Un musicien exceptionnel
Sankson Jakubowski
1801 - 1873
par Jean Daltroff
Extrait de Echos-Unir n°277, janvier-février 2014



Portrait de Sankson Jakubowski
Collection BNU Strasbourg dans MS. 5.9 944. Liure de Souvenir et de recommandation pour M. Sankson harmoniste et professeur de musique, artiste et inventeur de l'instrument harmonica de bois, 1873

Sankson Jakubowski repose de nos jours dans le cimetière israélite de Strasbourg-Koenigshoffen. Il est l'inventeur de l'harmonica de bois dit xylophone.L'obélisque lisse formant la structure dominante du monument porte l'instrument de musique et l'oeil de la Providence qui apparaît également au centre d'un triangle au-dessus de sa stèle. La stèle est gravée d'un côté en hébreu et en français et de l'autre côté avec une inscription endommagée en français : "Erigé à la mémoire d'un homme de bien, cosmopolite F trois points, artiste distingué par quelques amis des arts ".

Nous avons trouvé récemment à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg, un ouvrage exceptionnel intitulé Livre de souvenir et de recommandation pour M. Sankson harmoniste et professeur demusique, artiste et inventeur de l'instrument harmonica de bois, 1873. Ce livre permet d'évoquer le parcours européen d'un artiste de talent oublié, depuis Kowno où il naquit en Pologne en 1801 jusqu'à Strasbourg, son lieu de décès en 1873.

Il passa ses premières années à Wladislawowa puis à Augustowo, suivit les cours de droit à l'Université de Königsberg et entra dans le commerce. Il était depuis trois ans à Saint-Pétersbourg, lorsque le hasard lui fit inventer l'instrument en question bien extraordinaire qui lui valut une célébrité européenne. Cet instrument composé de vingt-quatre morceaux de bois de sapin posés sur quatre rouleaux de paille n'en avait d'abord que quinze et sans les demi-tons. Cependant notre artiste le perfectionna, et débuta dans un concert à Viborg en 1826, puis retourna dans la capitale de Russie pour s'y faire entendre comme artiste. Ayant obtenu plus de succès, il donna quelques leçons et eut pour élève Gusikov (1806-1837). En 1827 il partit pour l'Allemagne et obtint des applaudissements dans les principales villes, excitant partout la curiosité et l'étonnement. Il se produisit à Königsberg le 6 mai 1828 et à Dantzig le 12 août de la même année.

Les artistes de l'époque Rossini, Paganini, Paer, Auber, Meyerbeer et Doëhler lui trouvaient une perfection d'exécution sur l'instrument de bois et paille de son invention.

"Pureté merveilleuse" et "justesse remarquable "

Il possédait dans son livre plusieurs signatures de têtes couronnées dont le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume Encouragé par de nombreux succès, l'artiste écrivit plusieurs morceaux pour son harmonica, voyagea au Danemark, en Suède et Norvège et vint en France en 1832, où il se produisit notamment à Bordeaux en 1834. L'impression qu'il y produisit accut encore sa réputation. En tant que professeur de musique, il résida à Paris rue du Petit Lion Saint-Sauveur. Il visita l'Angleterre et participa à un concert au St Patrick's Hall le 23 février 1837 en Irlande.

Sanskson Jakubowski fit ensuite de fréquents voyages en province : à Poitiers en 1844 et à Angers en 1845 ; il fit encore une tournée à Caen en 1848, à Metz en 1851 où le journal Le Voeu national insistait sur les talents de l'instrumentiste. Il joua de son instrument dans les salons de l'Hôtel de Ville : "l'appareil dont Monsieur Sankson tire des sons est d'une pureté merveilleuse d'une justesse remarquable dans leur ensemble." Il se produisit en concert dans d'autres villes de province à Toulouse, en 1858, à Caen en 1865, à Rouen en 1866 et à Paris en 1867. Dans le Journal de Rouen du 26 février 1866 on pouvait lire : "Son instrument consiste en vingt-quatre morceaux de bois de sapin posés sur quatre rouleaux de paille, le tout placé sur une table dont les pieds posent sur des verres. Les vingt-quatre morceaux debois sont attachés entre eux et disposés de manière que les sons élevés du dessus se trouvent du côté de la main gauche de l'exécutant; les morceaux pour la basse de l'harmonica sont plus longs et sont placés à droite. L'exécutant tient dans ses mains deux baguettes de bois de fer en bois des îles avec lesquelles il frappe sur les morceaux de sapin avec une dextérité remarquable. Il arrive à une grande netteté et ses cadences sont perlées. Les principales compositions de Monsieur Jakubowski sont : La Marche Tatare, et Tyrolienne variée, Les adieux du Kozak, avec variations, la Fantaisie sur un thème russe, La Fantaisie sur une Rêverie (Dumka), la Polonaise, en si mineur, la Polonaise célèbre du prince Oginski, arrangée pour l'harmonica, l'Ouverture du Calife de Bagdad, arrangée pour l'harmonica, des Valses tirées des opéras : Freyschütz, Mazurek de Kurpinski. "

En 1867, Sankson Jakubowski fut atteint d'une double ophtalmie qui finit par entraîner une cécité complète des deux yeux. Il passa les dernières années de sa vie à Strasbourg où il se concilia l'estime de tout le monde. Il y mourut le 11 juin 1873 dans le plus grand dénuement, admirablement soigné par sa femme Petronella Bonn. Une tradition rapporte que chaque année quelques amis des arts venaient au cimetière pour jouer une aubade en son honneur.

Cet artiste tombé dans l'oubli a parcouru une partie de l'Europe entre 1826 et 1867 pour faire connaître son harmonica de bois qu'il maîtrisait avec talent. Il fut un homme ouvert aux autres apparemment bien intégré et reconnu par le milieu artistique et reposant au paisible cimetière israélite de Strasbourg-Koenigshoffen.

Sources bibliographiques


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