Elie SHEID - HISTOIRE DES JUIFS DE HAGUENAU I.3
I. Sous la domination allemande


III. 17ème siècle

Armes de l'Archiduc
Léopold V
1586 - 1632
Souverain d'Alsace à partir
de 1620

Les années de troubles continuaient. Il y avait constamment en Alsace, de passage, des troupes allemandes se dirigeant vers la France, d'autres séjournant même en Alsace (43).
Les Juifs des environs ne présageant jamais rien de bon de ces visiteurs désagréables, s'adressèrent à la ville pour avoir l'autorisation de venir se réfugier à Haguenau. Elle leur fut accordée moyennant 80 florins de Strasbourg (à 5, 05 7.= 404 fr).

Mais comme ils étaient déjà venus de cette façon par trois fois, le magistrat craignit de les voir, dans la suite, fonder une sorte de droit sur ce précédent, et leur demanda avant leur sortie de Haguenau, par l'entremise de leur préposé Lazarus de Surbourg, de signer un acte par lequel ils reconnaissaient n'avoir été admis à entrer à Haguenau que par "la grâce et la miséricorde du magistrat".

Quatre ans après, une troupe armée venant de la Bourgogne, sous le commandement du sieur de Maleroy, s'était dirigée sur Strasbourg. Elle prétendait venir au secours des Protestants. Elle fut d'abord bien reçue. Mais quand on eut vu que son intention était de s'emparer de Brissac, les dix villes alliées commencèrent à lui faire la guerre, et quelques mois après, elle rentra en France par Saverne.

Les Juifs des environs, toujours avec Lazarus de Surbourg, en tête, vinrent se réfugier pendant les hostilités à Haguenau. Ils durent payer cent cinquante florins de Strasbourg pour ce séjour passager. Ils étaient arrivés au mois de juillet 1579 (44).

On imagine avec quelle ardeur ils récitèrent les lamentations au jour du 9 d'Ab.- Mais ce bruit ne convint pas à la magistrature de la ville : elle fit venir le préposé de la communauté et lui fit part qu'en vertu de l'article 2 de la loi de 1561, elle défendait aux étrangers de prier dans sa synagogue. Elle fit plus. Les Juifs de Haguenau durent signer un traité par lequel ils s'engageaient à ne jamais permettre à leurs coreligionnaires du dehors de venir dans leur temple. La première fois qu'on les trouverait en défaut sous ce rapport, la synagogue serait fermée. Après les fêtes, les Juifs des environs purent retourner chez eux, mais sans avoir eu l'autorisation, pendant tout cet intervalle, de se rendre à la synagogue.

La communauté continuait, comme par le passé, à n'avoir que six familles, sans compter les domestiques dont elle avait besoin. Quand l'un des chefs venait à mourir, il pouvait être remplacé. L'arbitraire le plus complet régnait en cette matière. Tel Juif en effet, qui plaisait ou bénéficiait de la protection, était souvent admis sans bourse délier, tel autre était sans raison aucune, refusé, ou payait de lourds droits.

Pendant les hostilités, il était mort à Haguenau un des six pères de famille, nommé Gerson. Il laissa une veuve. Celle-ci fit une pétition, afin d'obtenir le droit de loger chez elle son gendre Alexandre de Soultz-Sous-Forêts, pour qu'elle ne fût pas seule. Elle le réclamait comme tuteur de ses enfants mineurs.
Le Sénat fit une convention avec elle aux conditions suivantes :

"Son gendre pourra venir demeurer avec elle, s'il paie tous les ans vingt livres Strasburger-Pfenning (à 9,05 = 193 fr.). Seulement, si elle se remarie, ou si, par suite d'une liaison quelconque, elle change sa situation, son gendre devra retourner à Soultz" (45).
Elle ne se remaria pas, elle mena une conduite exemplaire, et ainsi Alexandre put rester à Haguenau. Il devint le père des Blum.

Tout resta tranquille  pendant quelque temps, quand, vers le mois de juin 1587 (46), des troupes françaises et allemandes, enrôlées pour le compte de Henri de Navarre, se réunirent dans le Bas-Rhin. Deux-mois après, elles étaient rejointes par une armée de confédérés suisses.

