Les Juifs de l 'Alsace bossue
Jacques WOLFF
conférence au XXe colloque de la Société d'Histoire des Israélites d'Alsace et de Lorraine
Strasbourg, 7 et 8 février 1998

Morceaux d'histoire (14ème siècle - 20ème siècle)

Document manuscrit trouvé dans la synagogue de Sarre-Union
Les Juifs se sont installés dans les régions rhénanes dès le 4ème et le 5ème siècle. En 1306, suite à l'Édit d'Expulsion des Juifs de France, cent mille Juifs quittent le royaume pour chercher refuge dans des régions voisines. En 1349, en Alsace, la peste noire provoque le massacre des Juifs. C'est la fin de la présence juive en milieu urbain. En 1501, quelques deux mille Juifs résident en Avignon et dans le Comtat Venaissin ainsi qu'à Nice. On compte quelques milliers de Juifs dans l'Est de la France. En 1789, quarante mille Juifs vivent en France, soit 0,14 % de la population française. I1 y a eu en France une immigration marrane depuis le 16ème siècle provenant de la péninsule ibérique vers le Sud Ouest et de Juifs allemands en direction de la Lorraine et de l'Alsace.

L'Alsace rassemble à elle seule la moitié de la population juive du royaume, 6 800 habitants environ en 1716, 22 500 en 1784. Les Juifs sont établis en Alsace bien avant que cette province ait été rattachée au royaume de France par les traités de Westphalie en 1648. Dispersés dans les villages - la résidence en ville leur est interdite - ils sont exclus de la possession de la terre. Ils sont pour la plupart réduits à des moyens d'existence précaires. Dans la région Lorraine où la proscription était totale au milieu du 16ème siècle, la population juive se monte à la veille de la Révolution à plus de 5000 personnes.

Une forte croissance de la population dans les provinces de l'Est au 17ème et 18ème siècle a frappé les contemporains qui l'attribuèrent à une forte fécondité et des mariages précoces ainsi qu'une espérance de vie plus élevée que chez les chrétiens. On a donc dénombré dans les provinces d'Alsace et de Lorraine, à la fin du 18ème siècle, les juifs qui y sont tolérés.

Les dernières études sur la forte croissance démographique des Juifs dans l'Est de la France prérévolutionnaires laisse apparaître :

En Alsace, à la veille de la Révolution, Bischheim au Saum est la plus grande communauté juive en 1784 avec 473 individus ; Strasbourg en a 68 ; Saverne 100 ; Struth 70 ; Lichtenberg 7.

L'immigration en provenance des pays allemands est importante au 17ème et au 18ème siècles, mais comme on a largement exagéré en parlant d'une démographie galopante des Juifs dans les régions de l'Est, Louis XVI édicte en 1784 des lettres patentes. "Nous faisons très expresses défenses à tous Juifs et Juives actuellement résidant en Alsace de contracter à l'avenir aucun mariage sans notre permission expresse même hors des Etats de notre Domination sous peine contre les contracteurs d'être incontinent expulsés de ladite province". Sous l'ancien régime, les Juifs pratiquent de petits métiers d'intermédiaires, fripiers, colporteurs, brocanteurs et sont au mieux marchands de bestiaux ou de chevaux mais tous pratiquent peu ou prou le prêt à l'intérêt ou le prêt sur gages. Le commerce de l'argent ayant été interdit en principe aux Chrétiens, les Juifs sont les seuls à exercer officiellement cette fonction. Ils sont d'ailleurs tous qualifiés d'usuriers. Mais faisons le point.

Notre propos est d'abord définir les contours d'une région. L'Alsace bossue est formée des cantons de Sarre-Union, Drulingen et d'une partie du canton de la Petite Pierre. Située dans l'ancien Westrich, à cheval entre l'Alsace et la Lorraine, cette région, terre d'Empire, tour à tour sous la tutelle des Nassau ou des Lorrains sans oublier les Rhingraves a une histoire tumultueuse. Bouquenom et Sarrewerden appartiennent au 17ème siècle aux Ducs de Lorraine. Diemeringen et Dehlingen sont des fiefs des Salm Kirbourg jusqu'en 1674. En 1680, les terres des Rhingraves sont en grande partie incorporées au Royaume de France. Louis XIV crée la province de la Sarre. Rendus aux Rhingraves en 1697, elles redeviendront françaises en 1793 en même temps que la plus grande partie de l'Alsace bossue qui appartient aux Nassau. Struth appartient à Monsieur de Foucquerolle, seigneur de Basse Alsace ; Asswiller à la famille des Steincallenfels.

