simon Cerf. Celui-ci possédait depuis 1776 une maison avec cour, écurie et deux bâtiments à l'arrière. Il achetait, pour les revendre, des immeubles et des terrains.

En 1784, vingt-et-unes familles finissent par résider dans ce quartier ou aux alentours. Elles représentent environ 103 personnes selon le recensement réalisé à cette époque. Dix chefs de familles sont marchands de bestiaux, six fripiers et un cordonnier. Israël David est le préposé de la communauté. Une école juive a été créée, la même année, avec Nordon Sieskind. A cette époque, Samuel Raphaël est le premier chantre de la communauté ; il exerce en même temps la profession d'horloger. Sur ces 21 familles, onze possédent une maison. C'est Samuel Kahn, substitut-rabbin depuis 1779, qui commencera à développer l' école juive, à partir de 1794 (après la révolution française de 1789), avec Level Kauffman, qui sera chargé de l'aider. Une nouvelle dynamique se dessine.

b. L'essor de la Communauté après la révolution et au cours du 19ème siècle
Celui-ci va se confirmer à la suite de ce bouleversement révolutionnaire pour accéder ensuiteà un niveau jamais atteint.

Un développement décisif

La fin du 18ème siècle est ainsi marquée par la révolution française qui, dès 1791, va permettre aux Juifs de devenir des citoyens à part entière grâce au fameux décret d'émancipation. Au cours du 19ème siècle, la communauté va ainsi amorcer un réel développement puisqu' en 1806 elle comptera 252 âmes, soit le doublement de sa population en une vingtaine d'années. Au début du siècle, en 1802, le rabbin Leyser Samson est nommé rabbin de Saverne et en 1808, toujours à l'époque de Napoléon 1er, puisque les Juifs doivent choisir leur nom pour l'état civil, il opte pour celui de Lazar Liebermann. Puis, en 1813, il est secondé par Jacques Dreyfus qui obtient le poste de nouveau maître d' école.

Les conditions de vie des Juifs sont alors très difficiles mais ils s'organisent de mieux en mieux puisque les structures communautaires se dessinent sous la férule des cadres dont, désormais, elle dispose. En effet, Napoléon 1er a mis en place les structures du judaïsme français. La situation des personnes est alors très variée. Ainsi, un seul juif est un "propriétaire foncier" important, il s'agit de Simon Cerf, déjà cité, qui était négociant et homme d' affaires. Il crée également en 1813 une fabrique de bas pour son fils Moyse.

Le rabbin Henri Dreyfus Heymann Loeb : né à Osthoffen en 1814, il épousa Marie-Anne Netter dont il eut 4 enfants.
Loeb
La plupart des Juifs sont marchands de bestiaux, "peimesshaendler" selon l' expression judéo-alsacienne , comme Raphaël Loeb, ou commerçant, comme Jonas Salomon. Un certain Jacob Kahn est cordonnier tandis que Loewel Seligmann est boucher et Abraham Lévy, marchand-colporteur. En 1821, les Juifs représentent une population importante puisqu'elle compte 300 personnes. L' école juive continue à fonctionner et, à partir de 1834, le maître d' école obtient des subsides de la ville. A ce moment là, le rabbin est Benjamin Roos. Un nouvel enseignant, Nathan Lévy, arrive en 1837 pour diriger cet établissement. Ce développement coïncide avec l'époque au cours de laquelle Louis-Philippe prend la décision, en 1831, de rémunérer les rabbins et ministres-officiants par la caisse de l' Etat.

Une seconde synagogue

En 1835, est construite, grâce à une souscription, une seconde synagogue, plus spacieuse et plus belle que la précédente. Elle se tient près du canal du moulin communal, toujours dans la basse ville. Le rabbin Liebermann avait déjà habité une maison située juste à côté de cette nouvelle synagogue. Celle-ci est nécessaire car il faut davantage de place étant donné que de nouvelles personnes arrivent. A cette époque faste pour le judaïsme alsacien, 160 communautés sont dénombrées dans toute la province.

En 1845, Aaron Lévy ouvre une quincaillerie au centre-ville, elle deviendra célèbre par la suite. La même année un nouveau rabbin, Michaël Sopher, découvre Saverne. L'antisémitisme d'un autre âge n'a pas disparu puisqu'au début du mois d'avril 1848 des maisons juives sont sauvagement pillées et saccagées. Le sous-commissaire de Saverne, Du Villars, publie le 4 avril une circulaire rappelant aux habitants que le respect dû aux Juifs comme à tout citoyen est un acquis de la révolution.

Malheureusement la synagogue brûle en 1850, et la communauté ne dispose plus d' un lieu de culte décent. Les dirigeants de l'époque doivent s'adapter à cette nouvelle situation. En 1854, c'est au tour du rabbin Dreyfus Heymann Loeb de diriger, dans ces conditions, la communauté. Plusieurs maîtres d'école vont se succéder par la suite : Heller Lehmann en 1856, Jacques Fleur en 1858, Marx Rothschild en 1861, Israël Wurmser en 1869 et Jules Weil en 1870 au moment où la guerre va se déclencher et placer l'Alsace sous la domination germanique.

L'apogée alors que l'Alsace est allemande

Metzger et Weil
Metzger et Weil, magasin de cycles, rue de la Gare

A partir de 1870, année du conflit, des commerçants comme David Fraenkel s'installent à Saverne. Celui-ci jouera d'ailleurs, ainsi que ses descendants, un rôle important dans la communauté. D'autres familles le suivent à partir de ce moment-là et le mouvement s'étend jusqu'au début du 20ème siècle, avec l'arrivée de familles comme celles des Israël qui implantent une scierie ou les Metzger et Weil, qui ouvrent à cette époque un commerce, également réputé, de cycles, de machines à coudre et de voitures pour enfants, rue de la Gare.

L' apogée de la communauté se situe en 1895 alors que l'Alsace est devenue allemande depuis 1870. En effet, à cette date 327 Juifs sont dénombrés. Un nouveau rabbin arrive en 1896, Max Staripolski, germanophone et doté d'une grande culture. Le successeur de Salomon Lehmann (arrivé en 1876 à la tête de l' école) sera Marx Feist en 1899 : un homme très religieux qui produit lui-même un vin "casher" très rare en ce temps et réservé au Kidoush, à la sanctification du Shabath, du samedi. A cette époque, la communauté s'attache aussi les services d' un 'hazan, un ministre-officiant professionnel et prestigieux, Aaron Wolf, dans la perspective de la construction la nouvelle synagogue qui va représenter un aboutissement de courte durée.

Quincaillerie
La quincaillerie Lévy, quai du Canal


Au premier rang de gauche à droite : Julien Lévy, Robert Weil, Gabriel Fraenckel, Alfred Lévy ;
au second rang (de g. à dr.) : Armand Weil, Pierre Weil, Sylvain Ross, Simon Lemmel, Alfred Metzger,
tous commerçants à Saverne, certaines familles s'étant installées depuis la deuxième moitié du 19ème siècle (photo Merckling, 1912).


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