Les Juifs des environs, ne se trouvant encore pas en sûreté chez eux, vinrent de nouveau implorer le magistrat de Haguenau de vouloir bien leur permettre de résider dans la. ville jusqu'après la guerre. L'autorisation leur fut accordée, moyennant 200 florins de Strasbourg.
C'étaient, avec Lazarus de Surbourg en tête, Baruch de Soultz, Schlumme de Kutzenhausen, Raphaël de Beinheim, Mayet, beau-frère du précédent à Schaffhausen près Hochfelden, Isaac et son gendre Salmé de Wittersheim, Süskind de Brumath, Mara et son gendre Hayem de Hatten et Model de Betschdorf (47).
Malgré toutes les sommes qu'ils avaient versées à la ville, ils ne purent élire domicile que chez les Juifs de Haguenau.
Enfin, après avoir vidé leurs bourses, ils purent retourner chez eux attendre des temps meilleurs.

La supplique de Bonéfés

En 1607, par la mort d'un de ses membres, la communauté fut encore réduite à cinq ménages. Un juif de Wintzenheim (Bas-Rhin) nomme Bonéfés, pensant que l'occasion était bonne pour obtenir l'autorisation de remplacer le défunt dans la ville, vint demander cette faveur au magistrat de Haguenau.
C'était en 1608. La ville, jouissant d'un moment de tranquillité, refusa de l'admettre, alléguant comme raison qu'elle ne le connaissait pas assez pour le recevoir dans son sein. A force de supplications, il parvint cependant à pouvoir rester à Haguenau, à titre d'essai pendant deux ans. Si durant ce laps de temps il se conduisait bien, il lui serait peut-être permis de fixer sa résidence en cette ville.
Il dut, on attendant, payer l'impôt comme ses coreligionnaires, et se procurer un logement chez l'un d'eux. On se figure aisément quel fut son genre de vie pendant ces vingt-quatre mois. Sa conduite ne donna lieu à aucune plainte, et enfin à l'expiration du temps qui lui était assigné, il adressa aux autorités locales, sur parchemin, l'écrit suivant :

Moi, Bonus, Juif de Wintzenheim , reconnais par les présentes, pour moi, mes héritiers et mes descendants, que lorsqu'il y a deux ans, les nobles, sages, très savants et honorables membres de la magistrature et du conseil de la sainte chambre impériale et de la ville de Haguenau, ont bien voulu agréer ma demande et m'ont permis de résider jusqu'à ce jour dans la ville, c'était par grâce spéciale de leur part, et sans l'ombre d'un droit de mon côté.
Comme, pendant ce laps de temps, je me suis bien conduit, je n'ai pu m'empêcher de demander à la ville de m'accorder sa protection et son soutien pour un séjour ultérieur. Personne, j'en suis persuadé, n'aura eu à se plaindre de moi jusqu'à présent. Aussi j'espère avec une entière confiance que la  ville m'accordera, sans discontinuer, son soutien et sa protection, tant pour ma personne que pour ma femme et mes enfants après moi, moyennant un certain tribut à payer tous les ans.
J'espère d'autant plus, que l'autorité supérieure m'a fait entendre que je pourrais être accepté si, pendant ces deux ans, je ne donnais sujet à aucune plainte, ce dont je puis me flatter. De ma vie, et après ma mort, ma veuve et mes enfants, nous n'oublierons ce bienfait, et dès que nous en aurons l'autorisation, nous tâcherons aussi d'avoir une maison pour notre habitation et notre famille.
Voici par contre ce à quoi je m'engage :