Panneau sur lequel sont retranscrits des extraits du Rituel dans la synagogue
de Sarre-Union
Notre région, morcellement d'Empire face au Royaume de France, est enclavée par la Baronnie de Fénétrange dont une partie appartient aux Rhingraves, le Duché de Lorraine redevient français en 1766.

Les populations juives subiront la volonté des princes, seigneurs et rois. Les guerres de religion, les guerres de succession ; les tiraillements entre l'Empire et le Royaume de France feront que plus que la population locale, les Juifs souffrent davantage de cette situation.
La nation juive en France est composée de quatre nations, la nation juive portugaise, la nation juive avignonnaise et contadine (les Juifs du pape), la nation juive lorraine et la nation juive alsacienne. Le mot "Nation" est employé sous l'Ancien Régime pour désigner des groupements de personnes liées par une caractéristique commune, éthique, religieuse ou même professionnelle.

Les Juifs d'Alsace bossue, vers la fin du 18ème siècle, sont tenus en marge de la société. En 1790, un décret de l'Assemblée Nationale donne le droit de citoyen actif aux Juifs portugais, espagnols et avignonnais. Les Juifs sépharades obtiennent l'émancipation contrairement aux Juifs ashkenases.
En 1790, la déclaration des droits de l'homme a proclamé les hommes libres et égaux. Les Juifs sont-ils des hommes ? Henri Grégoire, Curé d'Embermenil en Lorraine, va tout mettre en oeuvre en tant que député de l'Assemblée Nationale pour que soit voté le décret d'émancipation. Le 27 septembre 1791, le décret est voté. A Bouquenom en Alsace bossue, le 19 avril 1790, les élus écrivent à l'Assemblée Nationale un mémoire dont voici des extraits :
Ce rapport s'intitule : "Mémoire et très humble supplique de la municipalité de la ville de Bouquenom en Lorraine". Suit le texte :

"Les maires et officiers municipaux de Bouquenom justement alarmés des efforts que font les Juifs pour acquérir le droit honorable de citoyens actifs, instruits combien nos campagnes voisines gémissent, non moins informés que les villes qui sont à portée, craignent que leurs tentatives n'ayent un succès heureux, les soussignés qui ont des raisons pour partager les mêmes craintes mettent toute leur confiance dans l'équité de l'auguste assemblée nationale la suppliant de prendre en considération les maux infinis qui en résulteraient. Lorsque le 20 mars 1789, les convoqués du baillage Royal d'Allemagne séant avec Saarguemines s'expliquèrent sur le compte des Juifs, ils demandèrent qu'il fut mis des entraves à leur voracité. Leurs instances ne pouvaient supposer que cette nation avait ou auraitdes desseins tels que ceux qu'elle affiche aujourd'hui à découvert et pour la réussite desquelles elle a cherché et semble avoir trouvé de la protection.

Les soussignés sont éloignés de demander la destruction des personnes aussi les sentiments d'humanité dont ils sont pénétrés ne pourront être contestés en s'en tenant à solliciter seulement mais très respectueusement et cependant de toutes leurs forces à ce que les-dits Juifs ne soient aucunement admis à l'activité du citoyen.
Entrer dans le détail de leurs manoeuvres journalières aussi sourdes que perfides devient inutile, l'auguste assemblée nationale les connaît et à quel point leur oppression grève un tiers et plus peut être des provinces d'Alsace et de Lorraine et des évêchés. Les gens de la campagne succombent journellement sous le joug pesant de leur usure, les villes ne s'en ressentent pas moins, l'anéantissement, successif mais prompt de la plupart serait inévitable si les Juifs obtenaient un honneur et une confiance qu'ils ne méritent pas et qu'ils ne peuvent mériter. Leurs menées et pratiques sont aussi anciennes que leur Existence dans ces provinces, ils y sont déjà maîtres en partie de la fortune immobilière d'une foule d'habitants et que n'en résulterait-il pas s'ils devenaient citoyens actifs, les indigènes n'auraient plus qu'une existence aussi malheureuse que précaire et sous peu de temps ils seraient abîmés, errants et vagabonds, Existence d'autant plus humiliante et fâcheuse que toujours celle propre aux Juifs qui inhumainement chasseraient aussi les enfants de la maison paternelle.