  1. Je prêterai le serment qu'on a coutume de prêter à la mairie, pour moi, mes héritiers et mes descendants, et je conviendrai par là que si j'ai obtenu l'autorisation de demeurer dans la ville avec ma femme et mes enfants, ce n'a été que par grâce spéciale et par la miséricorde d'un honorable conseil, et non par droit ou redevance. Je m'engagerai aussi, par ce serment, à ne jamais rien faire, ni contre les privilèges royaux ou impériaux, ni contre les libertés, la justice et les us et coutumes de la localité, ou tous autres actes, surtout ceux qui concernent les Juifs, ni maintenant ni plus tard.
  2. Aussi longtemps que je demeurerai ici, et que j'y serai toléré, je n'achèterai ni maisons ni biens, pour les revendre, ni directement ni in directement.
  3. S'il plaît au vénéré conseil de ne plus vouloir de moi, au cas où je ne lui conviendrai plus, pour un méfait quelconque, et qu'il nous dénonce sa protection, je m'engage à quitter la ville et à chercher un pied à terre ailleurs, sans pour cela recourir aux plaintes, aux supplications on aux récriminations. Avant de partir, je serai alors obligé de payer tous mes créanciers.
  4. Pour ce soutien et cette protection, je verserai annuellement vingt livres strasbourger pfenning à la ville, en dehors de ce qui m'incombera pour capitations et facultés, au stettmeister ou autres.
    Je m'engage aussi à ne jamais prêter de l'argent, faire crédit ou prendre des gages centre les statuts et règlements de la ville, comme le doit tout Juif.
  5. J'aurai aussi toujours dans mon écurie deux bons chevaux que je mettrai à la disposition des bourgeois qui voudront les monter, à un prix modéré.
  6. Je ne garderai pas chez moi d'autres Juifs, et je ne donnerai asile qu'une nuit à un pauvre de passage, comme cela s'est toujours fait, et le lendemain je me chargerai de le faire partir.
  7. Le conseil me fera aussi la grâce de me permettre de faire chercher chaque semaine, dans la forêt, une charretée de bois mort pour mon propre usage.
Tout ce qui précède, je le tiendrai à la lettre ; et pour, en dehors du serment, plus de sécurité, j'ai  moi, Bonus, mis au bas de la présente, ma signature, écrite de ma propre main.
J'ai, de plus, prié le noble et juste Jean-Louis Surger, de Mutzig, de vouloir bien mettre son sceau au bas de cet acte, pour confirmer encore une fois ce qui est dit ci-haut.
(Ce que j'ai, Jean-Louis Surger, ci-dessus dénommé, après la prière de Bonus, fait, et reconnais avoir fait, sans pour cela que cet acte doive porter préjudice à  moi, mes héritiers, mes descendants ou successeurs dans mon étude.)

Fait à Haguenau le lundi 21 juin. 1610.
Signé en hébreu :  Ich, BONEFES, bekenne wie owe steit (48).
(Moi, Bonéfés, je reconnais comme il est écrit ci-haut.)

Dans une séance extraordinaire, tenue ad hoc, il fut admis aux conditions énoncées ci-dessus. Ce Bonéfés fut la souche de tous les Bonus ou Bonef qui, en 1808, prirent le nom de Rose. Ce fut aussi le premier aubergiste juif de la ville de Haguenau. Plus tard, seulement, au siècle suivant, il y en eut deux.

En 1610 des troubles éclatèrent en Alsace, qui forcèrent encore une fois les Juifs des environs de Haguenau à se réfugier dans la ville; ils durent acheter ce refuge an prix de 70 florins. Lorsque la paix régna de nouveau, les Juifs durent quitter Haguenau. Parmi eux se trouvait un homme instruit, médecin et rabbin ; il demanda aux magistrats l'autorisation de rester dans la  ville. Le conseil, pour toute réponse, lui signifia les conclusions suivantes :

"Nous défendons à Haym, juif, rabi, de s'établir chez nous" (49).

Il dut donc s'en aller aussi, pour retourner à Landau, ville d'où il était venu.


Vue de la ville de haguenau en 1622 occupée par Mansfeld et assiégée par l'archiduc Léopold

Début de la guerre de Trente ans (1618-1648)

Après quelques années de repos, commença la guerre de Trente ans. En 1621 les troupes suédoises vinrent en Alsace. Aussitôt les Juifs des environs de Haguenau accoururent de nouveau dans la ville pour s'y mettre à l'abri. Ils eurent à payer 12 reichsthalers par ménage et par semestre, comme droits de résidence passagère. Vers la fin de l'année, Mansfeld s'empara de Haguenau, ou ses soldats, avec l'assentiment de leurs supérieurs et au mépris des conventions, se mirent à piller la plus grande partie des établissements de la ville, qui devaient leur être sacrés, mais où ils cherchaient des trésors. Ils ne manquèrent naturellement pas de tout saccager aussi dans le temple israélite. Les livres qu'ils trouvèrent et qui ne pouvaient guère leur être utiles furent déchirés et jetés dans les rues (50).