Les soussignés ne se permettent pas d'insister sur la considération combien toute sorte d'oppression est contraire à ce que nos seigneurs ont si sagement établi dans leurs définitions des droits de l'homme, c'en est une que les suites incalculables de l'usure et elle :est d'autant plus dangereuse qu'il n'est pas aisé de la suivre dans ses tortueux détours. Les Juifs ne pouvant donc être par leur caractère moral d'aucune utilité à la société qu'il n'est que trop prouvé au contraire qu'ils lui nuisent, cette admission à l'honneur de l'activité civique paraît ne pouvoir ni devoir leur convenir,

C'est le cri général, ce sont les voeux les plus ardents de trois provinces et c'est parce que les soussignés n'ont que trop de preuves combien l'animadversion de leurs habitants est fondée qu'ils mettent tous leurs espoirs dans la justice de nos seigneurs qu'il supplient d'agréer, avec bonté leur présente réclamation.

Fait et arrêté à Bouquenom conseil tenant le 19 avril 1790.
Henri Karcher Mullote Secrétaire
Quels sont les griefs que l'on fait aux Juifs en Alsace bossue et quelles sont les peurs qui sont véhiculées : L'intégration ne se fera que lentement. Les Juifs libres et égaux subissent les séquelles des charges pesant sur leur "nation".

La profession de colporteur, une des professions les plus courantes chez les Juifs en Alsace bossue les place au bas de l'échelle. Malgré tout, les enfants de colporteur fréquentent l'école. L'ascension sociale se fera à cc prix-là.

La plupart des familles entretiennent entre elles des liens d'alliances multiples et étroits mais elles ne vivent pas en vase clos. Elles ont souvent de bonnes relations avec leurs voisins, car ce ne sont pas exclusivement des Juifs qui figurent comme témoins ou déclarants sur les actes civils. J'ai pu le vérifier à maintes reprises dans les registres de la Mairie de Sarre-Union.

La vie religieuse après l'émancipation voit éclore de nouveaux cimetières, car une communauté n'est religieusement établie qu'après la fondation du cimetière.
A son début, la communauté ne dispose pas de bâtiment réservé pour le culte. Les fidèles se réunissent chez l'un des leurs. Les Juifs de l'Est de la France sont très attachés à la pratique du mikvé (bain rituel) dont la construction est tout aussi importante qu'une synagogue.

L'intégration, l'assimilation ne se fera pas facilement. Lazare Landau étudie les grandes vagues antisémites au début du 19ème siècle. Il conclut en dénonçant la symbiose parfaite et idyllique, que l'on a voulu faire croire entre Juifs et Chrétiens campagnards en Basse Alsace. Les Juifs apparaissent dans les documents des archives publiques comme une minorité étrangère vivant en pays étranger.

Le décret de Napoléon du 17 mars 1808 interdit aux Juifs, contrairement aux autres conscrits, de se faire remplacer aux armées. On peut acheter un remplaçant à condition qu'il soit lui même juif. Les activités commerciales des israélites ne sont plus régies par le droit commun. Le conseil municipal doit certifier que le requérant ne s'est livré ni à l'usure ni à un trafic illicite. Napoléon veut obtenir une assimilation totale et rapide des Juifs et la perte de leur spécificité. Napoléon projettera même de contraindre les Juifs à se marier avec un conjoint où une conjointe catholique à raison d'un mariage sur deux. Il dut abandonner ce projet contraire aux droits des gens et de surcroît irréaliste.

La population juive du Bas-Rhin estimée à 16 000 en 1802 a augmenté à 29 136 en 1861.
Une vague d'antisémitisme embrasse le Sud du Bas-Rhin en 1832. Nous avons peu d'informations pour l'Alsace bossue, l'étude reste à faire. Les familles israélites n'ont monté que lentement les échelons de la société en Alsace bossue. En 1870, de nombreuses familles juives ont réussi socialement et ont pignon sur rue. Certaines familles en Alsace après la défaite de la France contre la Prusse émigreront en France. Bernard Klein analyse cette situation pour l'Alsace bossue.

Nous avons en 1872, 40 optants et 20 émigrants à Sarre-Union. Seuls 50 % des optants émigreront. La communauté juive de Sarre-Union sans doute attachée aux idéaux républicains qui ont permis leur émancipation civique effectue la démarche qui se veut surtout symbolique.

Photographie ancienne de Sarre-Union : au fond la synagogue
et l'école juive mitoyenne
Parmi eux à Sarre-Union : Ils resteront tous à Sarre-Union. La plupart sont commerçants et attachés à leur marché et à leur clientèle. Dans le reste de l'Alsace bossue, aucun israélite n'apparaît sur les listes.

Il ne faudrait pas oublier tous les autres commerces comme :

A Diemeringen :

A travers les vieilles factures vers 1900 à Saarunion
1887 Veuve Cerf Lévy Avoine - Son - Tourdeaux de lin et colza - Plumes
et duvets
1902
1915
Cerf Lévy Söhn
Edmond et Sylvain Lévy
Draperie - Bonneterie - Crin végétal - Coffres et
Sacs
1889 Coblentz et Schwab Grains - Graines - Farine - Orge et Avoine
Commerce de bois de construction - Planches et lattes - lattes de plafond
1915
1887
Joseph Dreyfuss
Grand-Rue Angle de la rue Frédéric Flurer
Commerce de grains
Confection pour jeunes gens et enfants - Draperie nouveauté tissus en tous genres
1895 Michel Dreyfuss Confection pour hommes et pour jeunes gens et enfants - Draperie et nouveautés - Tissus en tous genres plumes et duvets couvertures en laines
1910 Fernand Lehmann
Saarunion Elsass Vorstadt
Cigare et cigarette en gros - Produits coloniaux - Jeux de cartes français .- Cigarette Job et papiers
1915 Lazare Salomon Lévy Mobilier en tout genre - Miroir et encadrement -
Objets à la mode
1887 Hess et Lévy
Maison Hirsch
Grande maison de nouveautés - Draperie et soierie, lainage et blanc - Tapis en tous genres - Tissus pour ameublements - Confections pour hommes, jeunes gens, enfants en tous genres - Plumes et duvets
1869 Eisenhardlung Lévy Stahl - Messing - Blei - GuB - Oefen - Basculen - Gewicht - Kette
1887
1902
Alfred Simon
Lucien Simon
Commerce de grains, graines, farines et sons
Légumes secs, graines de trèfle
1887
1892
Wolff Frères
Saarunion Sarralbe
Magasin de planches latte, verres à vitre, peinture, vernis, droguerie, articles de ménage, quincaillerie, coutellerie, fer, fonte, acier, limes, métaux, poids à peser crépies, fourneaux, articles de bâtiments, balances, bascules, crics, outils en tous genres, vis à bois, pointes, chaînes, faux, faucilles, dépôt de clous mécaniques et fourneaux de cuisinier, machines agricoles...

Les magasins israélites semblent s'être spécialisés dans la confection, la quincaillerie, les graines et matériaux agricoles. N'oublions pas les bureaux de tabacs, l'ameublement. Les secteurs commerciaux fonctionnent en Alsace bossue grâce à leurs entreprises. La prospérité de la cité de Sarre-Union "Le petit Strasbourg" est en grande partie due à leur travail. On peut parler en 1900 d'une intégration exemplaire avec un petit bémol.
Jean Hugo, arrière petit-fils de Victor Hugo évoque son court passage à Sarre-Union après 1918. Il écrit :
"De là montent des rues étroites aux maisons noires, les rues pied de veau, des quatre vents, des lentilles de la salle de bains, du tour de ville, des tonneliers. Rue des Juifs, les Juifs nous souriaient du haut des échelles où ils se hâtaient de repeindre leurs enseignes et de changer Gebrüder Levi en Levi Frères.
Le 36e de ligne donna un bal. On y vit les familles de la ville divisée en trois parts qui ne se mélaient point ni se parlaient : catholiques, protestants et juifs."
Chandelier de la synagogue
de Sarre-Union
Hugo exagère peut-être et peut-être certainement. Le souvenir que m'ont laissé mes grandes tantes des festivités à Sarre-Union diffèrent. On ne parle en famille que de communion d'esprit de fête, de participation au cercle littéraire, à l'ADF - Association des Dames Françaises - avant la Croix Rouge Française.

L'antisémite mélangé à un antijudaïsme profond commence à gronder. Les historiens Strauss et Klein signalent qu'en 1939 une affiche est apposée à la synagogue de Sarre-Union : "Jüdenpack Köpfe werden rollen", "les têtes vont rouler, on va vous saigner".

L'évacuation, le non retour des Juifs en Alsace bossue après l'armistice de 40. Le pillage des maisons juives, la vente aux enchères des biens juifs, la destruction systématique du patrimoine juif, cimetière vandalisé à Diemeringen puis à Sarre-Union. Le retour des survivants, le silence, le dégoût. Tout recommencer à zéro, faire comme si rien ne s'était passé. Oui, la reconstruction s'est faite, la paix retrouvée a permis un nouveau départ. Mon grand-père a écrit ces quelques lignes sur son village Bouquenom.

"Je hume encore le parfum des fruits qui ne sont plus pour moi.
Mes parents et beaucoup de ceux que je vois ont changé de demeure.
Ils reposent sous des dalles en pierre ou sous des croix de bois.
Mais personne ne meurt, même pas ceux qui sont partis un jour
dans le train du plaisir ou dans le fourgon de la misère pour ne
jamais revenir".