Les Israélites pleuraient ces malheurs, quand, au commencement de l'année 1622, l'archiduc Léopold vint au secours de Haguenau et y mit le siège pour la prendre d'assaut. Mansfeld avait eu le temps de lever une contribution de guerre, pour laquelle les Juifs versèrent 400 florins.

Sur ces entrefaites, au mois d'avril, mourut un des Israélites réfugiés. La communauté ne put penser à le faire inhumer hors de la ville, au cimetière actuel ; elle s'adressa en conséquence au Stettmeister Capito (51). Celui-ci leur céda une partie de son jardin, pour y enterrer leurs morts, moyennant une redevance d'un reichsthaler par mort, qui devait lui être payée, à lui personnellement. Toutefois, pour être à couvert contre toutes les éventualités, ils avaient dû, le jour du décès, et avant même d'avoir pu s'entendre avec Capito, soumettre l'affaire au magistrat. Le conseil se réunit le 19 (dans l'intervalle était mort un deuxième juif) pour s'entendre sur la question. Les Israélites, y fut-il dit, ne pouvant sortir de la ville, pour aller au cimetière, y enterrer leurs deux morts, à cause des troupes qui les arrêteraient, demandent un emplacement dans la ville, et cela le plus tôt possible. En effet, plus la chose traîne en longueur, plus il y a danger (à cause de la contagion et de la grande agglomération de troupes). Ils veulent bien donner à la ville un florin, comme droit de sépulture (52), comme par le passée. Il fut alors décidé :

"Qu'ils  arrangent cette affaire au mieux, afin qu'il n'en résulte pas de danger pour la cité, et qu'en attendant la fin du siège, ils enterrent leurs morts dans le jardin communal mis récemment à la disposition du commissionnaire du Conseil. Qu'ils payent pour chaque inhumation un florin d'or. Seulement qu'ils prennent note que cette autorisation ne leur est concédée que pendant la durée des hostilités autour de Haguenau. Après cela, on verra à tomber d'accord avec eux " (53).

Les Juifs, appelés pour entendre ces conclusions, supplièrent les honorables membres du conseil de vouloir bien modérer leurs exigences. Ceux-ci consentirent à remettre ce tribut exceptionnel à un reichsthaler. Quand tout fut terminé, le Stettmeister Capito s'avança  pour annoncer à ses collègues qu'il avait déjà accordé aux Juifs un coin de son jardin, moyennant un reichsthaler par mort (outre le reichsthaler qui était à verser dans la caisse municipale), en ajoutant que personne ne pouvait rien prétendre contre cet arrangement. Naturellement on lui donna raison : il n'eût tenu qu'à lui de se faire verser deux reichsthalers, s'il avait voulu.

Les Juifs des villages environnants, revenus dans leurs foyers à la fin de l'année 1622, accoururent de nouveau, en janvier 1623, supplier les autorités de Haguenau de vouloir bien leur permettre de se réfugier encore une fois en ville. Ils en reçurent l'autorisation, à la condition que chaque famille donnerait pour droits de séjour  la somme de 12 reichsthalers (à 5,80 =  69 fr. 60) et  apporterait, avec ses biens, trois viertel (sacs) de seigle par tête.
Les Juifs prièrent le magistrat de diminuer cette somme, vu les grands sacrifices qu'ils avaient faits depuis près de trois ans. L'imposition fut alors réduite a huit reichsthalers.

Enfin, Haguenau recouvra sa liberté et surtout un peu de tranquillité : les Juifs étrangers retournèrent dans leurs villages.

Reconstruction du temple


Ecu frappé à Ensisheim
pour Léopold V (1620)
Quand les esprits furent un peu apaisés, la communauté israélite songea à remettre son temple en état. A bout de ressources, elle s'adressa à la banque, qui était sous le patronage de la ville, pour faire un emprunt. Les fonds de cette banque venaient de dépôts, et c'est par des prêts qu'on faisait valoir cet argent. Mayer, au nom de tons les Juifs de Haguenau, emprunta donc en février 1623, du dépôt fait par les héritiers de Philippe Wüllwesheim, la somme de cent livres neue ungarische ducats (1063 fr.). Pour toucher cette somme, Mayer dut signer un billet et donner pour caution une chaîne en or du poids de 16 1/2 loths et un demi-quintel (259 grammes 7/10), de plus, trois gobelets en vermeil pesant ensemble 196 loths (soit 3 kilog. 62 1/2 gr.). Les Juifs purent rembourser cette avance avec les intérêts   le 20 septembre de la même année (54).

Grace à la tranquillité qui avait commencé à régner dans la ville, les autorités eurent de nouveau le temps de penser aux Juifs. Pendant ces dernières années de guerre, un des six pères de famille s'était trouvé retenu à Saverne, par le siège qu'en avait entrepris Mansfeld. Il fut forcé de s'y créer une occupation pour se nourrir. Il réussit dans ses  affaires, il se plaisait d'ailleurs dans cette ville. Comme il  s'etait distingué pendant le siège, l'archiduc Léopold lui avait permis, sur sa demande, de vendre sa maison de Haguenau à un autre Juif et de venir demeurer à Saverne. A son arrivée à  Haguenau, il  présenta son remplaçant à la magistrature. Celle-ci lui défendit de vendre sa maison à ce coreligionnaire. Comme ce Juif Jäckel ou Jacob se croyait dans son droit, il porta plainte à l'archiduc Léopold, qui intercéda pour lui auprès du Landvogt (55). Après des pourparlers, il put avoir 1'autorisation de partir, laissant à sa place le nommé Gerstel, appelé plus tard l'Allemand, pour le distinguer d'un autre Gerstel, dénommé alors le Welch, parce qu'il était arrivé à la suite des troupes françaises.

Ils étaient donc de nouveau au nombre de six familles, quand enfin, le 13 juillet 1626, Jonas, fils de Simon, reçut la permission de s'établir à Haguenau comme Juif protégé. Cependant il ne put acheter de maison de bourgeois ; mais il fallut qu'il allât demeurer chez son père, qu'il versât 12 reichsthalers (69 fr. 60) pour sa réception, qu'il fournit un mousquet à l'arsenal, payât tous les ans 24 schillings de capitation, et 4 thalers pour le vin qu'il pourrait boire (s'il n'en prend pas à table, tant pis pour lui). Il fut obligé, bien entendu, de venir à la mairie, devant le Stettmeister, prêter serment de fidélité aux lois de la ville, etc. (56). C'était la première fois, après quatre siècles et demi, que la communauté comptait plus de six familles. Cette impulsion, une fois donnée, le mouvement suivit. Au fur et à mesure que la ville eut besoin d'argent, situation qui se reproduisit souvent pendant ce siècle, elle, frappa monnaie en imposant les Juifs, selon le bon plaisir du Stettmeister.

La guerre sévissant de nouveau, en 1627, Juifs étrangers revinrent. C'était après la fête de Pentecôte. Au mois de juin, Bildstein proposa de faire payer à ceux du Reich, un reichsthaler par semaine par chaque homme, et un schilling par chaque femme, enfant, domestique et bétail même, d'imposer ceux de la Landvogtei, à raison de deux florins par homme et les autres à raison d'un schilling. La différence d'imposition était excessivement minime, comme on voit : Bildstein profitait de chaque occasion. Les Israélites du dehors firent donc une demande collective de diminution de cet impôt extraordinaire, surtout pour les enfants, les femmes, les domestiques et les bestiaux. Le 14 juin, le conseil se réunit et après un assez long débat, où Bildstein tenait à sa première proposition, ceux du Reich furent imposés à raison d'un florin par semaine et par homme, ceux de la Landvogtei d'un reichsthaler (57). Les Juifs revinrent à la charge, en disant que ces dix années de guerres continuelles les avaient presque ruinés et qu'on devait avoir pitié d'eux. Le magistrat leur répondit qu'il comprenait leur position, mais n'y pouvait rien changer, et que les riches qui se trouvaient parmi eux n'avaient qu'à payer pour les pauvres (58). Enfin, poussés à bout, ils n'eurent plus d'autre ressource que de s'adresser au commandant colonel Ascanius, gouverneur de la ville. Celui-ci eut compassion d'eux et les imposa de la façon suivante : Ceux du Reich, ensemble, à cent florins par trimestre, ceux de la Landvogtei à six thalers par trimestre, et par tête, ce qui faisait plus de cent pour cent de diminution. Malgré tous ces sacrifices, ils n'eurent pas le droit d'aller à la synagogue.

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