L'antisémitisme en Alsace bossue s'estompe lentement, il est remplacé par un racisme et une xénophobie se portant sur d'autres populations et par d'autres peurs.

L'implantation juive en Alsace bossue

Struth

Intérieur de la synagogue de Struth
L'implantation juive remonte au début du 18ème siècle. Struth appartient à Monsieur de Fouquerolle, petit seigneur de Basse Alsace. La population juive versait le droit de protection annuel (Schirrngeld) plus un droit de première installation sans compter les autres charges et impôts. C'était un revenu non négligeable pour un petit seigneurs à la recherche de nouveaux revenus. Le 21 janvier 1756, on dénombre à Struth 7 familles luthériennes, 19 familles catholiques, 8 familles réformées, 3 familles anabaptistes et 7 familles juives soit 27 personnes, 14 % de la population du village. Parmi eux, on peut cieter les noms (Hess, Moise, Kan, Jacob, Hanauer, Salomon, Lévi).

La communauté se développe rapidement : - 1784: 70 personnes en 17 familles - 1808: 103 personnes en 20 familles - 1841: 182 personnes
puis déclinera : 147 en 1861
se stabilisera : 157 en 1902, 150 en 1910
et s'effondrera entre les deux guerres: 92 en 1923, 57 en 1930.
La Shoah, la . déportation et l'extermination des Juifs pendant la deuxième guerre, le retour d'une communauté après guerre marque le déclin d'une communauté rurale juive en Alsace Bossue. Il n'y avait plus que 23 personnes de confession israélite à Struth en 1945.

Tieffenbach

Les villages de Struth et de Tieffenbach sont très proches. La communauté juive de Tieffenbach est forte de 32 personnes en 1808 groupées en juit familles. Cinq des familles de Tieffenbach sont originaires de Struth. Il y a là les Dalsheimer, Salomon, Weill, Wiltermuth, Bloch, Salomon et bien d'autres. La veuve de Moïse Nathan est mendiante. En 1851, il ne reste que 30 israélites à Tieffenbach. Dans l'état de 1882, il n'y a plus de Juifs à Tieffenbach.

Diemeringen et Dehlingen

Synagogue de Diemeringen
Dès 1712, deux familles sont signalées à Diemeringen. Les Rhingraves ont pratiqué au 18ème siècle et pour les mêmes raisons que Monsieur de Fouquerolle à Struth une politique tolérante visant à un accueil pour les populations juives. Cette politique existe pour des raisons identiques dans la baronnie de Fénétrange dont dépend le village de Metting. Diemeringen voit sa population croître lentement au 18ème siècle. En 1808, il y a quatorze familles juives, c'est à dire 57 personnes intra muros. En 1902 : 142 - 1910 : 103 - 1923 : 90 - 68 en 1929. Le déclin de la communauté juive de Diemeringen est amorcé. Son déclin est scellé. La deuxième guerre mondiale n'épargnera pas la cité. La synagogue échappera de justesse à l'incendie programmé. En 1947, il reste 60 Juifs à Diemeringen. C'est à ce moment-là, la plus grosse communauté juive d'Alsace Bossue.

Dehlingen appartenant aux Rhingraves aura une communauté importante - 2 familles en 1784. 39 personnes en 9 familles en 1808, 98 en 1841. La communauté vit alos son déclin - 86 en 1851 - 62 en 1865. L'exode rural, l'émigration vers les Etats-Unis font qu'en 1900 il ne reste que 2 israélites à Dehlingen. En 1903, une femme âgée, la dernière habitante juive du village, va passer le reste de sa vie à Diemeringen.

Harskirchen

Harskirchen comme bien d'autres villages de l'ancien comté de Sarrewerden, chef lieu de baillage des Nassau Sarrebruck avait peut-être une population juive au 18ème siècle. En 1808, il y a cinq familles juives groupant 25 personnes. En 1840, on compte vingt personnes. En 1851, on pense que la petite communauté s'est éteinte.

Certains villages avaient une famille juive ou deux. C'est le cas d'Assiller. Moïse Lehmann, fripier de profession est chassé d'Asswiller en 1781. Il se réfugie à Bouquenom. Des familles isolées étaient aussi implantées à Burbach, Lorentzen, Weislingen, Wal dham bach.

A Herbitzheim, jusqu'en 1902, on comptait quatre habitants de confession israélite, cinq en 1923, deux en 1930.
La liste n'est pas exhaustive. Une étude complète reste à faire.

Bouquenom
Synagogue de Sarre-Union sur une carte postale ancienne
Mais Parlons maintenant de la plus grande communauté juive d'Alsace. Bossue, celle de Bouquenom.
Hans Walter Hennann constate qu'au 13ème et 14ème siècle, il n'y a ni Juifs, ni Lombards à Bouquenom alors qu'ils sont attestés dans d'autres villes de la vallée de la Salien
En 1577, il est question d'un Juif de Bouquenom qui aurait reçu deux mesures de blé. C'est le pasteur Mathis en 1888 qui le signale dans son ouvrage Die Leiden der Evangelischen in der Grafschaft Saarwerden.
Main Lieb signale dans son ouvrage en 1990 L'Alsace bossue que Jacob Médicus est médecin à Sarre-Union, d'origine juive probablement de Mayence.

Dès la fin du 17ème siècle, Zacharie Coblentz avec sa famille réside dans la cité.
Cette autorisation est renouvelée le 20 octobre 1721 puis le 26 janvier 1753.
On suppose qu'il est le seul avec sa famille à résider intra muros.
En 1758, les Wolff résident intra muros à Bouquenom et pourtant n'apparaissent sur aucune liste établie par la Municipalité.

Dans son article Une province, émancipée : les Juifs d'Alsace de 1789 à nos jours, Simon Schwarcfuchs écrit qu'en Alsace en 1784, on recensa trois mille neuf cent dix familles soit 19 624 individus de confession juive, mais qu'un nombre assez considérable en fut omis. L'historien Pierre André Meyer tire les mêmes conclusions pour la Lorraine. Pour l'Alsace, il précise que le véritable chiffre de la population juive en 1784 est de 22 500 individus. On a oublié de recenser un peu moins de 3000 personnes...

On enregistre officiellement quatre familles juives à Bouquenom en 1772 : Nathan Joseph - Simon Meyer - Léon Lévy et les deux filles de Zacharie Coblentz.
En 1782, trois autres familles se rajoutent à la liste : Moise Lehmann, Aaron Schwab, Michel Kan.
En 1808, 34 familles, 197 individus.
400 individus vers 1845 ; moins de 300 en 1882 ; 210 en 1902 ; 188 en 1913 ; 115 en 1930.
Le 3 juin 1947, Sarre-Union compte 42 israélites. La population juive remonte à 53 en 1953 et ne fera que décliner ensuite.
En 1997, on compte à Bouquenom 11 personnes de confession israélite.

Nouvelle synagogue de Sarre-Union
photographie prise dans les années 1950
Peut-on croire à un renouvau du judaïsme en Alsace bossue ? On ne peut être, pour l'instant, que très pessimiste sur la situation à venir et sur l'extinction probable vers le troisième millénaire du judaïsme rural en Alsace bossue.
En 1910, il y avait 459 israélites en Alsace bossue dont 20 à Sarralbe, ville située à 10 km de Sarre-Union en Moselle et faisant partie du Rabbinat de Sarre-Union.
En 1929, le Rabbinat de Bouxwiller compte 780 individus de confession israélite. Il comprend le canton de Bouxwiller, la Petite Pierre, Drulingen, Niederbronn.
En 1929, Bouxwiller compte 91 israélites - Ingwiller 215 - Sarre-Union 99 - Struth 57 - Diemeringen 80 - Herbitzheim - 2.
En 1997, seule une dizaine de communautés fonctionnent en-dehors de celle de Strasbourg.

Les noms des Juifs

Avant le décret impérial du 20 juillet 1808, faisant obligation d'adopter des noms de famille et des prénoms fixes, les Juifs portaient un nom individuel équivalent du prénom, donné à la naissance aux garçons et aux filles. Le nom pour les garçons était attribué lors de la circoncision le huitième jour. C'était toujours un nom religieux biblique qui était ensuite inscrit sur la mappah lange de circoncision pieusement conservée par les familles. Le nom pour les filles était conféré en deux cérémonies distinctes. Le nom hébraïque se fait en général le premier Shabath après la naissance à la synagogue. Le deuxième nom est donné lors de la cérémonie du "Holla Kreisch". On soulève trois fois le bébé dans son berceau en criant son nom à chaque fois. On pense ainsi éloigner le démon dont la vocation est de s'attaquer à l'accouchée et au nouveau né.

Au nom individuel, on ajoute le nom du père en intercalant entre les deux noms le mot "Ben", "fils de". Les descendants présumés des anciennes castes sacerdotales, les Kohanim descendant du grand prêtre Aaron et les lévites portaient par filiation les nom de Cahen et de Levy ou leurs variantes (Cahen, Cahn Kahn, Kahn, Caen, Levi, Lévin, Lévison). Certains surnoms adoptés par les Juifs furent des noms rappelant la provenance des individus Elsass, Gouguenheim, Haguenauer, Wimphen (Bad Wimphen) des familles originaires de France. Schwabe (Souabe), Coblence, Worms, Trèves, Oppenheim... Oulif de Ulfa qui d'après certaines interprétations viendrait d'une altération de WOLF.

Des noms rappellent le nom d'enseigne des maisons du ghetto de Francfort.
• Rotschild "Haus zum roten Schild"
• Haas "Zum Hasen"
• Picard de l'allemand Bickhard ou Bichert nom d'une maison à Frankfort zu Bicke
• Halphen de l'hébreu Chalfon changeur.

Les noms le plus souvent attribués sont:

Des noms proviennent de noms hébraïques :

Les installations communautaires

Sarre-Union

Le cimetière

On dit que peu avant la Révolution, on enterrait les morts dans le fossé de l'ancienne enceinte (La Steig) mais cela n'a jamais été vérifié. Ce fut le cas à Neuwiller-les-Saverne. Le cimetière existe depuis l'arrivée dans les premières années de la Révolution de nombreuses familles existant dans l'ancien comté de Sarrewerden et la proche région. La plupart des anciennes tombes ne datent que du début du 19ème siècle.
Le cimetière aura été vandalisé à plusieurs reprises. Les israélites de Harskirchen et de Sarralbe sont enterrés à Sarre-Union.

La synagogue

Famille juive de Sarre-Union à la fin des années 1950 : M. et Mme Cerf avec leur gendre et leurs petits-enfants
Il y avait une maison commune (Kahlstub) servant de synagogue avant la Révolution et qui se trouvait peut-être à l'emplacement de l'actuelle synagogue. Sur le plan de 1838, on voit l'emplacement de la nouvelle synagogue. Un tracé montre le mur démoli et l'enclos de l'ancienne. C'est l'architecte Alexis Robin qui dressa les plans de la synagogue. Elle fut inaugurée en 1839. Nous présentons dans notre exposition sur le patrimoine juif en Alsace bossue le premier rideau de l'Arche sainte datée de 1839 avec le nom de Bouquenom en hébreu et le nom des 39 personnes qui l'ont offerte. C'est une des plus belles pièces de notre exposition. Le rabbin réside à côté de la synagogue dans son logement de fonction.

Sarre-Union est évacuée en 1940. Le 10 septembre 1941, la ville achète pour 300 Mark la synagogue et le cimetière. La synagogue est louée en 1942 à la Heeres Standortvenvaltung pour 40 Mark par mois. En 1946, le Maire Alfred Harth fera tout pour éviter un procès entre la communauté israélite et la commune. Les biens seront restitués et les loyers remboursés. La somme de 10 200 F sera délivrée.

Une nouvelle synagogue beaucoup plus petite sera aménagée après guerre et inaugurée le 10 septembre 1950 par le grand rabbin du Bas-Rhin Abraham Deutsch. Son premier poste rabbinique de 1924 à 1927 fut Sarre-Union. Aujourd'hui [1997], la synagogue n'ouvre ses portes que le jour de Yom Kippour.

Qui se souviendra de l'âge d'or où les allées dans la synagogue s'appelaient (Hinterstaett - Goetterstaett) ? Où chaque famille démontrait sa piété et s'enracinait dans une communauté et une vie communautaire ?

La maison du rabbin, servant d'école israélite et également d'oratoire a été construite en 1839 en même temps que la synagogue. Un mikvé qui signifie "Rassemblement des eaux" date de la même période. Il s'agit d'un bassin d'eau pure. Après immersion totale, l'eau rend la pureté à la femme après sa menstruation. Les hommes pieux se rendaient au mikvé les veilles de Shabath et jours de fête.

On n'accède au grenier de la synagogue que par la Schule. Elle fut endommagée pendant la deuxième guerre mondiale, partiellement détruite et reconstruite mais nettement plus petite. De même, le mikvé fut comblé après 1945 et plus jamais utilisé.

Synagogue de Sarre-Union
Le premier Rabbin consistorial était Joseph Lévy né le 23 novembre 1799 à Sarre-Union. Son père Hertz Lévy, négociant, exerçait déjà la fonction de rabbin. Il étudia dans la célèbre Geshibah de Francfort.
Pendant plus d'un demi-siècle, il exerça la fonction de rabbin. Il avait pris la succession de son père et il était le gendre du rabbin Heymann de Phalsbourg. Le Rabbin Heymann, c'est le fameux Rabbin Sichel dans L'ami Fritz, le roman de Erkmann et Chatrian.

Parmi les rabbins de Sarre-Union on compte également Joseph Lévy, père de Raphaël Lévy, aumônier à Poissy - Isaac Gugenheim (1880-1912) - Moïse Debré (1912-1919) décédé à Sarre-Union. Il est le cousin du grand rabbin Simon Debré et grand-père de Michel Debré, le premier ministre du Général de Gaulle. Le rabbin Jérôme Lévy (1920-1924) deviendra par la suite rabbin à Obernai. Le Rabbin Abraham Deutsch (1924-1927) son premier poste. Il devint rabbin de Bischheim par la suite puis après 1945 grand rabbin du Bas Rhin. Le Rabbin Max Guggenheim à Bouxwiller prit la relève jusqu'en 1957.
Actuellement [1997], c'est le Rabbin Gensburger qui s'occupe des communautés d'Alsace bossue.

Diemeringen

La synagogue fut construite en 1867 d'après les plans de l'architecte Luis Furst. Elle remplace une salle aménagée en oratoire chez des particuliers. La synagogue fut restaurée en 1906. Saccagée durant la seconde guerre mondiale, elle fut rendue au culte le 31 août 1947. Les élévations latérales comportent quatre travées. Sur le pignon se trouvent les tables de la Loi.

La Schule ou l'école hébraïque se situe à côté de la synagogue. Elle fut commencée en 1953 et achevée en 1862. Elle comprenait, outre la salle de classe, les bains rituels et le logement de l'instituteur à l'étage. Le mikvé ou bain rituel à l'arrière du bâtiment a été dégagé et date certainement de la construction du bâtiment. Une caisse de bienfaisance fut fondée par la communauté en 1866.

Les qualités du chantre Léopold Bloch, qui exerça pendant trente-cinq ans et cela jusqu'à sa mort le poste d'enseignant, furent telles que les élèves reconnaissants lui élevèrent un monument au cimetière en 1885.

Le cimetière date de 1770 et possède des tombes de toute beauté dont certaines mériteraient d'être inscrites à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Mais n'est-ce pas le cas de tout le patrimoine funéraire de l'Alsace bossue aux 18ème et au 19ème, du moins les plus intéressantes ?

Struth

La synagogue fut construite en 1836. Elle appartient à la commune. L'inscription sur le linteau de la porte d'entrée dit "Voici la porte du Seigneur, les justes y entreront" (Psaume 118). Cette œuvre sainte a été achevée dans l'année 5596, soit 1836. La charpente, récemment découverte par les travaux de restauration, a laissé apparaître la date de 1835.

La synagogue de Struth a été élevée en deux campagnes successives. Elle est de type classique. La nef est de plan rectangulaire à trois travers à l'extrémité ouest de la façade nord, on a une demi tourelle engagée. Le chevet polygonal (3 pans) à une travée a été ajouté en 1903. Ce chevet constitue une particularité dans la mesure où les synagogues en sont généralement dépourvues.
La grande originalité de la synagogue de Struth est le travail du grès au niveau des décors. C'est un travail remarquable qui ne peut que séduire les visiteurs d'un tel édifice.

Inscrit à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis le 16 juillet 1987, Struth possède également une Schule ou école hébraïque qui date peut-être de l'époque de la construction de la synagogue, ainsi qu'un mikvé découvert récemment dans le sous-sol de la Schule.

Le cimetière de Struth date de 1750. Il est le plus ancien cimetière juif d'Alsace bossue est certainement le plus pittoresque. Il a été vandalisé, comme la plupart des cimetières israélites.

Dehlingen

Dehlingen possédait une synagogue située non loin de l'église du village. Elle a été construite en 1827, et détruite par la suite quand la communauté a cessé d'exister. Les vieux habitants de Dehlingen se souviennent de la Judes Hus, dans une rue qui, comme à Diemeringen, devait être une rue habitée en majorité par les Juifs. On aurait remplacé la synagogue par l'atelier d'un sabotier, mais cela reste à vérifier.

La tradition d'un mikvé et d'une Schule en Alsace me permet d'affirmer qu'on a certainement un bain rituel et une école privée à Dehlingen. Des recherches dans ce sens restent à faire.

Le cimetière de Dehlingen date de 1830. Il est actuellement à l'abandon. Nous y avons découvert les plus beaux témoignages de stèles funéraires duaïques d'Alsace bossue. Il faudra, dans les prochaines années, mener une action de sauvetage pour ce patrimoine en péril.

Photographies et illustrations : © Michel Rothé

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